> 18 août 2024
Ah, il en a du toupet ce petit Jules de vouloir en remontrer à Georges qui lui a donné naissance. Dans ses mémoires, Jules Maigret rectifie un certain nombre de points sensibles et se plait, à jouer, pour une fois, les écrivains.1
Jules, qui aime ses semblables (et aussi ses différents !), ne rechigne pas à nous entraîner dans des souvenirs qui sentent le renfermé, « une âcre odeur d’humanité » ! Il fait sauter devant nous le « vernis de respectabilité » qui recouvre certaines familles bourgeoises et nous montre que la malpropreté du bourgeois n’est pas à envier par l’ouvrier.
Jules et Georges se sont rencontrés, pour la première fois, dans le bureau de Xavier Guichard, le grand patron du Quai des Orfèvres. Georges Sim (puisque c’est ainsi qu’il se faisait appeler à l’époque) avait alors 24 ans, était maigre comme un cent de clous et portait les cheveux longs dans le cou !
Georges, qui cherche à connaître la vie d’un fonctionnaire de police, a trouvé en Jules le client idéal. De là quelques rencontres, puis… l’imagination a fait le reste. En confidence, Georges avoue à Jules qu’il travaille la nuit (de 4 heures à 8 heures), ce qui lui laisse la journée pour d’autres activités. Georges deviendra l’ami de Jules et de son épouse Louise !
Avant d’être policier, Jules a été élève au collège, à Nantes, puis a effectué deux années de médecine. Il a été élevé par sa tante, une boulangère nantaise.
Une fois monté à Paris, Jules fait la rencontre d’un inspecteur de police, le dénommé Jacquemain, qui lui met le pied à l’étrier. Un inspecteur, qui suce un « cachou », à longueur de journée, afin de masquer une proverbiale « mauvaise haleine » !
A Paris, Jules croise les pas d’un ancien collègue, Jubert, qui a échoué dans des études de médecine (rien ne lui rentrait dans la tête – « Il étudie à s’en faire pousser des boutons sur la tête, mais il n’en sait pas davantage le lendemain. ») et s’est reconverti comme pharmacien ! Et justement, le pauvre pharmacien désespère de trouver le bon traitement qui lui permettra de traiter les « gros boutons rouges ou violets », qui couvrent son visage ; malheureusement, ni les « pommades » testées, ni les « poudres médicamenteuses » appliquées ne réussissent à venir à bout de cette dermatose affichante.
Lorsqu’il sort, Jubert tente, tout de même, de camoufler les boutons qui couvrent son visage avec une épaisse couche « d’onguent » qui, contre toute attente, donne à son visage des « reflets violets » inattendus.
Plus tard, Jubert s’installera sur la Canebière à Marseille. C’est là que Jules, venu chercher de l’aspirine, le retrouvera… inchangé !
Grâce à Jubert, Jules fait rapidement la connaissance de Louise, la nièce de Géraldine et Anselme Léonard. Une fraiche jeune fille, qui se laisse courtiser et dit « oui », dès que Jules réussit à rassembler son courage pour faire sa demande en mariage.
Comme tout policier, Jules se laisse pousser la moustache. En effet, un « homme sans moustaches » est considéré comme étant un « larbin » ! Pour Jules, les moustaches sont « longues » et « acajou », avec des « pointes effilées » ! D’année en année et pour suivre la mode, ces moustaches iront en raccourcissant, jusqu’à être réduites à l’aspect des poils de « brosses à dent » avant d’être rasés définitivement.
Policiers et malfrats sont dans « le même bain », selon Jules, qui, avant de s’installer dans un bureau (et encore en sort-il souvent !), arpente le pavé parisien. Louise ne craint alors qu’une chose que son Jules ne lui ramène « une vilaine maladie à la maison » ! Non pas qu’elle manque de confiance en son époux, mais son manque de connaissances en microbiologie lui fait croire que la syphilis s’attrape « en buvant dans un verre ». Chaque soir, Jules doit donc « prendre un bain », pendant que Madame brosse ses vêtements. Les ongles, pourvoyeurs de microbes, sont aussi brossés avec soin !
Au fil de ses enquêtes, Jules se rend compte que son expérience des hommes lui permet de réussir les lessives en famille. Tout son acquis lui sert à détecter les menteurs dans un groupe humain ; ceux qui essayent « sournoisement de mettre les autres dans le bain »… sans s’éclabousser.
Parfois, Jules restera 24 ou 48 heures sans se laver, sans se raser, afin de se couler au mieux dans l’univers où il enquête !
Un nez, ce Jules… qui flaire les bonnes et les moins bonnes odeurs et reconnaît dans la cour de la PJ l’odeur du printemps, l’odeur de l’enfant qui a couru et dont l’épiderme a capté l’odeur-même du printemps !
Lorsque Jules est affecté à la Brigade Spéciale ; il abandonne son bureau précédent et déménage tout son petit attirail : un « vieux veston de bureau, un savon, une serviette, des crayons et quelques papiers » !
L’avancement est arrosé à coup de « Mandarin-curaçao » ! Une, deux, trois… x tournées qui tournent la tête et ramènent le jeune inspecteur, fin saoul, dans son petit appartement du boulevard Richard Lenoir ! Une bonne « douche » lui permet tout juste de retrouver ses esprits, afin d’attaquer son après-midi de travail.
Concernant le neveu de Jules dont on n’entend plus parler, celui-ci a quitté la police pour travailler avec son beau-père. « Peu brillant », il a quitté le métier pour un « fabricant de savon de Marseille ». C’est dans « le savon » que le fameux neveu œuvre désormais.
Ce que Georges Simenon appelle la prunelle de Mme Maigret est en réalité de « l’eau-de-vie de framboise » ! Détail très important !
Amusantes ces Mémoires de Maigret rédigées par le commissaire. Georges Simenon corrige Georges Simenon et nous donne quelques détails supplémentaires sur la vie rangée de son célèbre commissaire !
Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour son illustration du jour.
1 Commissaire Maigret, Les mémoires de Maigret, Presses de la Cité, Paris, 1950, 219 pages
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