> 31 août 2024
Un beau matin de mars « épicé d’un avant-goût de printemps », voilà Jules Maigret qui est pris, soudainement, d’envie de vacances.1 Un ancien de la PJ, Leduc, l’invite depuis longtemps à venir le voir dans le Périgord, à Villefranche-en-Dordogne. Qu’à cela ne tienne, c’est le moment idéal, vu le peu d’activités du moment, pour sauter le pas. Un train de nuit va mettre ces beaux projets à bas. En effet, dans la couchette au-dessus de celle de Jules est couché un homme qui geint, qui s’agite… et finit par sauter du train, juste avant d’atteindre Bergerac.
L’homme saute du train. Jules aussi. L’homme se retourne et tire une balle ; Jules s’écroule. Il est touché à l’épaule ! Après une courte hospitalisation, il est transporté à l’hôtel d’Angleterre, d’où il va mener l’enquête, depuis son lit, chouchouté par son infirmière préférée, une Mme Maigret au top de sa forme, qui prépare des crèmes au citron topissimes et échange des recettes de cuisine avec le chef de la maison !
Et dans cette histoire de fous, il semble bien qu’il y en ait plus d’un !
Retrouvé errant sur les voies, blessé, Jules est pris pour un fou par les autorités … Pas n’importe quel fou… Le fou de Bergerac…celui qui a déjà commis plusieurs agressions et meurtres à l’encontre de jeunes femmes de la région.
Bien vite, Jules réussit à se faire entendre. Ouf à Bergerac !
Est-ce le médecin, le Dr Rivaud ? Est-ce le procureur, M. Duhourceau ? Le juge d’instruction ? Le commissaire de police ? Son timide greffier ? Jules interroge, questionne, se fait des ennemis parmi les notables du coin, qui se serrent les coudes et voient, avec colère, cet étranger débarquer dans leur univers avec ses gros sabots.
Ce cadavre est celui de l’inconnu qui a tiré sur Jules Maigret. Un drôle d’individu, nommé Samuel Meyer, censé être mort il y a quelques années, en Algérie. Une histoire de fous ! Il s’agirait, apparemment, de l’agresseur recherché !
La jeune belle-sœur du Dr Rivaud est « fine, élégante ». Une très jolie jeune fille, qui fait se retourner les hommes dans la rue.
La femme du Dr Rivaud est, quant à elle, très simple d’allure. Un peu bobonne même, malgré sa jeunesse (elle a entre 25 et 30 ans). Craintive, voire apeurée !
La mère de Françoise et de Germaine, Joséphine Beausoleil, est une ex-femme de théâtre qui continue à utiliser tous ses artifices de théâtre (« En tout cas, elle avait encore des prétentions à la beauté, car elle était maquillée comme une femme de théâtre. ») et qui pourrait encore parfaitement séduire des petits « gommeux » !
Avec un rouge à lèvres, Joséphine se dessine une « bouche en cœur ». Elle entretient, du mieux qu’elle peut, son teint laiteux, qu’elle n’hésite pas à exhiber par tous les coins de son habillement. (« Et ces épaules laiteuses largement dénudées. »)
Joséphine raconte sa vie à Maigret. Et puis, elle se remaquille par habitude. « Maigret, en allumant sa pipe, la regardait en souriant, tandis que Joséphine Beausoleil se mettait de la poudre. »
Au fil de la conversation, tout se met en place. Jules reconstitue les faits. Le Dr Rivaud est, en réalité, le Dr Meyer qui, en Algérie, a rencontré la famille Beausoleil, au moment-même où il faisait passer pour mort son voyou de père (Samuel).
Lorsqu’un double coup de feu retentit, témoignant du suicide de Françoise et de son amant, la pauvre Joséphine s’effondre. Les larmes se mettent à couler sur son visage peinturluré. Les larmes « roulaient sur les joues dont l’émail se diluait ».
Le docteur qui vient voir Maigret chaque jour pour sonder sa plaie se savonne logiquement les mains !
Le fou de Bergerac n’est qu’un personnage secondaire, dans ce roman, même s’il a déjà tué à plusieurs reprises. Ce fou, qui est le père d’un notable, n’est que l’élément déclencheur du drame qui va se jouer entre les murs de l’hôtel d’Angleterre. Le Dr Rivaud, qui a jadis sauvé son père de la potence, en le faisant passer pour mort, va le tuer une seconde fois, cette fois-ci pour de bon. Il ne lui reste plus qu’à quitter la scène, emmenant avec lui, Françoise, son amour de toujours. Tout cela, sous les yeux d’une femme de théâtre, au fond de teint émaillé. Il pleuvait des larmes de céruse, en ce printemps-là, à Bergerac. Un vrai maquillage de fou !
Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour son illustration du jour.
1 Simenon G., Le fou de Bergerac, Librairie Arthème Fayard, Paris, 1964, 218 pages
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