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Homéoplasmine, attention danger !

> 24 juin 2017

Homéoplasmine, attention danger !

Dans le domaine de l’esthétique deux clans s’affrontent : « ceux qui ont peur de tout » et « ceux qui n’ont peur de rien ».

Ceux qui ont peur de tout voient dans les cosmétiques de véritables bombes à retardement. Des ingrédients d’une grande nocivité (paraffine, parabens, silicones, PEG…) y seraient introduits pour notre plus grande perte ! La toxicologie des ingrédients retrouvés dans les cosmétiques est passée au crible par des blogueuses-beauté qui s’autoproclament spécialistes du domaine sans avoir jamais étudié sérieusement le sujet sur les bancs de la Faculté ! « Ceux qui ont peur de tout » se tournent vers les cosmétiques biologiques (qui sont, pourtant, loin d’être les meilleurs), vers les recettes trouvées sur internet, vers les conseils les plus divers, à la condition expresse, toutefois, qu’ils émanent de non-spécialistes. On retrouve la même naïveté, la même crédulité chez certains parents qui en consultation à l’hôpital font part de leur angoisse à l’idée d’utiliser un dermocorticoïde et qui exhibent fièrement la recette-miracle (qui a complètement « nettoyée » la peau de leur enfant) achetée sur quelque marché et dont ils ne connaissent absolument pas la composition !

« Ceux qui n’ont peur de rien » sont des consommateurs qui ne se posent pas mille questions, qui ne s’embarrassent pas de polémiques, qui choisissent leurs cosmétiques de manière instinctive, voire compulsive, sans retourner le produit dans tous les sens…

« Ceux qui ont peur de tout » et « ceux qui n’ont peur de rien » se sont déjà retrouvés autour d’un tube d’Homéoplasmine.

Il faut dire que celui-ci est présenté comme le produit de beauté incontournable. Hommes et femmes peuvent utiliser ce précieux produit pour réparer des mains blessées par le bricolage, des coupures dues au rasoir, des lèvres gercées, des talons fendillés, des ampoules au pied, pour apaiser les coups de soleil, les effets de l’épilation… Que sais-je encore ? Par ailleurs, appliqué sur les lèvres, ce produit hydrate et comble les ridules des lèvres, évitant au rouge à lèvres de filer dans ces petits canaux si disgracieux et d’y créer des motifs peu esthétiques. Sur les cils, il joue le rôle de fixateur (pour discipliner ceux que l’on juge en broussaille). Sur les cheveux, il nourrit les pointes sèches. Au niveau des paupières, il « régénère » et renforce la tenue des fards. Au niveau des ongles, il exerce un rôle de nutrition. Il fait briller les pommettes (effet glow) du visage (http://www.femmeactuelle.fr/beaute/soins-beaute/soins-du-visage/homeoplasmine-astuces-beaute-29983). Corinne Sauvaget, maquilleuse professionnelle, utilise l’Homéoplasmine par camions entiers ! Pour des lèvres de star, elle conseille de se les badigeonner d’Homéoplasmine, le soir au moment du coucher : au matin, résultat garanti (http://www.medisite.fr/beaute-8-astuces-pour-avoir-une-jolie-bouche-a-50-ans.859918.99.html?page=0%2C1)

Tout cela est bien joli. Une analyse de la composition de ce médicament (car il est bon de rappeler au passage que cette pommade est un médicament et non un cosmétique) s’impose.

La pommade Homéoplasmine possède la composition suivante : des substances actives (teinture de souci des jardins 0,1 %, teinture de phytolaque 0,3 %, teinture de bryone 0,1 %, teinture de benjoin du Laos 0,1 %, acide borique 4,0 %) sont incorporées dans de la vaseline.

« Ceux qui ont peur de tout » n’ont, en fait, pas lu la composition. De la vaseline (dérivé pétrochimique) tant décriée (à tort) est présente ! La teinture de benjoin, allergisante l’est aussi !

« Ceux qui n’ont peur de rien » n’ont, bien évidemment, pas lu la composition. Ils auraient dû ; l’acide borique est un antiseptique dont le profil toxicologique n’est pas si sympathique que cela. Pour s’en persuader, il suffit de consulter la mise en garde de l’Ansm mise en ligne en juillet 2013 (ansm.sante.fr/.../Mise-en-garde-25072013Acide-borique-preparations+hospitalieres.).

L’industrie cosmétique est parfaitement au fait de cet élément, c’est pourquoi elle a exclu progressivement l’acide borique et le borate de sodium ou borax de ses préparations. Placé en tête de l’Annexe III (Liste des substances que les produits cosmétiques ne peuvent contenir en dehors des restrictions prévues) du Règlement (CE) N°1223/2009, le formulateur a du mal à ignorer cet ingrédient pour lequel une page de recommandation est émise. Les cosmétiques en contenant doivent signaler qu’ils ne peuvent pas être utilisés chez l’enfant de moins de 3 ans et sur des peaux irritées ou excoriées. Selon que l’on a affaire à un talc, à un produit d’hygiène bucco-dentaire, à un produit pour le bain, à un produit pour les cheveux ou à tout autre produit destiné à une zone d’application non citée, la concentration maximale en acide borique varie. Dans le cas où le produit risque d’être avalé (produits d’hygiène bucco-dentaire) la concentration maximale en acide borique est fixée à 0,1 %. On est bien loin des 4 % badigeonnés consciencieusement, le soir, en couche épaisse, avant de faire dodo !

Les laboratoires Boiron désignent ce médicament comme un protecteur cutané (utilisé en Dermatologie) pour le traitement d’appoint des irritations de la peau. Les études réalisées ne prennent, bien évidemment, pas en compte la notion d’absorption par voie orale. Il est assez peu courant d’utiliser les pommades médicamenteuses comme baumes à lèvres…

Une application sur une peau lésée (contre-indiquée dans le domaine cosmétique), une application sur les lèvres (à une dose beaucoup plus importante que ce qui est envisageable dans le domaine cosmétique), le détournement d’un médicament (destiné à traiter une pathologie) à des fins esthétiques… Cela fait beaucoup de points à mentionner dans le procès-verbal concernant l’emploi à tort et à travers de ce qui nous est présenté comme un « produit de beauté miracle ».

Rassemblons « ceux qui ont peur de tout » et « ceux qui n’ont peur de rien » et enjoignons-leur d’abandonner un produit qui peut s’avérer nocif pour eux !

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