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Crème à raser émolliente pour malade autoritaire !

> 03 décembre 2020

Crème à raser émolliente pour malade autoritaire !

Dans la série des Jeunes filles en blanc, la romancière Suzanne Pairault (de son vrai nom Suzanne Rémond), forte d’une licence de Lettres obtenue à la Sorbonne et d’une expérience d’infirmière pour la Croix-Rouge, durant la Première Guerre mondiale,1 met ses connaissances et son talent au service de la jeunesse de 1968 à 1985. De jeunes infirmières, dans un cadre hospitalier ou bien en mission dans la brousse ou encore au lit du patient au domicile de celui-ci, se trouvent confrontées à des situations mystérieuses dont leur esprit pétillant viendra rapidement à bout. De non moins jeunes médecins, aussi beaux que brillants, sont là pour leur faire apprécier toute la saveur de leur vocation.

Dans le roman Le malade autoritaire,2 c’est Emmeline Sicard qui est mise en scène. Tout juste diplômée, voilà un poste qui se profile à l’horizon. Un riche industriel lyonnais, souffrant d’asthme sévère, nécessite une surveillance quotidienne par une infirmière diplômée. Dans son château, situé à quelques kilomètres d’Avignon, M. Walter attend Emmeline de pied ferme.

Emmeline Sicard, une jolie infirmière blonde, au teint pâle

Emmeline est une toute jeune fille, au visage encore enfantin, « entouré d’une auréole de boucles blondes ». Ses yeux, « d’un gris violet », mettent de la joie partout où elle passe. Dans le train qui l’emmène vers son futur patient, Emmeline fait la rencontre d’un jeune homme plein de charme.

Raymond Walter, un jeune cinéaste plein de charme, au teint bronzé

L’inconnu qui partage la table d’Emmeline au wagon-restaurant n’est autre que Raymond Walter, le fils de l’homme chez qui Emmeline va travailler. « Le visage bruni par le soleil », le jeune homme reste discret sur son identité. On apprendra, en effet, plus tard, qu’il est brouillé avec son père, du fait d’une sordide histoire de signatures imitées.

Mme Aubin, une gouvernante autoritaire, aux cheveux teints

Mme Aubin, la cinquantaine, les « cheveux d’un blond-roux, trop ardents pour être naturels », a pris de l’ascendant sur son patron, M. Walter. Après avoir fait chasser le fils de la maison (en faisant croire à son père qu’il a acheté une voiture de luxe avec un chèque volé), Mme Aubin est bien décidée à se faire épouser et à devenir la maitresse absolue des lieux. Régime riche et inadapté, « flacon de verre bleu » d’un médicament miracle pour traiter les crises, Mme Aubin veut visiblement en finir avec son futur époux. Dans ces conditions, Emmeline va devoir lutter, pied à pied, pour rendre la santé à son patient. qui aime à se faire servir. Cela tombe bien, Emmeline est parfaitement dévouée. A peine arrivée sur place, la voilà, calot sur la tête et blouse blanche impeccable, un rasoir à la main. La « barbe de trois jours », qui gêne le châtelain, n’en a plus pour très longtemps. Plutôt que de faire venir le « barbier du village », qui « rase comme il tondrait un mouton », c’est Emmeline qui est chargée de jouer les coiffeuses. Un peu tremblante tout de même, car novice dans l’art du rasage, la jeune infirmière manie pourtant « crème adoucissante » et « rasoir perfectionné » avec talent. Une toilette « de la tête au pied ». Une friction à l’eau de toilette pour détendre les muscles et éviter les escarres...voilà notre industriel prêt à recevoir son directeur commercial dans les meilleures conditions. Ah, encore un détail, pas de friction à l’eau de Cologne au niveau capillaire. Une lotion très particulière, qui vient directement de Suisse, est requise pour une chevelure en parfaite santé.

La fille du jardinier, une charmante enfant qui souffre de gourme

Christiane, la fille du jardinier, présente « à la racine des cheveux, une sorte de plaque formée de petites bulles. » Emmeline diagnostique un « début de gourme ». Pas de cheval à l’horizon (celui-ci souffre en effet souvent de gourme équine),3 mais une petite camarade d’école, pleine de croûtes sur le visage, qui a fait ce « joli cadeau ». Le traitement mis en œuvre consiste en l‘application de vaseline (« une nuit entière »), puis en un savonnage énergique (« et demain matin vous les savonnerez bien fort »). Un peu de bleu de méthylène, en attendant une prescription médicale (ce sera la pommade très efficace apportée par le Dr Tourane). Peu de chance de réussite pourtant avec le bleu de méthylène, si l’on en croit la littérature scientifique actuelle concernant l’impétigo,4 cette infection à staphycoloque doré, autrefois baptisé gourme.5 En revanche, une pommade antibiotique peut effectivement être une bonne idée !

Le malade autoritaire, en bref

Dans ce roman, il y a de l’émollience dans l’air. Des émollients dans la crème à raser, des émollients sur la peau de Christiane, afin de faire tomber des croûtes, de l’émollience dans l’attitude d’Emmeline, la jeune infirmière qui sait mener son monde d’une poigne de fer dans un gant de douceur. Bien sûr, Emmeline ne manquera pas de démasquer les agissements de Mme Aubin et il y a fort à parier que la jeune infirmière s’installera, rapidement et définitivement au château, non plus au chevet de M. Walter, mais dans les bras de son fils.

Bibliographie

1 https://www.babelio.com/auteur/Suzanne-Pairault/75887

2 Pairault S. Le malade autoritaire, Collection Jeunes filles en blanc, bibliothèque verte, Hachette, 1978, 154 pages

3 Carl Robinson, Andrew S. Waller, Jan-Ingmar Flock, Intramuscular vaccination with Strangvac is safe and induces protection against equine strangles caused by Streptococcus equi. Vaccine, 38, 31, 26, 2020, 4861-4868

4 Abeer Attia Tawfik, Jehan Alsharnoubi, Mona Morsy, Photodynamic antibacterial enhanced effect of methylene blue-gold nanoparticles conjugate on Staphylococcal aureus isolated from impetigo lesions in vitro study. 12, 2, 2015, 215-220

5 http://www.inrp.fr/edition-electronique/lodel/dictionnaire-ferdinand-buisson/document.php?id=3111

 

 

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