Nos regards
Histoire d’un plouc au bronzage agricole

> 15 septembre 2019

Histoire d’un plouc au bronzage agricole

Quand Françoise Sagan se prend pour Georges Simenon, cela donne « Le chien couchant ».1 Prenez un petit employé modèle, humilié quotidiennement par son chef de bureau ; faites-lui croiser la route d’un voleur qui laisse tomber malencontreusement le fruit de son crime, des bijoux fabuleux. Il en résultera un changement profond de personnalité. Le dénommé Gueret se met, instantanément, à rouler des mécaniques, se comporte comme un caïd au travail et dans sa pension de famille. Il joue les affranchis auprès de sa logeuse, Mme Biron, une femme d’une cinquantaine d’années, « asexuée », qui a l’air maquillé, même lorsqu’elle ne l’est pas et qui dissimule avec soin des relents de « beauté stupéfiante ».

C’est fou comme l’idée de posséder une forte somme d’argent peut rendre « libre, jeune et triomphant ». Plus que n’importe quel cosmétique, l’argent rend beau. Gueret qui a toujours eu du mal à se couler dans le moule de la société, se rend compte qu’il n’est peut-être pas si difficile que cela, d’être populaire et adulé des autres. Jusque-là, Gueret se tenait prudemment sur le bord de la route et regardait passer les hommes jeunes, beaux, bronzés, marrants... (« Tout le monde le disait assez que c’étaient les hommes et les femmes, jeunes et beaux, et marrants, et bronzés, et pleins aux as qui amusaient, qui plaisaient, qui gagnaient, qu’on aimait dans cette société. ») Désormais, il compte bien s’inclure dans la circulation.

Un cave qui se prend pour un gangster... c’est l’histoire de Gueret, un pauvre bougre en quête d’amour, un pauvre bougre qui n’est après tout qu’un plouc qui laisse « le soleil dessiner des bronzages disgracieux sur son torse. »

Chez Françoise Sagan, le petit employé modèle au bronzage agricole se rebiffe, certes, mais pas pour longtemps ! Lorsqu’il tombe sur Gilbert, un vrai gangster, Maria Biron siffle la fin de la récréation.

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, qui voit très bien ce qui se passe quand Sagan se prend pour un auteur de polar... un peu pour rire...

Bibliographie

1 Sagan F. Le chien couchant in Françoise Sagan œuvres, Collection Bouquin, Robert Laffont, 2009, 1488 pages

 

Ces sujets peuvent vous intéresser :

Retour aux regards