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De l’importance de la chevelure ou une histoire tirée par les cheveux : épisode 2 avec l’abbé Prévost

> 19 mai 2019

De l’importance de la chevelure ou une histoire tirée par les cheveux : épisode 2 avec l’abbé Prévost

Ne cherchez pas à vous confesser à l’abbé Prévost… ces manières ne sont guère orthodoxes.1 Dans son ouvrage le plus célèbre, Manon Lescaut, il nous conte l’histoire d’un homme de qualité, donc de bonne famille, le chevalier Des Grieux,  qui tombe sous l’emprise d’une jolie fille qui lui procure bien peu de joie. Toutes les valeurs sont inversées. On vole, on triche pour l’amour de la belle et c’est lorsque l’on se décide à rentrer dans le droit chemin que les foudres divines tombent en cataracte.

Lorsque la belle Manon a le temps, elle aime à « accommoder » les cheveux de son amant, à sa façon. Elle y passe des heures, faisant des « petites recherches », afin de valoriser au maximum les beaux cheveux du chevalier. Lorsque l’amant susceptible de pourvoir à ses dépenses pointe son nez, elle n’hésite pas à agripper l’amant de cœur par les cheveux, afin de lui présenter le rivale qui ne lui arrive pas à la cheville. « [...] elle empoigna d’une main mes cheveux, qui étaient flottants sur mes épaules, elle prit de l’autre son miroir de toilette ; elle employa toute sa force pour me traîner dans cet état jusqu’à la porte du cabinet, et l’ouvrant du genou, elle offrit à l’étranger, que le bruit semblait avoir arrêté au milieu de la chambre, un spectacle qui ne dut pas lui causer peu d’étonnement. [...] Elle lui présenta son miroir : Voyez monsieur, lui dit-elle, regardez-vous bien, et rendez-moi justice. [...] Faites la comparaison vous-même. » L’homme riche qui s’était pris un temps dans ses filets, se voit obligé de fuir au milieu des éclats de rire de la belle Manon.

Après une vie aventureuse bien remplie, Manon se retrouve embarqué avec une dizaine de compagnes pour de nouveaux horizons. Il n’est plus question pour elle d’arborer de beaux vêtements ni de préserver son teint des intempéries. « Son linge était sale et dérangé ; ses mains délicates exposées à l’injure de l’air [...] ».

Le chevalier est-il le dupe de Manon ? Manon a-t-elle conscience de son immoralité ? L’abbé Prévost nous laisse perplexe devant ces personnages qui passent leur temps à tricher au nom de leur bon plaisir.

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour sa vision des jeux de Manon que n'aurait pas réniée Georges de La Tour  !

Bibliographie

1 Abbé Prévost, Manon Lescaut, Librairie générale française, 1972, 239 pages

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