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Embrouilles sentimentales au pays des ibis sacrés

> 14 mars 2021

Embrouilles sentimentales au pays des ibis sacrés

Un jeune et riche noble Anglais très intuitif

Le jeune lord anglais Evandale a du flair quand il a le pressentiment qu’il va découvrir une tombe inviolée dans la Vallée des Rois, « la nécropole royale de l’ancienne Thèbes ». « Sa tête pure, mais froide, semblait une copie en cire de Méléagre ou de l’Antinoüs ». « Le rose de ses lèvres et de ses joues avait l’air d’être produit par du carmin et du fard, et ses cheveux d’un blond foncé frisaient naturellement, avec toute la correction qu’un coiffeur émérite ou un habile valet de chambre eussent pu leur imposer. Cependant le regard ferme de ses prunelles d’un bleu d’acier et le léger mouvement de sneer qui faisait proéminer sa lèvre inférieure corrigeait ce que cet ensemble aurait eu de trop efféminé. »

Un égyptologue allemand très calé

Le docteur allemand Rumphius, qui accompagne lord Evandale, n’en espère pas moins que son jeune compagnon. Egyptologue de son état, ce savant ne peut nullement, quant à lui, être qualifié de beau. « Quelques cheveux roussâtres, mélangés de fils gris, se massaient derrière ses oreilles écartées ; son crâne, entièrement dénudé […] surplombait un nez d’une prodigieuse longueur, spongieux et bulbeux du bout. » Avec ses lunettes, il fait vaguement penser à un ibis, ce qui, finalement, au vu de la situation, est plutôt de bon aloi !

Un marchand grec très obséquieux et opportuniste

Va se trouver fort opportunément sur la route d’Evandale et de Rumphius, « un Grec, entrepreneur de fouilles, marchand et fabricant d’antiquités, vendant du neuf au besoin à défaut de vieux ». Roublard et en quête d’archéologues fortunés, cet Argyropoulos ! « Son teint olivâtre, ses sourcils noirs, son nez crochu, ses yeux d’oiseau de proie, ses grosses moustaches, son menton presque séparé par une fossette qui avait l’air d’un coup de sabre lui eussent donné une authentique physionomie de brigand, si la rudesse de ses traits n’eût été tempérée par l’aménité de commande et le sourire servile du spéculateur fréquemment en rapport avec le public. » Et justement, Argyropoulos a détecté un lieu qui pourrait bien correspondre à « une tombe qui jusqu’ici [aurait] échappé aux investigations » de tous ! Quelle aubaine pour Evandale ! Cela va lui coûter cher : 1000 guinées tout de même… enfin, il est riche et surtout passionné d’égyptologie ! Il n’est pas arrivé jusqu’ici pour maintenant regarder à la dépense ! D’autant que le feu en vaut la chandelle ! Et il ne va pas être déçu !

Une découverte très surprenante

Argyropoulos n’avait pas menti : à l’endroit indiqué par lui, il y a bien un tombeau inviolé, avec un sarcophage intact, un « sarcophage creusé dans un énorme bloc de basalte noir que fermait un couvercle de même matière, taillé en dos d’âne ». « Aux angles du sarcophage étaient posés quatre vases d’albâtre […] dont les couvercles sculptés représentaient la tête d’homme d’Amset, la tête de cynocéphale d’Hapi, la tête de chacal de Soumaoutf, la tête d’épervier de Kebsbnif : c’étaient les vases contenant les viscères de la momie enfermée dans le sarcophage » Tant de splendeurs ne vont provoquer qu’un « oh prolongé » (quand même !) de retenue toute britannique, alors que l’égyptologue exprime sa joie par de multiples expressions de contentement « Bonheur inouï, chance merveilleuse ! trouvaille inappréciable ! » Une fois le couvercle du sarcophage ôté, la surprise est grande de découvrir la momie d’une femme. Cette constatation est immédiate du fait de « l’absence de barbe osirienne ». Même Argyropoulos (qui en a vu d’autres !) est étonné car la Vallée des Reines « est située plus loin, dans une autre gorge de la montagne ».

L’histoire d’une jeune femme très belle

Mais qui est donc cette femme qui « avec ses longs yeux cernés de noir et avivés d’’émail, son nez aux ailes délicatement coupés, ses pommettes arrondies, ses lèvres épanouies et souriant de cet indescriptible sourire du sphinx, son menton, d’une courbe un peu courte, mais d’une finesse extrême de contour » offre le plus pur type de l’idéal égyptien ? « Une multitude de fines nattes, tressées en cordelettes et séparées par des bandeaux, retombaient de chaque côté du masque, en masses opulentes ». « Sous la tête de la momie était placé un riche miroir de métal poli, comme si l’on eût voulu fournir à l’âme de la morte le moyen de contempler le spectre de sa beauté ». « Au long du corps, on avait mis l’étroite cuvette carrée en bois de santal, où de son vivant la morte accomplissait ses ablutions parfumées. Trois vases en albâtre rubané, fixés au fond du cercueil, ainsi que la momie, par une couche de natrum, contenaient les deux premiers baumes d’une couleur encore appréciable et le troisième de la poudre d’antimoine et une petite spatule pour colorer le bord des paupières et en prolonger l’angle externe, suivant l’antique usage égyptien ». A l’époque pas de cosmétophobie !2 On ne craint pas la toxicité des fards… et pourtant…

Reste à nos explorateurs à « déshabiller » la « jeune beauté […] avec toute la délicatesse possible ». A l’issue de la délicate opération, « un cri d’admiration jaillit en même temps des lèvres de Rumphius et d’Evandale à la vue de cette merveille. » Il semblerait bien que « jamais statue grecque ou romaine n’offrit un galbe plus élégant ; les caractères particuliers de l’idéal égyptien donnaient même à ce beau corps si miraculeusement conservé une sveltesse et une légèreté que n’ont pas les marbres antiques. L’exiguïté des mains fuselées, la distinction des pieds étroits, aux doigts terminés par des ongles brillants comme l’agate, la finesse de la taille, la coupe du sein, petit et retroussé comme la pointe d’un tatbebs sous la feuille d’or qui l’enveloppait, le contour peu sorti de la hanche, la rondeur de la cuisse, la jambe un peu longue aux malléoles délicatement modelées rappelaient la grâce élancée des musiciennes et des danseuses représentées sur les fresques figurant des repas funèbres, dans les hypogées de Thèbes. » Certains auteurs s’interrogent sur le mot « tatbebs » ; il semblerait que Théophile Gautier, ayant rédigé ce roman un peu à la hâte, ait fait une erreur typographique à partir du mot « tabtebs » que Champollion utilise pour désigner des sortes d’espadrilles en feuilles de palmier tressées.3 Mais continuons nos découvertes. « Ici le corps, préparé soigneusement, […] avait conservé l’élasticité de la chair, le grain de l’épiderme et presque la coloration naturelle ; la peau d’un brun clair avait la nuance blonde d’un bronze florentin neuf et ce ton ambré et chaud qu’on admire dans les peintures de Giorgione ou du Titien […] ne devait pas différer beaucoup du teint de la jeune Egyptienne en son vivant ». Au cours de « l’inventaire des bijoux » qu’est en train de réaliser Rumphius, « un rouleau de papyrus caché entre le flanc et le bras de la momie frappa les yeux du docteur ». De retour en Europe et « après trois ans d’étude acharnées », l’égyptologue parvint à décrypter ce document et à reconstituer la courte vie de la momie…

Des histoires d’amour impossibles

Il est midi et nous sommes à Thèbes, au temps de Moïse et c’est là que nous faisons connaissance avec une jeune fille, assoupie dans cette chaleur étouffante. Dans sa riche demeure, « sur un fauteuil en bois doré réchampi de rouge, aux pieds bleus, aux bras figurés par des lions, recouvert d’un épais coussin à fond pourpre étoilé d’or et quadrillé de noir, dont le bout débordait en volute par-dessus le dossier, était assise une jeune femme ou plutôt une jeune fille d’une merveilleuse beauté, dans une gracieuse attitude de nonchalance et de mélancolie ». « Ses traits » sont « d’une délicatesse idéale ». « Des reflets d’or et de rose coloraient sa pâleur ardente où se dessinaient ses longs yeux noirs, agrandis par une ligne d’antimoine ». « Ce grand œil sombre, aux sourcils marqués et aux paupières teintes, prenait une expression étrange dans ce visage mignon, presque enfantin ». « La bouche mi-ouverte, colorée comme une fleur de grenade laissait briller entre ses lèvres, un peu épaisses, un éclair humide de nacre bleuâtre. » « Les cheveux de la jeune fille d’un noir brillant, tressés en fines nattes, se massaient de chaque côté de ses joues rondes et lisses […] et s’allongeaient jusqu’aux épaules ». Ainsi est Tahoser. Elle a tout pour être heureuse, Tahoser, la fille du grand prêtre Pétamounoph. Elle est belle et elle est riche. Et pourtant, elle est mélancolique.

Le roi Ahmosis aime Tahoser

mais Tahoser ne l’aime pas ! Pourtant « Ahmosis était charmant : son profil ressemblait aux images des dieux taillées par les plus habiles sculpteurs ; ses traits fiers, réguliers égalaient en beauté ceux d’une femme ; son nez légèrement aquilin, ses yeux d’un noir brillant, agrandis d’antimoine, ses joues aux contours polis, d’un grain aussi doux que celui de l’albâtre oriental, ses lèvres bien modelées […] tout ce qu’il faut pour séduire les plus difficiles. » Et pourtant, Tahoser ne l’aime pas… Et aujourd’hui, Ahmosis revient de la guerre. Pour se distraire, le mieux n’est-il pas de quitter son fauteuil et d’aller assister au spectacle d’un retour triomphal ? Nofré, la fidèle servante de Tahoser, en tout cas, est de cet avis. Pour l’y préparer, elle lui saupoudre les cheveux d’une « poudre odorante », « lui mit aux joues un peu de fard vert, que le contact de la peau fit immédiatement rosir ; polit ses ongles avec un cosmétique » et la voilà prête ! Et il y a foule pour accueillir Ahmosis sous les ovations, une foule cosmopolite, « des nègres du haut Nil, noirs comme des dieux de basalte », des « Ethiopiens bronzés, à la mine farouche », des « Asiatiques au teint jaune clair, aux yeux d’azur, à la barbe frisée en spirales », des Pélasges dont les jambes « sont bizarrement tatouées »… Quel spectacle ! Le char du Pharaon est précédé de tout un cortège haut en couleurs. Passent sous les yeux des badauds éblouis « L’avant-garde des musiciens […], des collèges de prêtres, des députations des principaux habitants de Thèbes »… « Après la musique arrivaient les captifs barbares […] à peau noire, à chevelure crêpue […]. » « Des gardiens marchant à côté d’eux réglaient leur allure, à coups de bâton ». « Des femmes basanées, aux longues tresses pendantes […] venaient derrière, honteuses, courbées, laissant voir leur nudité grêle et difforme ». D’autres aussi « jeunes et belles, la peau d’une nuance moins foncée », peut-être destinées au gynécée royal… Il y avait des soldats, des porte-étendards, un héraut qui « proclamait d’une voix forte les victoires de Pharaon ». Et enfin…enfin ! « Pharaon parut » ! Sur son char, il apparut à la foule massée sur le passage, avec « sa figure lisse, imberbe, aux grands traits purs […], ses lèvres scellées, ses yeux énormes, agrandis de lignes noires ». En passant devant l’endroit « où se tenaient Tahoser et Nofré », le Pharaon fixa lentement « son regard noir pour qui était observateur » vers elles. « Ses prunelles avaient glissé entre ses paupières peintes […] et une étincelle de désir avait animé leurs disques sombres ». Mais Tahoser n’aime pas le Pharaon… En son palais, l’attendent ses fils, « les jeunes princes, beaux comme des femmes » et « de belles esclaves nues [qui] s’empressaient […] répandant l’huile de palme sur ses épaules, ses bras et son torse polis comme le jaspe ». « Les femmes du gynécée » sont là aussi, diversement coiffées : « tantôt les cheveux nattés s’effilaient en spirale ; tantôt ils se divisaient en trois masses, dont l’une s’allongeait sur le dos et les deux autres tombaient de chaque côté des joues ». Mais Pharaon aime Tahoser ; il reste impassible face à ces femmes, aux musiciennes, aux danseuses, contraintes de se retirer, « rougissantes et confuses, pressant de leurs mains, leur poitrine haletante ». Même « des nains aux pieds tors, au corps gibbeux et difforme » connus pour dérider habituellement Pharaon n’y parviennent pas…

Tahoser aime Poëri…

… mais Poëri ne l’aime pas… Poëri, cet étranger… Bien que « vêtu à la mode égyptienne », ses traits ne se rapportaient pas au type national. « Son nez aquilin est mince, ses joues aplanies, ses lèvres sérieuses, l’ovale parfait de sa figure différaient essentiellement du nez africain, des pommettes saillantes, de la bouche épaisse et du masque large que présentent habituellement les Egyptiens ». « La carnation n’était pas la même non plus. « Sa teinte, de cuivre rouge, était remplacée par une pâleur olivâtre, que nuançait imperceptiblement de rose un sang riche et pur ; les yeux, au lieu de rouler entre leurs lignes d’antimoine une prunelle de jais, étaient d’un bleu sombre comme le ciel de la nuit ; les cheveux, plus soyeux et plus doux, se crêpaient en ondulations moins rebelles. » Toutes ces caractéristiques conféraient à Poëri « une beauté rare », qui avait séduit Tahoser. Elle va bientôt découvrir qu’il s’agit d’un Hébreu. A la nuit tombée, quelques heures après le retour triomphal du Pharaon, Tahoser s’enfuit de chez elle, déguisée en mendiante, et court demander l’hospitalité à Poëri, en se présentant à lui sous le nom d’Hora. Poëri paraît être aussi bon qu’il est beau et il l’engage à entrer dans sa maison, lui fait apporter à manger « une cuisse d’oie, des oignons cuits sous la cendre, un pain de froment et des figues, ainsi qu’un vase d’eau bouché par des feuilles de myrte ». Tahoser va rapidement apprendre, par de jeunes servantes, que Poëri quitte, chaque soir, sa demeure, pour une destination inconnue. L’intrépide Tahoser, folle d’inquiétude, décide de le suivre, afin de savoir où il se rend. Cela va l’amener jusque sur les rives du Nil. Là, Poëri saute dans une barque et prend le large. Tahoser pour continuer sa quête n’a alors pas d’autre option que de continuer… à la nage ! Sur l’autre rive du fleuve, et après une longue marche, Poëri, toujours suivi par Tahoser, touche à son but et entre « dans une hutte de terre dont les crevasses laissaient filtrer quelques rayons de lumière jaune ». Grâce à une fente, Tahoser glisse son regard à l’intérieur de la masure… et ce qu’elle voit la remplit de jalousie.

Poëri aime Ra’hel

Tahoser découvre, « sur une estrade tapissée de nattes », « une femme de race inconnue et merveilleusement belle ». « Elle était blanche plus qu’aucune des filles d’Egypte, blanche comme le lait, comme le lis, blanche comme les brebis qui montent du lavoir ; ses sourcils s’étendaient comme des arcs d’ébène, et leurs pointes se rencontraient à la racine d’un nez mince, aquilin, aux narines colorées de tons roses comme le dedans des coquillages. Ses yeux ressemblaient à des yeux de tourterelles, vifs et langoureux à la fois ; ses lèvres étaient deux bandelettes de pourpre, et en se dénouant montraient des éclairs de perle ; ses cheveux se suspendaient, de chaque côté de ses joues de grenade, en touffes noires et lustrées comme deux grappes de raisin mûr ». Poëri l’appelle Ra’hel. L’émotion est trop forte et Tahoser tombe évanouie sur le sol.

Pharaon, quant à lui, apprend que Tahoser a disparu de chez elle et qu’elle reste introuvable. Il confie au serviteur qui a toute sa confiance, Timopht, la mission de la retrouver. Laissons Timopht chercher et revenons vers la misérable demeure de Ra’hel près de laquelle nous avons laissé Tahoser, sans connaissance. Découverte inanimée par Ra’hel, Tahoser est portée par celle-ci, aidée de sa servante Thomar, à l’intérieur de la cabane et étendue sur un lit. Thomar, à qui Tahoser déplaît d’emblée, insinue qu’il s’agit peut-être d’une espionne. La nuit suivante ramène Poëri, surpris de trouver là, dans la fugitive, l’étrangère à qui il avait donné l’hospitalité. La vieille servante décide finalement de dévoiler, au Pharaon, la cachette de Tahoser. Et c’est ainsi que Pharaon va venir enlever Tahoser. Elle va désormais disposer d’un « appartement splendide, un appartement royal, aussi beau que celui de Pharaon ». Là tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté… Un décor de rêve avec des accessoires de luxe à profusion… « Des miroirs de métal entouré de figures difformes, comme pour donner à la beauté qui regardait le plaisir du contraste », « des boîtes d’aromates »… Des nuées de servantes sont aux petits soins. Quand « Tahoser sortait du bain, […] les huiles aromatiques dont on l’avait frottée assouplissaient encore la pulpe moelleuse et fine de sa peau. Sa chair prenait des transparences d’agate et la lumière semblait la traverser ; elle était d’une beauté surhumaine, et, quand elle fixa le métal bruni du miroir ses yeux avivés d’antimoine, elle ne put s’empêcher de sourire à son image. »

Une fin avec des références très bibliques

Un jour « un personnage mystérieux » nommé Mosché demande audience à Pharaon. « Un autre Hébreu, nommé Aharon, l’accompagnait. » Mosché, quoiqu’il eût quatre-vingts ans, semblait d’une vigueur toute virile, et rien en lui ne trahissait les décadences de la sénilité. Les rides de son front et de ses joues, pareilles à des traces de ciseau sur du granit, le rendaient vénérable sans accuser la date des années ; son cou brun et plissé se rattachait à ses fortes épaules par des muscles décharnés, mais puissants encore, et un lacis de veines drues se tordait sur ses mains que n’agitait pas le tremblement habituel aux vieillards. » « Sur sa face brillait, même dans l’ombre, une lumière singulière. On eût dit le reflet d’un soleil invisible. » Il vient au nom de « l’Eternel, le Dieu d’Israël » demander à Pharaon que son peuple soit libéré, afin qu’il puisse retourner au désert célébrer Yahweh. Mais Pharaon ne l’entend pas de cette oreille ; alors Mosché et Aharon reviendront au palais pour supplier. Aharon jettera son bâton aux pieds de Pharaon et là le bout de bois inerte se transformera en serpent ! Pas de quoi impressionner encore Pharaon sûr de ses « sages », « magiciens » et « hiéroglyphites » ! « C’étaient des personnages d’un aspect formidable et mystérieux, la tête rasée, […], tenant à la main des bâtons gravés d’hiéroglyphes ; ils étaient jaunes et desséchés comme des momies, à force de veilles, d’études et d’austérités ; les fatigues des initiations successives se lisaient sur leurs visages, où les yeux seuls semblaient vivants ». Ils furent capables de reproduire le prodige de Mosché et « Tahoser, qui partageait le trône du Pharaon, levait ses beaux pieds nus et les ramenait sous elle, toute pâle d’épouvante », devant ces vipères, ces hydres, ces aspics, ces trigonocéphales, ces orvets et ces crotales qui grouillaient sur le sol ! « Alors Mosché étendit la main, et le serpent d’Aharon se précipita sur les vingt-quatre reptiles […] » et « il eut bientôt englouti les affreuses bêtes, créations réelles ou apparentes des sages d’Egypte ». Mais Pharaon est resté inflexible…

Bien qu’elle reconnaisse la bonté de Pharaon et sa « beauté surhumaine », Tahoser « ne pouvait oublier Poëri ». Elle savait pourtant que « retrouver le jeune Hébreu était chose impossible »…

Les plaies annoncées vont s’abattre sur l’Egypte… Et puis un jour, les Hébreux décident de s’enfuir. « Pharaon entra dans une grande fureur, et il résolut de poursuivre les Hébreux qui s’enfuyaient. » « Ce fut vers Pi-ha’hirot, près de la mer des Algues, que les Egyptiens atteignirent les Hébreux. » La situation paraît désespérée pour les fuyards. « Devant les Hébreux, le front de la bataille ; derrière, la mer profonde. » Alors « Mosché étendit son bâton sur la mer après avoir invoqué l’Eternel ; et […] eut lieu un prodige que nul hiéroglyphe n’eût pu contrefaire. » Les flots s’ouvrirent, les Hébreux purent passer à pied sec et furent ainsi sauvés. « Effrayés par ce miracle, les Egyptiens hésitaient à poursuivre les Hébreux ; mais Pharaon, avec son courage altier que rien ne pouvait abattre, poussa ses chevaux qui se cabraient et se renversaient sur le timon ». « Les six cents chars suivirent : les derniers Israélites, parmi lesquels se trouvaient Poëri, Ra’hel et Thamar, se crurent perdus », « mais […] Mosché fit un signe : les roues des chars se détachèrent, et ce fut une horrible confusion de chevaux, de guerriers, se heurtant et s’entrechoquant ». Puis les flots se refermèrent… et « de la gloire et de l’armée de Pharaon il ne restait plus rien ! » « Tahoser attendit en vain Pharaon et régna sur l’Egypte, puis elle mourut au bout de peu de temps. On la déposa dans la tombe magnifique préparée pour le roi, dont on ne put retrouver le corps, et son histoire, écrite sur papyrus avec des têtes de chapitre en caractères rouges, par Kakevou, grammate de la double chambre de lumière et gardien des livres, fut placée à côté d’elle sous le lacis des bandelettes. »

Et apparemment lord Evandale ne se maria jamais…

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour son illustration placée sous le soleil de Râ !

Bibliographie

1 Gautier T. Le Roman de la momie, folio classique, 2013, 311 pages

2 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/la-cosmetophobie-qu-est-ce-que-c-est-que-cette-nouvelle-maladie-869/

3 Lefebvre G. L'Égypte et le vocabulaire de Balzac et de Th. Gautier. In: Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1945, 4, 554-571.

 

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