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Histoire d’un petit bossu qui finit sa vie droit « comme un i » !

> 13 août 2020

Histoire d’un petit bossu qui finit sa vie droit « comme un i » !

L’histoire de «François le bossu, c’est également celle de Christine des Ormes, une petite fille malmenée par sa bonne et de Maurice de Sibran, un jeune garçon devenu infirme suite à un incendie.1 La pauvre Christine ne trouve aucun amour auprès de ses parents qui ne vivent que de mondanités ; heureusement pour elle, son chemin croise celui de M. de Rancé, père de François, un jeune garçon bossu ; cet homme juste et bon va se substituer petit à petit à son père et à sa mère. Le récit est agrémenté des facéties d’un médecin italien, un peu foufou, nommé Paolo.

La comtesse de Ségur nous réserve quelques surprises, nous prépare quelques potions et se transforme en fée pleine de générosité à l’égard du petit François.

Une bonne acariâtre

La bonne de Christine, une Allemande prénommée Mina, est un véritable cerbère pour la pauvre petite fille. Elle lui confisque son chocolat chaud du matin et ses tartines beurrées, ne lui laissant qu’un peu de lait et de pain sec. Elle lui arrache les cheveux, la fouette pour un rien et lui met du « savon dans les yeux en la débarbouillant ». M. et Mme des Ormes lui font une totale confiance et laissent ainsi leur fille souffrir sous leurs yeux d’aveugles.

Une mère orgueilleuse

Mme des Ormes est une femme orgueilleuse qui vit dans un état de dissipation perpétuelle. Préoccupée de sa toilette et de sa maison, elle ne prête aucune attention à son enfant qui pousse à ses côtés comme une herbe folle. Cette femme est fière de ses « beaux bras, de sa peau blanche, de ses beaux cheveux ». Un observateur attentif se rend pourtant compte que ses bras sont « trop courts pour sa taille », que sa peau est « blafarde et épaisse » et ses cheveux sont en réalité « crépus et d’un noir indécis ».

Un médecin italien charmeur

Paolo a bien cerné la personnalité de Mme des Ormes ; afin de pouvoir s’occuper de Christine, il ne lui reste donc plus qu’à flatter la mère. « Signorina, bella, bellissima, moi Paolo, désire vous voir tous les zours avec vos beaux ceveux noir de corbeau, votre peau blanc de lait, vos bras souperbes et votre esprit magnifique [...] ». Malgré les apparences, il n’en fait jamais trop pour séduire la mère indigne.

Des enfants mal élevés

Adolphe et Maurice de Sibran sont de véritables petites canailles. Ils s’empiffrent à table ; ils fument en cachette, mettent le feu au château des Guibert et n’ont pas une once de bon sens. Lorsque le feu se déclare au rez-de-chaussée, ils foncent se mettre à l’abri dans une mansarde. Le feu gagne les combles... et les 2 enfants se retrouvent prisonniers des flammes. C’est M. de Rancé qui organise le sauvetage des malheureux, en empilant des matelas sous les fenêtres. Il ne reste plus qu’à sauter. Malheureusement, Adolphe se jette sur le dos et les reins de son frère, lui occasionnant de multiples fractures. Des évanouissements sont à prévoir. « Faites-lui respirer du vinaigre, bassinez-lui le front et les tempes, mais ne le secouez pas. »

Des enfants brûlés

Adolphe et Maurice sortiront de cet épisode brûlés en de multiples endroits. On enveloppe leur visage de « cataplasmes ou d’onguent ».

Un enfant estropié

Le pauvre Maurice, celui-là même qui se moquait tant de la bosse du pauvre François va vivre le martyre, suite à cet incendie. Les médecins qui l’ont opéré n’ont pas voulu écouter les conseils de Paolo ; ses membres sont donc très mal remis. Maurice crache le sang ; on lui donne de l’eau de Pagliari qui calme les « vomissements » temporairement mais ne permettent pas de le guérir en profondeur. Cette eau de Pagliari à base de « baume de benjoin, de sulfate d’alumine et de potasse et d’eau distillée » était effectivement une préparation hémostatique appréciée à cette époque. Elle avait, dit-on, la couleur du vin de Champagne et une odeur « suave et aromatique ».2

Recueilli par M. de Rancé, Maurice s’éteint pieusement après avoir demandé pardon à François de ses moqueries de naguère.

Un enfant redressé

Le médecin Paolo, qui semblait jusque-là assez excentrique, va révéler ses talents en fin d’ouvrage. Ayant mis au point « un système mécanique » qui permet de redresser les zones torses, il l’applique au jeune François qui se transforme en un individu, « droit, robuste, le visage coloré, la barbe et les moustaches, complétant l’homme fait. » Il a fallu deux ans de bons soins à Paolo pour transformer le petit bossu en un véritable prince charmant.

Dans cet ouvrage, la comtesse de Ségur excelle une fois de plus à pointer du doigt les failles de modes éducatifs inopérants. Elle revêt également sa tenue de fée et grâce à sa baguette magique saupoudre le bonheur au-dessus de la tête des méritants. Une précision, encore, la méchante Mina, celle qui lavait un peu trop énergiquement le visage de Christine finit sa vie chez un prince valaque qui la mène à la baguette.

Bibliographie

1 Comtesse de Ségur, François le bossu, Hachette jeunesse, 2007, 278 pages

2 https://www.persee.fr/doc/pharm_0035-2349_2009_num_96_362_22045

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