> 21 juillet 2024
Le masque est une courte nouvelle de Guy de Maupassant.1 Ce masque n’est pas un masque chirurgical jetable en PET destiné à protéger d’une quelconque maladie, mais un masque en papier vernis, imitant à la perfection les traits d’un séduisant jeune homme. Un masque, qui fait illusion et protège, semble-t-il, son détenteur du phénomène de vieillissement.
Dans des bals publics parisiens, Maupassant a rencontré un homme masqué, « maigre, vêtu en gommeux, avec un joli masque verni sur le visage, un masque à moustache blonde frisée que coiffait une perruque à boucles. »
Ce masque s’étend de la perruque au cou ; une « fausse peau » relie ainsi le menton « au col de la chemise » !
L’impression qui en résulte semble être celle d’un adolescent !
Sous le masque, se cache un vieil homme, à la peau « usée, pâle, maigre et ridée ».
Ce masque est découpé, un soir, par un médecin qui ne trouve que cette solution pour venir en aide à l’homme pris de malaise qui se cache dessous.
Sous le masque, se trouve un ancien coiffeur, qui ne supporte pas de vieillir et qui cherche toujours le contact avec la peau des femmes, une peau odorante, toute pétrie de cosmétiques.
Cet homme veut à tout prix se frotter à la peau des femmes, « à toutes leurs sales peaux avec leurs odeurs et leurs poudres et leurs pommades » ! C’est du moins ainsi que la femme du pauvre homme voit les choses.
Pour arriver à ses fins, le vieil homme boit plusieurs absinthes chaque soir, afin de se dégourdir les jambes, avant d’enfiler son masque de « godelureau », afin de partir danser dans les lieux de plaisir de la capitale.
Ramené mourant chez lui, le vieil homme est pris en charge par sa femme, qui se hâte de lui laver la figure au « savon », afin de lui redonner sa belle prestance.
Pendant une partie de sa carrière, ce coiffeur a été le chouchou de ces dames, des actrices pour la plupart fréquentant le « grand coiffeur de l’Opéra » « Martel », où œuvrait le dénommé Ambroise. Un coiffeur « artiste », à la main d’or, qui savait aussi bien coiffer une cliente durant ses heures de service, que la décoiffer dans une garçonnière, une fois la porte du salon de coiffure franchie.
Dès l’apparition de son premier cheveu blanc, la vie d’Ambroise a basculé ! Le coiffeur séduisant, adulé des femmes, a perdu de sa fraîcheur et de son attrait. Boudé par elles, il s’est mis à souffrir le martyre, jusqu’à la découverte d’un stratagème lui permettant de rester éternellement jeune. L’homme au masque d’adolescent est alors né !
Ambroise n’a qu’une motivation dans la vie : séduire de jeunes femmes, délicieusement parfumées. Danser avec « des femmes qui sentent l’odeur et la pommade ». Pour parvenir à ses fins, l’ancien coiffeur est prêt à tout. Y compris à sacrifier son couple, y compris à mourir de manière indigne !
Finalement, une histoire éminemment cosmétique. Une histoire de masque rajeunissant… On nous en sert tous les jours dans les publicités qui nous promettent une peau lumineuse, rajeunie, en un rien de temps. Juste le temps de poser un masque anti-âge !
Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour son illustration du jour.
1 Maupassant G., Le masque in L’inutile beauté et autres nouvelles, classique folio, Gallimard, 2022, 216 pages