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Fleurs d’Ozoin Composée, la lotion pour le teint

> 02 décembre 2017

Fleurs d’Ozoin Composée, la lotion pour le teint Conserver un teint pâle a constitué jusqu’au début du XXe siècle un critère de beauté incontournable. Dans les magazines d'alors, on pouvait encore trouver des encarts qui promettait de révéler « un secret anglais pour le teint ».

L’annonce, qui voisine avec celle du vin Aroud qui soigne les convalescents, soutient les blessés et tonifie les faibles, celle de la Jouvence de l’abbé Soury qui règle les problèmes de circulation sanguine (« Quand le sang circule bien tout va bien. »), celle du baume Tue-Nerf Miriga qui guérit radicalement les maux de dents, celle des poudres et cigarettes Escouflaire qui vient à bout de l’asthme, des bronchites chroniques et, plus généralement, de toute affection pulmonaire, se propose de dénigrer, dans un premier temps, les produits concurrents : « Contrairement à ce que l’on croit, les anglaises les plus jolies se servent rarement de rouge, crème ou poudre, disant - et cela avec d’excellentes raisons - que de telles préparations donnent non seulement une beauté factice mais finalement détruisent complètement la pureté du teint. » Dans un deuxième temps, de manière constructive et avec un beau souci de transparence, l’annonce révèle le secret de beauté. La recette utilisée est très simple. Il suffit de mélanger 60 g d’eau de rose avec 60 g de fleurs d’ozoin et 3,5 g de benjoin pour mettre au point une lotion qui permettra de conserver (ou d’obtenir, c’est selon) un teint merveilleux. Tout pharmacien qui se respecte possède dans son officine les 3 ingrédients indispensables. Pour plus de facilité, il détient également la lotion « Fleurs d’Ozoin composée », prête à l’emploi. Dans un troisième temps, un mode d’emploi est suggéré : « Appliquer la lotion chaque soir et matin avec un linge très doux et une éponge. » Et voilà... Fraîcheur du teint (la lotion vient à bout des teints les plus blafards) et atténuation des rides sont promises à qui se soumettra à cette règle simple : se lotionner le visage de façon biquotidienne.

Le pharmacien René Cerbelaud nous donne une définition un peu différente de cette lotion. Classée parmi les fards, elle émarge sous le nom de « Fard liquide rose au benjoin ». Les marqueurs principaux de la lotion sont bien là... mais quelques ajouts ont été faits. Pour cette lotion, il vous faudra : 12,5 g d’oxyde de zinc, 0,005 g de carmin, 12,5 g de glycérine, 10 g d’eau de rose, 2,5 g de teinture de benjoin et une goutte de bouvardia synthétique (soit 0,05 g). Notre pharmacien se sert d’un compte-goutte de la Pharmacopée qui permet d’obtenir des gouttes « calibrées », ayant toutes la même masse. La fabrication n’est pas simple. Il faut filtrer une ou deux fois, selon que des grumeaux d’oléo-résine se forment ou non. Le mode d’emploi tient compte d’une stabilité douteuse : « Agiter vivement le flacon avant de s’en servir, passer un peu de ce fard sur l’épiderme et laisser sécher. » (Cerbelaud R., Formulaire de parfumerie, 1933). L’extrait de bouvardia est un mélange complexe, comportant généralement les ingrédients suivants : néroline, aldéhyde anisique, acétate de benzyle, linalol, géraniol, citronellol, essence de néroli, essence d’ylang-ylang, essence de fleurs d’oranger, essence de mimosa et essence de tubéreuse. Cet extrait n’a, toutefois, pas une composition gravée dans le marbre ; on peut, éventuellement, y trouver de l’essence de jasmin, de narcisse, de rose, de géranium... Bref, le parfumeur mélangera un peu tout ce qui lui tombera sous la main ! (Traveller A., Pour le parfumeur amateur ou professionnel, 1937)

Produit de soin pour les uns, produit de maquillage pour les autres, ce cosmétique de composition extrêmement simple témoigne de l’importance d’un service marketing efficace, pour qui veut faire fortune...

René Cerbelaud nous est, une fois de plus, bien précieux. Les mystérieuses fleurs d’Ozoin nous sont dévoilées, sans fard !

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