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Des personnages avec l’instinct du bonheur peut-être… mais pas l’instinct des cosmétiques !

> 12 janvier 2020

Des personnages avec l’instinct du bonheur peut-être… mais pas l’instinct des cosmétiques !

Dans le couple que forment Gaston Romilly et Valentine Gontran,1 pas de fards, de crèmes hydratantes ou de vernis pour les ongles, pas d’artifices de nature cosmétique. Pourtant, le mensonge fait bien partie du décor.

Gaston a été élevé dans une filature, entouré de l’odeur suave de la lanoline (« Il entendait le battement éternel des métiers... Il sentait l’odeur grasse de la laine... ») ; il n’a pourtant pas souhaité s’orienter vers les métiers de l’industrie cosmétique. Pour ceux qui l’ignorent, on précisera que la lanoline est un ingrédient cosmétique utilisé depuis des lustres et le composant-phare de la crème Nivea très en vogue dans les années 1930,2,3 époque au cours de laquelle se situe l’histoire contée par André Maurois. Gaston, au temps de sa splendeur, est un « beau Normand aux yeux bleus, à la moustache blonde de Viking. » C’est un garçon au cœur tendre, qui tombe amoureux sans cesse. Il finit, après moult péripéties, par s’emmouracher d’une jeune couturière à la beauté « apaisante », « rassurante », mais « pas surprenante ». Des surprises, pourtant... notre cher Gaston ne va manquer d’en avoir !

Valentine, quant à elle, s’est retrouvée de bonne heure confrontée à la vie professionnelle. A 16 ans, elle est en immersion dans le milieu de la mode. Elle croise des mannequins, entretenues par de riches protecteurs. Rien d’étonnant... Ces jeunes femmes « devaient se maquiller à leurs frais, fournir leurs bas de soie ; presque toutes habitaient fort loin, elles avaient chaque jour des frais de transport... » Comment voulez-vous vous en sortir dans ces conditions ? Notre brave Valentine va donc faire comme ses copines. Elle prend un vieil amant, un dénommé Martin-Bussière, qui ne trouve pas, auprès de sa légitime épouse, une « énorme créature, envahie par la graisse au point de n’avoir plus forme humaine », toute la tendresse souhaitée. Et ce qui devait arriver, arrive… Naît une petite fille. C’est Colette. Le cher Martin-Bussière botte en touche ; Valentine se jette dans les bras de son amant de cœur, à savoir Gaston.

Dire que pendant des années Gaston et Valentine ont vécu comme dans un conte de fées. Valentine a toujours été aux petits soins avec un époux on ne peut plus tendre. (« Elle trouva plaisir à préparer pour le malade les objets dont il avait besoin pour se raser dans son lit [...] »). Lorsque Gaston est indisposé, Valentine vaporise du « vinaigre parfumé » dans sa chambre et s’empresse, à ses côtés, une « teinture de crategus » (sic) à la main. Le cœur de Gaston est un cœur de chamallow qu’il faut surveiller avec soin.

Lorsque tout manque de craquer, Mme de la Guichardie, une femme « imposante et masculine, vêtue en hiver de velours noir, en été en soie grise ou violette, et surmontée d’un étrange édifice de boucles, qui devait être postiche » qui se requinque à l’aide de verres de quinquina, entre en scène... Colette la fille de Valentine, qui n’est pas la fille de Gaston, est en passe d’épouser André de Saviniac, un nobliau dont les parents sont conservés dans une armure de préjugés. Mme de la Guichardie va aller de l’un à l’autre récolter les confidences des uns et des autres et tenter de recoller les morceaux. Il convient, entre autres, de faire digérer aux Saviniac le passé sulfureux de Valentine.

Heureusement, tous les protagonistes de cette histoire ont l’instinct du bonheur. On se ment à longueur d’année... mais qu’est ce qu’on s’aime !

Malheureusement, aucun des protagonistes de cette histoire n’a l’instinct des cosmétiques ; imaginez-vous que Colette, en véritable fermière, préfère utiliser son cabinet de toilette comme une « couveuse artificielle » pour poussins orphelins plutôt que comme une pièce indispensable à des soins de beauté !

Merci beaucoup à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour l'illustration du jour !

Bibliographie

1 Maurois A. L’instinct du bonheur, Grasset, Paris, 223 pages

2 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/ovide-s-en-va-t-en-guerre-contre-les-cosmetiques-qui-puent-376/

3 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/nivea-baby-sans-soucis-188/

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