Nos regards
Deruba, rien de nouveau sous le soleil

> 04 avril 2017

Deruba, rien de nouveau sous le soleil Nous ne vous apprendrons rien en vous disant que la qualité du teint constitue, depuis des siècles, un élément primordial en ce qui concerne les critères de beauté.

Une plongée dans le passé s’avère nécessaire. Le Dr Monin, à la fin du XIXe siècle, dans son ouvrage
« L’hygiène de la beauté », devient véritablement lyrique lorsqu’il aborde ce chapitre. « Le teint est l’élément, fragile par excellence, de la beauté faciale ; l’hygiéniste doit donc, tout d’abord dicter les conseils capables de lui conserver sa douceur vermeille, son poli, sa carnation pure. Il faut pour ménager le teint, éviter le froid et la chaleur exagérés, ainsi que les alternatives de température : du reste, l’air chaud semble surtout nuisible aux blondes et l’air froid aux brunes. » […] « Les corsets, chaussures et vêtements trop serrés, par la congestion permanente qu’ils entraînent sur le visage, rougissent les joues ; les fatigues et les veilles les pâlissent au contraire : le teint s’altère ainsi à la longue. » Les solutions cosmétiques existent. Le visage doit être nettoyé tous les soirs à l’eau de son tiède, puis frictionné avec une « mixture » à base de soufre, de glycérine, de craie, d’eau de laurier et d’alcool, le tout à parts égales, qui restera au contact de la peau sous un masque élastique de gutta-percha (par parenthèse les masques
« seconde peau » issus de rituels japonais de la marque Séphora n’ont donc rien de bien révolutionnaires). Le matin, on appliquera un topique (mis au point par le Dr Monin), composé de baume du Pérou (40 g), d’iodoforme (2 g), d’huile de bouleau (1 g), d’extrait de ratanhia (1 g), d’essence de géranium (10 gouttes) – il va de soi que nous n’incitons personne à reproduire ces recettes du Dr Monin ! On pourra, si on en a la possibilité, recouvrir le visage d’une gaze glycérinée (rebelote pour un effet occlusif). Enfin, si les rougeurs persistent, elles seront masquées avec une poudre de riz. La Diaphane, dite de Sarah Bernhardt (un mélange de talc de Venise, de fleur de riz, de blanc de zinc parfumé à l’essence de bergamote, d’ylang ylang, de néroli et d’eau de Cologne) fera l’affaire. Très à la mode, elle présente l’avantage d’être facile à se procurer.

Quelques années plus tard, René Cerbelaud propose, à son tour, des solutions cosmétiques aux « personnes colorées », c’est-à-dire aux
« personnes congestionnées ou qui ont des troubles de circulation » (sic). A leur intention, il concocte des crèmes vertes « qui ont pour but de modifier la teinte rouge violet, à la lumière du jour et à la lumière électrique. » que l’on peut retrouver dans son Formulaire de Parfumerie paru en 1933. Afin de respecter le type de peau de chacune de ses clientes, il met au point une crème pour peaux sèches et une crème pour peaux grasses. La crème est un mélange de stéarate et de chlorophylle, plus ou moins additionné de vaseline cholestérinée, selon la demande. Tel le célèbre illusionniste Robert-Houdin, le pharmacien fait disparaître les rougeurs en s’aidant non d’une malle truquée, mais d’un effet d’optique.

L’étude de différents formulaires cosmétiques datant des XIX et XXe siècles montrent donc que ces problèmes de teint peuvent être pris en charge de différentes façons selon les auteurs. L’hygiène cutanée (avec un protocole de nettoyage bien précis) est associée à l’utilisation de produits topiques renfermant des actifs astringents (soufre, extrait de ratanhia). En cas d’échec, le masquage des rougeurs à l’aide de poudres couvrantes est envisagé.

Revenons au XXIe siècle...

Deruba nous parle dans son argumentaire marketing d’un produit innovant (on sourit lorsque l’on vient de lire ce qui précède !) et d’un produit triple action (cette triple action est à détailler).

Sont également évoqués des principes actifs (vous vous rappelez que l’on doit parler d’actifs quand il s’agit d’un cosmétique !) et la couperose (une pathologie cutanée, donc, pour des aspects réglementaires à exclure du langage marketing). Ce cosmétique manque de modestie et a la fâcheuse tendance à se prendre pour un médicament, comme au bon vieux temps des formulaires cosmétiques évoqués précédemment…

« Deruba est une crème spéciale innovante, mise au point par des experts en dermo-cosmétique pour lutter spécifiquement contre les rougeurs cutanées. » […] « Le concept du triple effet unique de Deruba vise à masquer instantanément les rougeurs cutanées (comme par exemple la couperose), à les atténuer durablement et à prévenir la formation de nouvelles rougeurs cutanées, tout cela avec un seul produit et une tolérance cutanée certifiée très bonne » (http://www.deruba.fr/a-propos-de-deruba/)

La crème Deruba est une émulsion qui ne renferme pas moins de 8 filtres UV (Ethylhexyl Salicylate, Octocrylene, Butyl Methoxydibenzoylmethane, Bis-Ethylhexyloxyphenol Methoxyphenyl Triazine, Phenylbenzimidazole Sulfonic Acid, Diethylhexyl Butamido Triazone, Titanium Dioxide (nano), Ethylhexyl Methoxycinnamate). Ces filtres sont nombreux, comme on peut le constater et conviendraient mieux pour la formulation d’un produit de protection solaire (PPS), plutôt que pour la formulation d’un fond de teint couvrant. L’application d’un PPS tous les jours de l’année est inutile sous nos climats (on se place dans le cas de la France Métropolitaine) et nous n’adhérons pas à cette manie qui consiste à incorporer des filtres à tout-va.

Le dioxyde de titane y est décliné sous différentes formes : une forme pigmentaire qui apparait en 3e position de la liste des ingrédients et utilisé ici pour son effet couvrant (ce pigment blanc permet de couvrir les imperfections cutanées et donc de masquer les rougeurs) et une forme nanoparticulaire qui joue, quant à elle, le rôle de filtre UV à spectre large.

Les colorants utilisés sont l’oxyde de fer noir (CI 77499), l’oxyde de fer rouge (CI 77491), l’oxyde de fer jaune (CI77492), le jaune de quinoléine (CI 47005) et bleu brillant FCF (CI 42090) qui présentent deux intérêts. Le bleu et le jaune donnant du vert, par effet d’optique on « annule » la rougeur. Le mélange d’oxydes de fer est un classique du genre. Ceux-ci sont utilisés, en quantités variables, dans les crèmes teintées et les fonds de teint, afin d'obtenir la teinte plus ou moins brune recherchée. En effet, en fonction des proportions utilisées, la teinte sera plus ou moins foncée.
Le bisabolol, un actif apaisant, fréquemment retrouvé dans les cosmétiques a, tout à fait, sa place dans ce type de produit. Efficace à la dose de 0,1%, il figure en fin de liste, mais il n’en est pas moins efficace.

La triple action est bien là (protection UV, effet couvrant, effet apaisant), l’innovation l’est déjà beaucoup moins !!!

Enfin, un effet protecteur vis-à-vis des UV sans ré-application fréquente (tous les PPS, et à juste titre, font mention d’une ré-application nécessaire toutes les 2 heures du fait de l’instabilité des filtres UV) et sans application généreuse (il paraît difficile d’appliquer sa crème teintée à raison de 2 mg par centimètre carré de peau !) n’a aucun sens.

Pour finir, on s’amusera de la mention « un produit de qualité remutan ». Tiens, un nouveau label ?

Deruba crème spéciale anti-rougeurs (couperose) : Aqua, Ethylhexyl Salicylate, Titanium Dioxide, Octocrylene, Butyl Methoxydibenzoylmethane, Dicaprylyl Ether, Dicaprylyl Carbonate, Aluminum Starch Octenylsuccinate, Bis-Ethylhexyloxyphenol Methoxyphenyl Triazine, Phenylbenzimidazole Sulfonic Acid, Diethylhexyl Butamido Triazone, Titanium Dioxide [nano], Cyclopentasiloxane, CI77492, Glycerin, Phenoxyethanol, Sodium Stearoyl Glutamate, Glyceryl Stearate, Pentaeritrityl Distearate, Butyrospermum Parkii Butter, Aminomethyl Propanol, Panthenol, Isopropyl Myristate, Triethyl Citrate, Acrylates/Ammonium Methacrylate Copolymer, Cetearyl Alcohol, Cyclohexasiloxane, Benzyl Alcohol, Acrylates/C10-30 Alkyl Acrylate Crosspolymer, Microcrystalline Cellulose, Ethylhexyl Methoxycinnamate, Parfum, Bisabolol, Cellulose Gum, Alumina, Simethicone, Citric Acid, CI 77499, CI 77491, CI 47005, CI 42090.

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