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Des bulles de savon aux premières touches de maquillage, Agatha Christie fait revivre le temps béni de l’enfance

> 16 septembre 2018

Des bulles de savon aux premières touches de maquillage, Agatha Christie fait revivre le temps béni de l’enfance Pour qui a lu l’autobiographie d’Agatha Christie, il est simple de reconnaître Agatha en Celia, l’héroïne de ce « Portrait inachevé », publié en 1934, sous le pseudonyme de Mary Westmacott (Westmacott M., Le livre de Poche, 1990, 316 pages). Le portrait est réalisé par un jeune peintre qui, rencontrant Celia dans une station balnéaire, sent que celle-ci va tenter de mettre fin à ses jours. Il décide de la sauver et l’emmène à l’hôtel où il la veille toute une nuit.

Celia, durant cette longue nuit, va se confier, lui raconter son enfance heureuse, heureuse oui, même si elle est rapidement orpheline de père. Elle retrace, pour cet inconnu, sa petite enfance, avec cet affreux Gun Man qui peuplait alors ses cauchemars (« Enfin, il y avait aussi ce rêve terrible. Le Gun Man l’homme armé - avec sa perruque poudrée, son uniforme bleu et rouge et son arme. »). Elle se souvient des lectures dans la nursery, des coloriages, des jeux organisés à l’aide de « serviettes étendues sur des chaises », des bulles de savon si légères soufflées entre deux mains. Et lorsque la cousine Lottie a eu son bébé, quel émoi ! Que de questions concernant ce petit enfant. « Quelle est sa taille ? Grannie mesura la taille du bébé sur sa longue aiguille à tricoter, car elle était en train de confectionner des chaussons. Pas plus grand que ça ? dit Celia, incrédule. Ma sœur était si petite qu’on l’a mise dans une boîte à savon, déclara Grannie. Une boîte à savon ? On pensait qu’elle ne vivrait pas, dit Grannie avec délices. » « Quelle marque de savon ? », interroge Celia qui n’en revient pas !

Elle évoque son voyage en France et sa déception à la découverte de montagnes plus petites que son imagination ne les lui faisait voir. Elle parle des domestiques, de la cuisinière qui, toute sa vie et quel que soit le nombre d’invités, préparait des repas surabondants, de Grannie et de ses réserves monumentales de confitures, d’eaux de vie...

Puis c’est l’âge des bals, des prétendants qui sont nombreux du fait de sa beauté. Si elle se soucie peu de son apparence car elle a conscience d’être belle, il n’en est pas de même de sa mère, Miriam, qui l’initie, très tôt, au maquillage. Celia est « Grande et mince ». Elle possède la « blondeur et le teint délicat d’une Scandinave ». « A une époque où le maquillage était presque inexistant (nous sommes dans les premières années du XXe siècle), Miriam mettait, le soir, un peu de rouge sur les joues de sa fille, pour la faire paraître à son avantage. »

Vient alors le mariage avec Dermot, sur un coup de tête, puis la Première Guerre mondiale avec son cortège de privations (« En ne se servant du four que le matin et le soir et en se contentant de deux bains par semaine, ils arrivaient, en dépit des restrictions, à se chauffer un peu le soir. »). Une petite fille, Judy. Puis, coup sur coup, le décès de sa mère et l’infidélité de Dermot qui réclame, de surcroît, le divorce afin de se remarier au plus vite. Celia confie toutes ses frayeurs au narrateur et finit par s’endormir au petit jour.

Celia est alors prête à commencer une nouvelle vie.

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour cette illustration légère, toute en bulles de savon !

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