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De l’éducation cosmétique des filles par Fénelon... un simple savon suffira !

> 06 septembre 2020

De l’éducation cosmétique des filles par Fénelon... un simple savon suffira !

Tout sauf des « savantes ridicules », semble nous dire Fénelon, dès le chapitre premier de son Traité de l’éducation des filles.1 Voilà donc l’objectif d’un éducateur censé : enseigner aux filles tout ce qui leur est nécessaire sans franchir la ligne rouge de ce qui est superfétatoire. Leur « esprit » étant « moins fort et moins robuste que celui des hommes », il conviendra de le ménager, de le manier avec prudence, si l’on ne veut pas qu’il éclate en mille morceaux, lors d’une séance éducative un peu trop musclée ! Evidemment, ce type de propos est daté et l’on ne peut pas y adhérer aujourd’hui. Toutefois, tout n’est pas à jeter dans ce traité d’éducation, dans lequel il est possible de trouver des conseils pleins de bon sens, toujours applicables en 2020 !

De l’importance d’un sommeil d’une durée limitée

Ennui, paresse, oisiveté, sommeil en quantité excessive mènent, tout droit, notre jeune protégée vers des abîmes de malheur. Lorsque la jeune fille ne sait pas quoi faire... elle dort. Et ceci n’est pas bon pour sa santé. « Elle s’accoutume à dormir d’un tiers plus qu’il ne faudrait pour conserver une santé parfaite. » Un sommeil excessif engendre un amollissement du corps ; un sommeil compté, en revanche, associé à la pratique de l’exercice physique se traduit par des bénéfices sans nombre. Gaieté, vigueur, robustesse sont acquises par le manque et non par l’excès.

De l’importance d’une lecture raisonnée, des aliments solides pour l’esprit

Dans les mains de la jeune fille, il est prudent de glisser des livres raisonnables qui vont constituer un « aliment solide » pour son esprit en formation... Gardons-nous d’en faire une précieuse... qui ne tarderait pas à devenir ridicule. Les romans, comédies… ne visent qu’à lui tourner la tête et les sangs. Ces bouillies indigestes qui ne permettent pas de se faire une bonne dentition mettent en scène des héros qui sont bien trop loin des réalités. Pour croquer la vie à belles dents, la bibliothèque de la jeune protégée devra être construite avec grande sagacité.

De l’importance d’une alimentation équilibrée, pas de grignotage entre les repas

Bien avant que les messages de santé publique ne nous soient serinés par les différents médias modernes, Fénelon se plaît à marteler l’utilité de respecter certaines règles en matière d’alimentation de l’enfant. Des repas à heure fixe, des portions de taille convenable (ni trop, ni trop peu), l’abandon du grignotage en dehors des repas (« qu’il ne mange point hors des repas »), des aliments choisis pour leurs qualités nutritives et non pour leur goût prononcé (se méfier des aliments « de haut goût qui l’excite à manger au-delà de son besoin et qui le dégoûte des aliments plus convenables à sa santé »), une diversification mesurée (« la variété des viandes qui viennent l’une après l’autre soutient l’appétit après que le vrai besoin de manger est fini. »)

De l’importance de l’art d’enseigner

Le maître-mot de Fénelon en matière d’éducation est plaisir. L’éducateur doit savoir rendre l’enseignement plaisant, agréable. Chaque chose apprise doit l’être par « utilité ». Un « travail abstrait, stérile, épineux » est voué à l’échec. Le jeu constitue le moyen le plus sûr d’acquérir les connaissances, sans même s’en rendre compte. Plutôt que d’apprendre dans un lourd grimoire vieux, sale et poussiéreux, l’apprentissage de la lecture se fera dans un « livre bien relié, doré même sur la tranche ». Tel un cuisinier, Fénelon se propose d’« assaisonner de plaisir les occupations sérieuses ».

De l’importance d’une mise propre, sans colifichet

Ce que l’éducateur doit combattre chez sa jeune élève c’est « un désir violent de plaire ». « L’amour des ajustements » et une mode toujours changeante (« une boucle de cheveux plus haut ou plus bas ») entrainent des réactions en chaîne dévastatrices (dérèglement des mœurs, ruine des familles, lâchetés, bassesses...). Cette mode qui se « détruit elle-même », en permanence, consiste en une quête d’une perfection qui recule au fur et à mesure que l’on s’en approche. « Changer pour changer sans cesse » relève du « caprice » ; une nouveauté, même ridicule, sera toujours plus appréciée qu’une « chose bien inventée » ayant un peu duré. Quel dommage ! Il va sans dire que les « nudités de gorge et autres immodesties », déployées pour le « désir effréné de plaire », seront fortement déconseillées. La propreté dans l’habillement (« une propreté simple et facile à pratiquer ») et dans la maison (« Accoutumez les filles à ne souffrir rien de sale ni de dérangé [...] ») sera une qualité à inculquer dès le plus jeune âge.

En résumé

Pour Fénelon, l’art de l’éducation passe par le plaisir, le jeu (c’est d’actualité) ; les bases à connaître sont la lecture, l’écriture, les « quatre règles de l’arithmétique » (c’est encore d’actualité) ; une alimentation saine requiert un choix judicieux d’aliments et de s’abstenir du grignotage (c’est toujours d’actualité). En matière de cosmétiques, en revanche, Fénelon est un peu timoré. Avec un simple savon, il a l’impression d’avoir rempli notre armoire à cosmétiques. C’est un peu juste, Monsieur... Il manque les shampooings, les déodorants, les dentifrices, les crèmes hydratantes, les crèmes solaires, les crèmes teintées, les vernis à ongles, les parfums...

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour cette vision des conseils fénelonesques...

Bibliographie

1 Fénelon, Traité de l’éducation des filles, Editions Klincksieck, Paris, 1994, 98 pages

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