Nos regards
Entre parfum capiteux et parfum de violette, Mme Sagan fait danser nos sens !

> 28 juillet 2019

Entre parfum capiteux et parfum de violette, Mme Sagan fait danser nos sens !

Vivre attaché au bout d’une laisse n’est pas vraiment confortable... c’est ce que pense Vincent de temps à autre.1 Il a épousé une femme, jeune, riche et belle, obsédée par la « minceur » et qui porte des tailleurs Chanel, aimerait bien arriver à s’émanciper. Toutefois, le parfum « exquis et lourd » de Laurence est un piège qui se referme irrémédiablement sur lui. Habituée à dormir dans une chambre sursaturée de parfum, Laurence ne prend garde aux migraines qui accablent Vincent. Ce compositeur raté qui vit aux crochets de sa riche épouse n’a plus d’existence propre, depuis que son regard a croisé celui de sa dominatrice. Tout va pourtant pour le mieux jusqu’à ce que Vincent remporte un succès triomphal en composant la musique d’un film à succès. Le « faiseur de tubes » ne remonte pas pour autant dans l’estime de celle qui ne voit en lui qu’un objet.


Alors pourquoi ne pas flirter un peu avec la secrétaire et amie d’enfance de Laurence ? Odile n’est pas spécialement belle ; elle a même plutôt un physique ingrat. Odile sent « la violette comme toute femme qui suce des réglisses à la violette du matin au soir ». Elle plonge Vincent dans l’attendrissement lorsque celui-ci se rend compte que ce parfum de violette est celui de sa grand-mère. Elle sent également le savon au Santal que l’on vend dans les parfumeries bon marché. Odile n’a pas les mêmes fournisseurs que sa maîtresse. Son rouge à lèvres qui devait être indélébile s’obstine à la fuir et colle, en revanche, obstinément, aux lèvres de Vincent. Ce rouge à lèvres, d’un « affreux vermillon », constitue un souvenir dont Vincent se passerait bien.


Vincent n’a cependant pas que des déboires dans la vie. Certes, il n’a pas le goût subtil de sa femme en matière de choix de chemise, de cravate ou de costume ; ses amis sont vulgaires et son talent lent à se développer. Pourtant, il a de la chance aux courses et en misant sur La Sanseverina, une pouliche dans laquelle personne ne croit, il rafle un gain de 74 000 francs ! Avec cette coquette somme en poche on se sent, tout de suite, plus conquérant.


Cette histoire d’amour qui a duré 7 ans laisse à Vincent un goût amer. Lorsqu’il veut quitter l’appartement de Laurence, il reprend ses habitudes de chien de chasse (ou plutôt de chien battu) et renifle une dernière fois le parfum capiteux de sa maîtresse. Ce parfum qui fait mal, qui intoxique est un parfum qui suscite l’addiction. Pour fuir, il faut que ce parfum soit « périmé », mais la date de péremption s’éloigne à chaque fois que l’on s’en approche.


Entre parfum capiteux et parfum de violette, entre vie facile et vie laborieuse, entre appartement tout confort et vie de bohème, Vincent semble avoir choisi... Les notes de musique qui lui trottent dans la tête constituent un capital qui pourrait bien devenir inépuisable.


Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour l’illustration de ce Regard.


Bibliographie


1 La laisse, in Françoise Sagan Œuvres, collection Bouquins - Robert Laffont, 2009, 1488 Pages

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