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Chez Agatha Christie, le maquillage peut être généreux, libéral, lourd comme du plomb !

> 19 décembre 2020

Chez Agatha Christie, le maquillage peut être généreux, libéral, lourd comme du plomb !

Passez prendre le thé chez Miss Marple, Hercule Poirot ou Parker Pyne et vous pourrez être certain que cela constitue toujours un excellent moment.1 Il n’est pas très difficile d’obtenir d’eux des confidences sur des enquêtes rondement menées ou sur des affaires de cœur solutionnées avec maestria. A chaque enquête, sa référence cosmétique...

Miss Marple et une petite bonne trop maquillée, mais très utile pour mener à bien une enquête

Miss Marple adore par-dessus tout résoudre des énigmes ; elle dispose d’alliés pour parvenir à ses fins. Son ancienne bonne, Gladys, « une jeune femme à l’allure tapageuse et au maquillage généreux », lui sera ainsi bien utile lors d’une enquête où les valises s’échangent à plaisir.

Hercule Poirot, un détective qui aime l’ordre jusque dans l’alignement des tasses à café

Lors d’un week-end dans la station balnéaire de Brighton, Hercule Poirot se plaît à ranger « les tasses à café vides en un alignement impeccable », sur la table de l’hôtel Métropole. Son « sourire béat », une fois l’opération terminée, témoigne du plaisir qui découle de cet exercice. Une brave femme au physique très enrobé (pas un seul angle chez cette femme à la beauté opulente), Mrs Opalsen, va venir déranger cet état de parfait bonheur. Son collier de perles vient d’être volé. Tempête sur un visage ; Mrs Opalsen, qui ne lésine pas sur les produits de maquillage, se défait complètement, sous des torrents de larmes (« Ses larmes ravinant la couche de maquillage dont son visage était libéralement enduit »). Un maquillage non waterproof qui engendre une véritable catastrophe esthétique et cosmétique ! Un petit tour dans la chambre de la victime, un petit tour au niveau de sa coiffeuse (le tiroir où le collier a été rangé a été couvert de talc afin de lui permettre de s’ouvrir sans grincer) et l’énigme est résolue. Un petit chèque de remerciements viendra clore une enquête rondement menée.

Mr Parker Pyne, un marchand de bonheur qui joue les marieuses

Mr Parker Pyne est un marchand de bonheur, un vrai. Sa spécialité consiste à rafistoler les cœurs meurtris et à permettre des rapprochements entre des âmes qui se cherchent. Son esprit affuté lui permet de résoudre les énigmes les plus coriaces. Evan Llewellyn, un jeune homme au « visage bronzé », est-il soupçonné du vol d’un diamant splendide, Parker se met en quatre pour le disculper aux yeux de celle qui compte à ses yeux... Janet Rustington, une jeune femme, très soignée, « grande et belle », aimant les cosmétiques à la folie. Cette femme, pleine de classe, assortit toujours son maquillage à sa tenue. « Son vernis à ongles s’accordait subtilement au rouge sombre de ses boucles d’oreille ». Seul bémol à ce bel ensemble : une main un peu lourde en ce qui concerne le maquillage des yeux (« Ses cils alourdis de mascara »).

Les « messages publicitaires » de Parker Pyne vantent ses qualités de psychologue et sa capacité à venir à bout des situations les plus complexes. « Vous avez un problème ? Consultez Mr Parker Pyne. » Même en vacances, Mr Pyne n’est pas à l’abri d’une mission insolite. Aussi lorsque Mr Basil Chester lui demande de l’aide afin de faire agréer une fiancée, un peu trop moderne, par une mère, un peu trop vieux jeu, notre marchand de bonheur ne résiste-t-il pas à la tentation... Une petite mise en scène permettra au jeune homme de convoler en justes noces avec l’objet de ses désirs. La fiancée en question, Betty Gregg, use d’un rouge à lèvres tapageur ; très maquillée et court vêtue, Betty n’en fait qu’à sa tête ! Afin de mieux faire passer la pilule, Parker Pyne recrute une comédienne splendide, une jeune femme à la « beauté à couper le souffle ». « Lourdement maquillée d’ocre, les lèvres rouge - orangé, elle avait usé avec une telle science de ses onguents divers que sa beauté sauvage en était transcendée. » Les ongles de main et des orteils « laqués du même vert émeraude » révèlent un manque de goût évident ; l’effet n’en reste pas moins saisissant ! Miss Dolorès Ramona et Basil Chester jouent le jeu de l’amour fou ; Mrs Chester et Betty forment alors une coalition pour venir à bout de cette dangereuse prédatrice. Tout finira bien, rassurons-nous, pour Basil et Betty !

Chez Agatha Christie, la trousse de maquillage n’est jamais bien loin. Maquillage outrancier ou discret ; ongles laqués ou naturels, bouche sang ou simplement rosée, cils étoffés avec art ou outrageusement recouverts d’un rimmel épais... chaque femme se trahit, un peu, beaucoup... passionnément par ses cosmétiques de prédilection.

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour cette sympathique tea party !

Bibliographie

1 Christie A. Marple, Poirot, Pyne et les autres, Librairie des Champs-Elysées, 188 pages

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