> 26 août 2024
Sur le continent américain, il est question de produit solaire « primaire » ou « secondaire », selon, respectivement, que le produit en question sert uniquement à protéger du soleil ou bien qu’il exerce un rôle principal en matière de soin ou de maquillage et que des filtres UV sont ajoutés en matière de gadget.
En Europe, le produit solaire répond à une réglementation précise. La Recommandation de 2006 n’évoque pas la possibilité de protéger du soleil, en seconde main.
Pourtant depuis les années 2000, on trouve sur le marché toutes sortes de produits de soin ou de maquillage renfermant des filtres UV et affichant le plus souvent un SPF, mais pas systématiquement.
De ce fait, certaines sociétés de tests précisent à leur client que cette catégorie de produits, qui n’a pas pour fonction principale de protéger du soleil, ne doit pas forcément répondre à l’ensemble des exigences réglementaires liés au rattachement à la catégorie des produits solaires. Biorus, par exemple, considère que « La protection SPF étant un bénéfice additionnel du produit, il n’y a pas d’obligation de suivre les mêmes règles de la recommandation sur l’efficacité et l’étiquetage des produits solaires à fonction primaire. Cependant, les allégations présentes sur le packaging doivent être substantivées et correctement étiquetées. »1
Etonnant pour le moins comme position.
Dans ce Regard, nous allons comparer les points de vue et montrer qu’un produit primaire n’est absolument pas borné, contrairement à ce que l’aspect péjoratif du terme peut faire croire et qu’un produit secondaire, en revanche, répond parfaitement à son nom, puisqu’il n’a que peu d’intérêt…
Au Canada, on fait clairement la distinction entre « un écran solaire primaire » et « un écran solaire secondaire ».2,3
Ceux-ci peuvent être commercialisés sous le statut de médicament (vendus sans ordonnance, ces produits nécessitent quand même l’obtention d’une AMM), ou sous le statut de produit naturel (avec l’obligation d’obtenir un numéro de produit naturel).
Les médicaments sont formulés à l’aide de filtres UV organiques (ils sont 19 en tout, chacun étant caractérisé par une dose limite d’emploi) ; les produits naturels sont formulés, quant à eux, à partir de filtres UV inorganiques (le dioxyde de titane et l’oxyde de zinc, tous deux étant limités en dose d’emploi à 25 %). Mises à part les dénominations, nous sommes donc très proches des aspects réglementaires valables dans l’Union Européenne.
On voit donc qu’il existe deux degrés de protection solaire à ce niveau puisque, selon la composition en filtres UV, le statut du produit considéré est différent.
Ces produits topiques (ils sont destinés à être appliqués sur la « peau » ou la muqueuse labiale pour y exercer leur fonction) ont pour but de protéger l’utilisateur « des coups de soleil et des affections reliées à l’exposition au soleil ».
Ces produits jouent donc un rôle de protection de la santé publique de premier plan.
Ces produits topiques (destinés à être appliqués sur la peau ou sur les lèvres) exercent une fonction principale (hydrater la peau, les lèvres, maquiller ou exercer une action anti-âge) et une fonction secondaire, correspondant à « une action de protection solaire limitée ».
On comprend, par cette définition, que l’écran solaire secondaire est un produit qui a une fonction primaire principale (produit de maquillage ou de soin) et qui, de surcroit, se propose d’exercer un effet de protection solaire considéré, selon l’angle de vue, comme un plus (c’est l’avis du fabricant) ou comme un gadget (c’est l’avis des autorités de santé)… voire un vrai moins par certains endocrinologues et d’autres professionnels de santé dont nous faisons partie.
Sur l’emballage des écrans solaires secondaires dont la longueur d’onde critique est supérieure ou égale à 370 nm, on pourra apposer sur le produit solaire la mention « large spectre ». Et si la valeur du SPF est supérieure ou égale à 15, il est possible d’indiquer différentes mentions telles que « filtre les rayons UVA et UVB », « absorbe la totalité du spectre solaire UVA et UVB afin de protéger contre les coups de soleil » ou « protection UVA/UVB ».
Pour les écrans solaires primaires dont la longueur d’onde critique est supérieure ou égale à 370 nm, avec des spectres UVA et UVB et un SPF supérieur ou égal à 15, on pourra apposer sur le produit solaire l’allégation suivante : « Si le produit est utilisé selon les instructions et avec d’autres mesures de protection contre le soleil, le risque de cancer de la peau et de vieillissement prématuré de la peau causé par le soleil est réduit. »
Afin de mettre en garde la population vis-à-vis de produits jugés peu protecteurs (longueur d’onde critique inférieure à 370 nm et SPF inférieur à 15), la mention : « Cancer de la peau / vieillissement cutané : passer du temps au soleil augmente le risque de cancer de la peau et de vieillissement prématuré de la peau. Il a uniquement été montré que ce produit contribue à prévenir les coups de soleil et non le cancer de la peau ou le vieillissement cutané prématuré. » est apposée. Ce genre d’avertissement devrait, a priori, être suffisamment alarmant pour décourager l’acheteur !
Application abondante, généreuse, uniforme, ré-application requise, éviction solaire aux heures où les UV sont les plus abondants, précautions particulières concernant les vaporisateurs… autant de mentions qui doivent figurer sur les emballages des produits concernés. On est dans le cadre d’un écran solaire primaire.
Pour l’écran solaire secondaire, on mentionnera pudiquement « Appliquer au besoin » !
Dans les deux cas, une mention particulière concernant l’état de la peau est à ajouter : « Ne pas utiliser sur une peau éraflée ».
Les mentions « protection totale contre le soleil », « bouclier contre le soleil », les mentions qui incitent à « rester longtemps au soleil » ou à exposer un bébé (« produit pour le cuir chevelu des nouveau-nés ») sont à bannir.
En Europe, c’est la Recommandation de 2006 qui est actuellement en vigueur.4 Le produit solaire y est présenté comme un produit permettant d’éviter le coup de soleil ; ceci constitue sa fonction première, unique, tout en sachant que ce type de produit peut permettre de prévenir la survenue de cancers cutanés (mais chut, cela on n’a pas le droit de le dire).
La notion d’écran solaire ne doit pas être employée, car elle renvoie à l’idée d’une protection totale, d’un bouclier, d’un mur de béton.
Les produits solaires ayant un statut cosmétique ne peuvent en aucun cas mentionner un effet préventif à l’égard de maladies, comme les cancers cutanés ou l’immunosuppression.
Les produits présents sur le marché européen doivent renfermer des filtres UV listés en Annexe VI du Règlement (CE) N°1223/2009 (31 filtres UV à ce jour, 28 organiques et 2 inorganiques, le dioxyde de titane et l’oxyde de zinc).
En matière d’efficacité, tous les produits commercialisés doivent être à large spectre avec un ratio SPF/FP-UVA inférieur à 3 et une longueur d’onde supérieure ou égale à 370 nm à respecter !
Des conseils d’utilisation (dose à appliquer, ré-applications à assurer), des conseils de prudence, autant de mentions qui doivent figurer sur l’emballage.
Un produit de protection solaire se doit d’être primaire. Sa fonction est de protéger des UV et pour cela on doit respecter un ratio et une longueur d’onde critique précises. Ce produit doit être appliqué en couche épaisse toutes les 2 heures. Rien à voir donc avec un produit de soin ou de maquillage appliqué le matin en petites touches discrètes sans ré-application dans la journée.
Il faut savoir de quoi on parle. Soit on s’expose et, dans ce cas-là, on se protège avec une bonne crème solaire appliquée généreusement et ré-appliquée si l’on est toujours en train de s’exposer deux heures après la première application. Soit on ne s’expose pas et, dans ce cas, on n’a pas besoin d’exposer sa peau à des filtres UV pour lesquels on n’a aucune visibilité en matière d’utilisation quotidienne à long terme.
Le produit solaire se doit donc d’être exclusivement primaire. S’il est secondaire, comme son nom l’indique, on le traitera comme tel.
2 HC_Sunscreen_Monograph_FAQ_FR.pdf (cosmeticsalliance.ca)
3 https://webprod.hc-sc.gc.ca/nhpid-bdipsn/atReq.do?atid=sunscreen-ecransolaire-secondary&lang=fra
4 https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2006:265:0039:0043:fr:PDF
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