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DIY et recettes - beauté pour aficionados nothombiens

> 08 août 2021

DIY et recettes - beauté pour aficionados nothombiens

« La faim c’est moi », nous confie Amélie Nothomb, dans sa Biographie de la faim. Une petite fille d’un milieu aisé, d’un milieu où l’on ne manque de rien, mais vraiment de rien du tout, pas plus sur le plan matériel que sur le plan affectif. Une satiété qui devrait être totale et pourtant... une appétence pour le sucré, qui « défie toute concurrence ». Du Japon au Bangladesh, en passant par les Etats-Unis, la faim, si présente, se fait un jour la malle, faisant place à l’anorexie pour les aliments et à une boulimie pour la littérature. « La grammaire me coulait par les pores »...

Le savon, c’est bon !

Toute petite, avec sa nounou préférée, Nishio-san, Amélie mange du savon. Le linge, à peine sorti de la machine à laver, finit entre les dents de la petite sapophile (en lisant l’auteur qui se délecte des mots et qui a commencé son expérience linguistique avec le « franponais », on est assez tenté d’inventer soi-même des mots). Le « bon goût de lessive » persiste en bouche. Tel un chewing-gum longuement mastiqué, le mouchoir lavé au savon finit recraché, mais ce, uniquement, lorsqu’il a perdu toute trace du sel d’acide gras responsable de son parfum ineffable.

En grandissant, Amélie gardera du goût pour le savon, mais honnira les expressions « prendre un bain » ou « se baigner ». Prononcer ces mots devant elle fera alors ressurgir sur ses lèvres « la mousse blanche », venue des temps anciens (« De la mousse blanche sortait de ma bouche »). Une « allergie verbale » atypique qui déconcertera sûrement plus d’un allergologue.

La fraise pékinoise aussi !

C’est même la meilleure du monde pour Amélie. « Le sublime dans la délicatesse » !

Le spéculoos dans la salle de bain, aussi !

Un spéculoos chipé dans la réserve parentale et dégusté dans une « salle de bains » ! Le top. Pour Amélie, la recette-beauté la plus simple ne consiste pas à faire un masque à la cannelle et au miel (c’est tant mieux car ça pique) ; la recette-beauté-plaisir la plus absolue consiste à déguster un spéculoos, bourré de cannelle et édulcoré au miel, en contemplant son reflet dans la glace. Prière de ne pas déranger !

Le champagne aussi !

« Le vin doré à bulles », qui traîne dans les verres des invités, est aussi tentant que le savon qui mousse dans l’estomac. Un « meilleur ami » qui ne vous veut peut-être pas que du bien, mais un meilleur ami tout de même.

L’amour c’est bon, une maman et une sœur aussi !

La maman d’Amélie est une « splendeur », une « beauté solaire », c’est bien connu. Juliette, quant à elle, est « ravissante », avec ses « cheveux de fée », des cheveux qui devront, pour satisfaire leur propriétaire, être les « plus longs du monde ». Juliette et Amélie, une complicité de tous les instants. Une complicité qui va du lit, où l’on écoute le ventre d’Amélie faire des bruits de vieilles tuyauteries, à la douche où le chauffe-eau poussif constitue une « roulette russe de l’hygiène », du fait d’une capacité hors norme à vous assassiner d’un courant glacial ou d’un flux brûlant. En grandissant, Juliette maquillera ses yeux... et de temps en temps aussi « son carnet de notes ».

L’admiration, c’est bon, une jeune fille au pair aussi !

A New-York, la jeune fille au pair, Inge, chargée de s’occuper des deux sœurs (le frère est envoyé en Belgique dans un pensionnat, bon débarras !) est d’une « beauté parfaite ». Une Greta Garbo à domicile, qui fait se retourner les gens dans la rue. Une taille mannequin (« maigre comme un clou ») et, conséquemment, un engagement comme mannequin, pour une agence de publicité. « Coiffée, maquillée », Inge apprend à se déplacer en ligne droite, tête haute et front soucieux (mais pas trop, un chagrin d’amour ayant eu raison de son sourire la fit exclure des podiums).

Et Amélie dans tout ça ?

Une petite fille au « teint de poupée de porcelaine », qui se « racrapote » les orteils dans des chaussons de danse, qui se déguise en geisha pour Halloween, qui découvre la douceur des mots de Colette, avec une cire verte en fusion qui procure un « émoi spectaculaire », qui dévore des ananas pour se faire saigner les gencives et remplace, un jour, les aliments du frigidaire par les mots du dictionnaire (« Je décidai de manger tous les mots »). Une jeune fille qui se laisse séduire par un riche héritier japonais, propriétaire d’« une vraie voiture de yakusa blanche et étincelante comme ses dents ».

Biographie de la faim, en bref

Peut-on être bref pour évoquer une sensation qui ne semble pas avoir de fond ? Chez Amélie Nothomb, tout « s’articule autour de la faim », cette sensation qui fait souffrir les populations qui manquent de tout et qui peut tarauder également les gens aisés qui ne manquent de rien. Une faim, qui déborde de partout, comme la graisse des deux braves bonnes sœurs flamandes venues, apaiser leur soif de dévouement dans une léproserie perdue au fin fond de la jungle bangladeshi. Des recettes-maison pour faire des glaces originales (citrons, sucre, gin, neige prélevée au milieu de nulle part à une heure et quart de voiture de New-York), des idées de mésusage (non, vraiment, le savon ça ne se mange pas), de quoi rassasier les fans de l’auteur, qui, depuis des années, telles les petites camarades de classe de son enfance, se battent entre eux pour lui tenir la main.

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour son illustration du jour.

Bibliographie

1 Nothomb A., Biographie de la faim, Albin Michel, 2019, 188 pages

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