> 02 octobre 2024
La poudre de riz, une poudre libre, qui s’utilise en nuage pour matifier les zones du visage qui brillent, constitue un cosmétique qui a été, longtemps, très populaire. Appliquée avec une houppette de diverses natures ou à l’aide d’un gros pinceau, cette poudre de riz a permis d’arborer un teint pâle ou judicieusement rosé, en fonction de l’attendu voulu. Cette poudre libre, dont la liberté-même est un inconvénient, est souvent remplacée, à l’heure actuelle, par une poudre pressée, présentant une meilleure capacité d’adhésion à la peau. Cette poudre pressée, qui convient à la femme pressée n’ayant pas le temps d’épousseter tous les grains de poudre présents alentour, se décline en toutes sortes de teintes, allant du plus clair au plus sombre, pour un effet bronzé sans danger (point d’UVB nécessaire dans ce cas).
En fouinant dans le grenier de la littérature médicale, nous avons trouvé dans un vieux tiroir, un curieux document qui veut faire la peau aux poudres de riz vendues par les coiffeurs, à la fin du XIXe siècle, en France (publication anglaise est-il bon de préciser). Il y est question de la composition de ces poudres de riz…
En fouinant sur la toile, nous avons retrouvé, bien évidemment, traces des poudres de Java et dermophile T-Leclerc… et forcément on s’est penchées sur leurs compositions.
A la fin du XIXe siècle, il est possible de trouver des publications scientifiques qui montrent à quel point les poudres de teint vendues par les coiffeurs parisiens ont de quoi faire dresser les cheveux sur la tête des médecins anglais qui n’en ratent pas une pour partir à l’assaut de l’industrie du « made in France ». C’est ainsi que le Dr William Murrell révèle que ces produits, souvent appelés poudres de riz, ne renferment pas que de la poudre de riz, voire, peu ou pas de poudre de riz. Une information qui, si elle venait à se savoir, nous glisse à l’oreille le pernicieux médecin, engendrerait indubitablement la chute des ventes des produits en question. En lieu et place de l’amidon de riz attendu, on peut trouver des sels de bismuth, de la calamine, de la craie, du carbonate de zinc… La célèbre poudre de Java est composée, les analyses nous le disent, de 75 % de zinc et de 25 % de bismuth. Enfin, deux échantillons sur huit contiennent du plomb (1 %) et à la surprise générale, un échantillon n’est composé que d’acide… boracique (autre nom de l’acide borique), ce qui fait froncer les sourcils de l’expérimentateur à qui l’on a confié ce qui était censé être une poudre de riz ! Pour ce médecin, l’acide borique est un principe actif destiné au traitement de l’épilepsie, engendrant comme effet indésirable, rougeur et desquamation cutanée, ce qui n’a rien de bien engageant d’un point de vue esthétique. On est d’accord avec lui et la réglementation aussi qui interdit cet agent antiseptique depuis quelques années.
Alors, forcément, ces compositions variées et hétéroclites font grincer les dents du Dr William qui rappelle qu’une intoxication au plomb par voie cutanée n’est pas une chimère.
Petit détail, ces poudres sont parfumées à la rose ou à la poudre d’iris… La présence de bismuth, traînant derrière lui une impureté à type de tellure, ne procure, quant à elle, aucune bonne odeur cosmétique, puisque cet élément confère à ce qu’il touche une odeur d’ail, fort peu sympathique.1
La célèbre poudre de Java, née en 1879,2 dont nous parlait le Dr Murrell, est toujours présente sur le marché. Composée majoritairement de mica, de silice et de dioxyde de titane, cette poudre libre, parfumée à la rose et teintée à l’oxyde de fer et à la carmine, renferme également du nitrure de bore à signaler.3 Le parfum est source de nombreux allergènes.
La non moins célèbre poudre dermophile T-Leclerc, née en 1881,4 existe, toujours, elle aussi. L’amidon de riz est bien présent, coincé entre le talc et l’oxyde de zinc. Des colorants permettent d’obtenir des teintes variées.
Des formules qui défrisent, dans la mesure où elles sont susceptibles d’envelopper la personne qui les utilise d’un nuage de particules, ce qui n’est souhaitable, ni dans le cas du talc (cet ingrédient présent à l’Annexe III du Règlement (CE) N°1223/2009 possède une réglementation particulière à visée des enfants « Tenir à l’écart du nez et de la bouche de l’enfant » extrapolable à l’adulte),5,6 ni dans le cas du dioxyde de titane (cet ingrédient se retrouve dans 3 annexes, l’annexe III n°321, l’annexe IV n°143 et l’annexe VI n°27 ; une réglementation qui fait un peu le grand écart et qui ne manque pas d’étonner).7 Pour le dioxyde de titane, cela vaut le coup de se pencher sur l’Annexe III qui mentionne le fait que cet ingrédient, dès lors qu’il contient plus de 1 % de particules dont la taille est inférieure ou égale à 10 microns, est limité à 25 % dans les produits pour le visage sous la forme de poudre libre, à 1,4 % dans les produits capillaires, sous forme d’aérosols (sprays) destinés au grand public, avec une valeur abaissée à 1,1 % pour un usage professionnel. En complément d’informations, il est précisé que, dans les produits destinés au visage et aux cheveux, seule la forme pigmentaire est autorisée, ce qui est en désaccord avec la mention présence de particules de taille inférieure à 10 microns (on ne précise pas à quel point la taille est « inférieure » à cette valeur). Enfin, stupeur, en constatant que pour les autres types de produits, aucun pourcentage limite n’est avancé, mais, qu’en revanche, on nous signale de « ne pas utiliser dans des applications pouvant conduire à l’exposition des poumons de l’utilisateur final par inhalation ». Curieuse réglementation, qui suppose qu’une poudre libre, appliquée au niveau du visage, risque moins d’être inhalée, qu’une poudre destinée à être appliquée au niveau des pieds. A méditer ! A améliorer !
Des formules qui défrisent du fait de la présence de silice,8 non réglementée, mais qu’il ne fait pourtant pas bon inhaler. Qui décoiffent du fait de la présence d’oxyde de zinc, un colorant qui ne doit « pas être utilisé dans les applications pouvant conduire à l’exposition des poumons de l’utilisateur final par inhalation » (l’Annexe IV renvoie à ce sujet le lecteur à l’Annexe VI).
Snif, snif… Il y a de quoi dire sur ces poudres libres contenant des particules dont la réglementation est particulièrement tarabiscotée. Par prudence, on préférera les poudres pressées, plus sûres d’emploi.
1 Murrell W. Report on an Examination of "Face Powders.". Br Med J. 1897 Mar 6;1(1888):602
2 https://bourjois.fr/products/poudre-de-riz-de-java-3052503612133
4 https://t-leclerc.com/fr/lamaison
5 https://ec.europa.eu/growth/tools-databases/cosing/details/38438
6 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:02009R1223-20230816
7 https://ec.europa.eu/growth/tools-databases/cosing/details/95641
8 https://ec.europa.eu/growth/tools-databases/cosing/details/78845
Poudre de riz Java Bourjois : MICA, SILICA, TALC, CI 77891 (TITANIUM DIOXIDE), BORON NITRIDE, CAPRYLYL GLYCOL, PHENOXYETHANOL, p-ANISIC ACID, CI 77491 (IRON OXIDES), PARFUM (FRAGRANCE), POTASSIUM SORBATE, HEXYLENE GLYCOL, ORYZA SATIVA (RICE) STARCH, CAPRYLIC/CAPRIC TRIGLYCERIDE, CI 77492 (IRON OXIDES), LAUROYL LYSINE, CI 75470 (CARMINE), HYDROXYCITRONELLAL, TIN OXIDE, CINNAMYL ALCOHOL, EUGENOL, BENZYL SALICYLATE, LINALOOL, EVERNIA PRUNASTRI EXTRACT, CITRONELLOL, GERANIOL, AMYL CINNAMAL, ALPHA-ISOMETHYL IONONE, HEXYL CINNAMAL, ROSE EXTRACT.
Poudre libre dermophile T-Leclerc : TALC, ORYZA SATIVA STARCH (ORYZA SATIVA (RICE) STARCH), ZINC OXIDE, PARFUM (FRAGRANCE), [+/-: CI 47005 (YELLOW 10 LAKE), CI 19140 (YELLOW 5 LAKE), CI 15850 (RED 6 LAKE), CI 42090 (BLUE 1 LAKE), CI 15985 (YELLOW 6 LAKE), CI 73360 (RED 30), CI 77288 (CHROMIUM OXIDE GREENS)].
Retour aux regards