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Colette ou le plaidoyer en faveur de la sobriété capillaire

> 04 mars 2018

Colette ou le plaidoyer en faveur de la sobriété capillaire Colette se plaît à couper les « cheveux en quatre », dans Belles saisons II. Agée alors de 70 ans, elle semble oublier les excentricités de sa jeunesse et prône la sobriété vestimentaire et capillaire.

Colette a sacrifié depuis longtemps ses longs cheveux et porte un regard courroucé sur toutes celles qui, pendant l’Occupation, continuent à faire montre de coquetterie.

La chevelure, si elle est raccourcie, constitue toujours le point de gravité de la séduction féminine. Il est loin le temps des cheveux qui tombaient jusqu’aux reins et qu’il fallait domestiquer en de savants chignons. La femme du XIXe siècle, celle que Colette a connu durant son enfance, est une femme qui se préoccupe de la beauté de ses cheveux... mais qui ne se risque toutefois pas à les baigner trop souvent. Les médecins considèrent, en effet, que le shampooing est « une bien mauvaise pratique pour la tête », cette pratique conduisant, dans de nombreux cas, à des phénomènes d’alopécie (https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/et-dans-la-serie-les-romances-de-l-ete-shampooings-et-savons-une-belle-histoire-d-amour-311/).

« Fruit, fleur couronnement d’un instable et séduisant édifice - c’est toi que j’appelle ainsi, visage de femme, quand je suis dans mes bons jours - que vas-tu faire, la saison prochaine, de ton feuillage, c’est-à-dire de ta chevelure ? On dirait vraiment que tu ne l’as abrégée que pour qu’elle t’occupe d’avantage. Autrefois, une femme emportait, de son berceau à son tombeau, les mêmes cheveux. Tous les matins, elle les déployait, les peignait, les brossait parfois, les lavait rarement, les repliait épinglés de toutes parts, et personne, sauf l’amour, n’avait le droit de dénouer une longue chevelure, de s’y baigner, d’y essuyer ses larmes, d’y cacher ses joies. »

Colette égratigne également au passage Marie-Antoinette, une « étrangère » montée sur le trône de France... Les ors de Versailles et les couloirs du métro sont assez similaires lorsqu’il s’agit de faire la coquette et de se faire remarquer... 170 ans après la mode des plumes, des gazes, des fleurs, des fruits montés en échafaudage (https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/journal-d-une-femme-de-chambre-ou-marie-antoinette-intime-340/), Colette reprend la rengaine connue qui consiste à reprocher à Marie-Antoinette sa frivolité. C’est oublier un peu vite la brièveté de cette période d’insouciance et la mort exemplaire d’une souveraine véritablement française de cœur !

« Une souveraine de sang français eût-elle souffert qu’on lui « montât la tête » comme le permit Marie-Antoinette, trop soumise au célèbre Léonard ? Il est probable que non. Ici j’aborde la question de l’influence, qui n’est ni sans mystère, ni sans lien avec une certaine sorte d’insanité. Les postiches gigantesques semés de frégates, de nids, de glands de rideaux, de cerisiers et de corbeilles ne sont pas précurseurs de catastrophes, mais ils accompagnent le vacillement des esprits. L’obstination récente qui planta, qui plante encore des chapeaux innommables sur les têtes des femmes ne m’a jamais fait rire, car la caricature fantaisie de quelques créatures, si elle impose facilement à une masse, révèle que c’est la masse docile, bien plus que le créateur, qui est près de chavirer... Je n’empêche personne de faire un rapprochement entre deux époques tragiques, comme je fais dans le métro et dans la rue en regardant tel petit moulin, tel diabolo, telle cuvette de poupée, ou le paquet de pervenches posé sur le sourcil, le nœud agressif, le papillon multicolore, le canotier pour caniche savant, la plume poignard, la jugulaire sens devant derrière, enfin toutes les provocations, les excentricités, qui contrastent, si tristement, avec des figures soucieuses, fatiguées, ou simplement vieillies, et l’attitude réservée de notre population parisienne. »

A défaut de s’engager dans la résistance active, Colette se fait le chantre de la résistance esthétique...

Si les modes évoluent, si les temps changent... le désir de se faire remarquer, de sortir du lot reste toujours le même.

Colette serait certainement stupéfaite en contemplant de nos jours la crête de 1,13 m de hauteur qui se dresse sur le crâne du styliste japonais, Kazuhiro Watanabe (https://www.jeanlouisdavid.com/article/la-plus-haute-crete-de-cheveux-fait-113-metre-de-hauteur_a374/1). Une bonne dose de gel coiffant, de longues années de patience pour permettre aux cheveux d’atteindre une longueur exceptionnelle... et voilà comment l’on entre, dans nos jours, dans le Guinness des records... Marie-Antoinette, ses plumes, ses Quès aco et ses poufs aux sentiments (https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/rose-bertin-une-marketeuse-avant-la-lettre-362/) paraissent bien sobres au regard des excentricités qui sont de mises aujourd’hui !

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour sa vision d'une certaine "folie capillaire"...

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