> 19 mars 2018
L’acné est une pathologie connue depuis les temps les plus anciens. Un certain nombre d’auteurs ont décrit cette pathologie comme la maladie de la « jeunesse », maladie dont on finit toujours par guérir. Pathologie liée à la puberté, à la mélancolie, dont les lésions seront décrites avec plus ou moins de précision et de justesse au fil des siècles (https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/dans-le-sillage-des-medecins-qui-se-sont-interesses-a-l-acne-vulgaire-509/)...
Cette pathologie extrêmement étudiée a fait l’objet d’un grand nombre de publications et on connaît aujourd’hui parfaitement bien sa physiopathologie.
L’acné est une affection dermatologique qui touche 85 % de la population à un moment de sa vie. Cette pathologie se reconnaît facilement. Différents types de lésions peuvent être observées : des comédons ouverts ou fermés, des papules, des pustules, des nodules et/ou des kystes. Le visage est le plus souvent touché ; toutefois, dans 60 % des cas on se rend compte que le tronc l’est également. Cette pathologie est souvent très mal vécue, car elle tend à laisser des traces sur la peau : des cicatrices et des hyperpigmentations post-inflammatoires (Diane M. Thiboutot, Brigitte Dréno, Abdullah Abanmi, Andrew F. Alexis, Leihong Flora Xiang, Practical management of acne for clinicians: An international consensus from the Global Alliance to Improve Outcomes in Acne, Journal of the American Academy of Dermatology, 78, 2, 1, 2018, s1-s23.e1).
Hyperséborrhée androgéno-dépendante, colonisation du follicule pilo-sébacé par Propionibacterium acnes, trouble de la kératinisation, comédogenèse et inflammation sont les phénomènes de base à prendre en compte. Sachant que les bactéries du genre Propionibacterium activent la production d’Interleukines (Interleukines 1 alpha) par les kératinocytes et que ces médiateurs de l’inflammation sont responsables du phénomène d’hyperkératinisation, on comprendra que ces différents éléments sont liés et interagissent entre eux… L’implication du système immunitaire dans la formation des lésions est clairement établie ; selon le type de lésions (papules ou microkystes) les molécules retrouvées (azurocidine, protéine bactéricide augmentant la perméabilité, cathélicidine, prosaposine, dermicidine) seront plus ou moins bien représentées (Jusal Quanico, Jean-Pascal Gimeno, Florence Nadal-Wollbold, Christiane Casas, Michel Salzet, Proteomic and transcriptomic investigation of acne vulgaris microcystic and papular lesions: Insights in the understanding of its pathophysiology, Biochimica et Biophysica Acta (BBA) - General Subjects, 1861, 3, 2017, 652-663).
Différentes molécules sont traditionnellement utilisées pour traiter cette pathologie. Les dérivés de vitamine A (trétinoïne, isotrétinoïne et adapalène) agissent sur le phénomène de kératinisation et de comédogenèse. Les effets indésirables à type d’irritation cutanée et de rougeur sont fréquents en début de traitement. En diminuant l’épaisseur de la couche cornée, ces substances rendent la peau plus sensible au soleil. Présenté par Kligman en 1986 comme la molécule anti-âge par excellence (elle permet, en effet, de traiter les signes cutanés liés à la photo-exposition, tels que l’élastose solaire, les ridules et rides, les taches pigmentaires, l’hyperkératose…) l’acide rétinoïque, interdit en cosmétologie, possède un double visage puisqu’il traite les effets du soleil sur la peau, mais ne doit pas être utilisé lors d’exposition solaire (Barbara A. Gilchrest, Treatment of photodamage with topical tretinoin: An overview, Journal of the American Academy of Dermatology, 36, Issue 3, Supplement, 1997, s27-s36). Le plus grand danger répresenté par cette famille de molécule est lié à leur pouvoir tératogène. Le peroxyde de benzoyle, quant à lui, par effet bactéricide, réduit la population de Propionibacterium acnes au niveau du follicule pilo-sébacé. L’antibiothérapie par voie orale ou topique agit de même. La pilule contraceptive qui réduit la production de testostérone et de sébum a été pendant longtemps une thérapie courante (Anjali Mahto, Acne vulgaris, Medicine, 45, 6, 2017, Pages 386-389). L’acide azélaïque à la fois antimicrobien, anti-inflammatoire et comédolytique est un principe actif bien toléré (Marita Kosmadaki, Andreas Katsambas, Topical treatments for acne, Clinics in Dermatology, 35, 2, 2017, 173-178).
La prise en charge thérapeutique de l’acné a fait l’objet d’évolutions dans le temps. Une publication toute récente fait le point sur les consensus actuels :
1 – Les rétinoïdes jouent un rôle essentiel dans le traitement de l’acné. En cas d’acné inflammatoire ou d’acné se caractérisant par la présence de comédons, les rétinoïdes, associés au peroxyde de benzoyle, constituent la première ligne thérapeutique.
2 – L’antibiothérapie par administration topique ou systémique n’est plus le traitement de choix de l’acné. Du fait du développement de germes résistants, il convient d’éviter au maximum ce type de thérapies et ce d’autant plus qu’elle se fait sur de longues périodes.
3 – L’isotrétinoïne est le principe actif de choix pour le traitement des acnés sévères, acné kystique et conglobata. La dose usuelle est de 0,5 à 1,0 mg/kg/j.
4 – Le traitement par l’isotrétinoïne per os (c’est-à-dire par voie orale) doit être maintenue durant 4 à 6 mois, jusqu’à rémission totale.
5 – Les poussées d’acné secondaires à un traitement par isotrétinoïne (effet indésirable pouvant survenir dans 15 % des cas) peuvent être minimisées en commençant par de faibles doses (0,2 mg/Kg ou 0,5 mg/Kg selon les auteurs).
6 – En traitement d’entretien il est nécessaire d’administrer un rétinoïde par voie topique, associé ou non à du peroxyde de benzoyle.
7 - L’acide azélaïque à 15 % (sous forme de gel) ou à 20 % (sous forme de crème) est le traitement de choix pour la femme enceinte et pour le patient atteint d’hyperpigmentations post-inflammatoires.
8 – Les traitements à type de laser, de lumière pulsée ou de photothérapie dynamique ne doivent pas être de premier choix dans le cas d’acné inflammatoire.
9 – La prise en charge de l’acné chez la femme adulte (âgée de plus de 25 ans) se fait à l’aide de rétinoïdes locaux et de peroxyde de benzoyle.
10 – Une prise en charge efficace et précoce de l’acné doit être réalisée si l’on souhaite éviter les cicatrices (Diane M. Thiboutot, Brigitte Dréno, Abdullah Abanmi, Andrew F. Alexis, Leihong Flora Xiang, Practical management of acne for clinicians: An international consensus from the Global Alliance to Improve Outcomes in Acne, Journal of the American Academy of Dermatology, 78, 2, 1, 2018, s1-s23.e1).
Comme on peut le constater le mot d’ordre est désormais, isotrétinoïne, un mot d’ordre qui implique les précautions d’usage chez la femme en âge de procréer du fait de la tératogenèse de ce principe actif et le soutien des cosmétiques avec la mise en place d’une protection solaire efficace et le recours à des produits hydratants pour la peau et les lèvres (l’isotrétinoïne étant très desséchante).
Le pharmacien trouvera pleinement sa place auprès du patient acnéique ; en détaillant l’ordonnance, il insistera sur les effets indésirables liés aux spécialités prescrites et pourra recommander les cosmétiques les plus adaptés.
C’est au comptoir que le pharmacien viendra en renfort du dermatologue. Ce dernier n’est pas toujours entendu comme le montre une publication récente. Les spécialités en vente libre et les cosmétiques conseillés par les dermatologues ne sont pris en compte que par un faible pourcentage de patients. Alors qu’on leur a recommandé des préparations à base de peroxyde de benzoyle, la majorité des patients s’est procurée des préparations renfermant de l’acide salicylique ou un tout autre actif… (Annie H. Huyler, Andrea L. Zaenglein, Adherence to over-the-counter benzoyl peroxide in patients with acne, Journal of the American Academy of Dermatology, 77, 4, 2017, 763-764)