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Chez Françoise Sagan, le bonheur est dans la salle de bain

> 08 septembre 2019

Chez Françoise Sagan, le bonheur est dans la salle de bain

Lewis déboule dans la vie de Dorothy Seymour sous l'apparence d’un grand jeune homme, un peu trop pâle, venu percuter la jaguar dans laquelle elle se trouve avec son amoureux du moment, un certain Frank Saylor.1 Il est « trop lisse, trop mince, trop parfait ». Même pas de poils au menton ! Ce n’est pas vraiment le genre d’homme qui plaît à Dorothy. Une curieuse cohabitation va pourtant s’installer entre celle qui prend soin du jeune convalescent comme une mère et celui qui veille sur la quadragénaire comme un père. Au fil du temps, Lewis se fait de plus en plus protecteur et tel « Harry, l’ami qui vous veut du bien » aplanit, à sa manière, la vie de celle qu’il adore en éliminant - physiquement parlant - celles et ceux qui se mettent au travers de sa route.

Dorothy est une belle femme de 45 ans qui prend soin d’elle. Avant de partir en soirée, elle déclenche les grandes manœuvres, afin d’optimiser ses chances de séduction. « Je m’installai devant ma table de maquillage, sortis mes multiples pots de crème magique et commençai les opérations. » Elle n’oublie pas de maquiller ses cils avec un « rimmel » allongeant. Celui-ci ne tarde pourtant pas à « s’envoler », dès lors que son cœur chavire. Son mascara non waterproof ne résiste pas aux larmes. Pour faire comme tout le monde, Dorothy « se recoiffe et se repoudre toutes les 10 minutes » lorsqu’elle sort le soir... l’occasion d’échanger des confidences entre femmes.

Lewis a beau être un jeune homme proustien aux cheveux « de plumes » et à la peau de « tissu », ce n’est pas une comédie qu’il nous offre à voir dans ce roman, mais bien plutôt un drame. Acteur célèbre oscarisé, meurtier patenté, Lewis est un ami bien encombrant, une sorte de double inquiétant qui ne quittera plus Dorothy d’une semelle, même lorsque celle-ci épousera Frank. Désormais, Dorothy va vivre au jour le jour. « Evidemment, j’aurai sûrement du mal à empêcher Lewis de tuer des gens de temps en temps, mais avec un peu de surveillance et de chance... « on verrait bien ». Cette formule maudite me détendit, comme toujours, et je me dirigeai vers la salle de bains, en chantonnant. »

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour cette introduction inquiétante à souhait à la lecture de ce Sagan !

Bibliographie

1 Sagan F. Le garde du coeur in Françoise Sagan - Oeuvres, Collection bouquins, Robert Laffont, 2009, 1488 pages

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