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Centella asiatica : de la lèpre aux vergetures, un champ d’action considérable

> 02 août 2017

Centella asiatica : de la lèpre aux vergetures, un champ d’action considérable La petite plante de la famille des Apiacées qui porte le nom d’hydrocotyle (Centella asiatica) est une plante qui mérite que l’on s’attarde sur son cas. En effet, son histoire, comme vous allez le voir, ne manque pas d’intérêt…

Utilisée traditionnellement en Inde pour traiter la lèpre et la syphilis, cette plante est mise à l’honneur par des chercheurs français, les docteurs Grimès et Boiteau, à la fin des années 1930. Depuis 1937, ces deux médecins tentent de traiter la lèpre dans une léproserie d’Antananarivo. La tâche n’est pas aisée car la composition chimique des extraits n’est pas connue et la marge thérapeutique extrêmement faible. En 1938, Bontemps qui travaille au laboratoire de la léproserie réussit à isoler une molécule qu’il nomme asiaticoside. Ses collègues, Devanne et Razafimahery se chargeront d’étudier la nature chimique de la molécule purifiée. Les essais sur les patients vont pouvoir reprendre de plus belle, puisque l’on maitrise beaucoup mieux l’emploi d’une molécule que celui d’un extrait à la composition hasardeuse (Anonyme, Notes and News, The Lancet, 245, 6342, 17 1945, 357-358).

Durant la Seconde Guerre mondiale, l’activité thérapeutique de l’asiaticoside chez les patients atteints de tuberculose commence à faire un peu parler d’elle.

Boiteau et Saracino crient victoire rapidement (trop rapidement) et « démontrent » l’intérêt de l’asiaticoside dans le traitement de la lèpre et du lupus érythémateux chez l’homme, ainsi que dans le traitement de la tuberculose chez le cochon d’Inde. Les résultats des tests effectués dans la léproserie d’Antananarivo sont dits « remarquables », pour autant aucune valeur chiffrée ne vient étayer le propos. En revanche, en ce qui concerne la prise en charge des cas de lupus, il est fait mention de 8 cas cliniques. Les sujets ont reçu une injection intramusculaire d’asiaticoside. On constate une ré-épithélialisation des tissus au bout de 2 mois. Les effets indésirables constatés sont une baisse de la tension artérielle et un sentiment de lourdeur dans les membres. Si les uns sont sur le terrain, d’autres restent indéfectiblement dans leurs laboratoires. Ces derniers se penchent sur des tubes à essais et des boîtes de Pétri et sont nettement moins optimistes que leurs collègues. Ils constatent que l’effet de l’asiaticoside sur l’agent de la tuberculose, Mycobacterium tuberculosis, est très décevant (Anonyme, Asiaticoside in leprosery, The Lancet, 252, 6531, 1948, 697). De la même façon, l’éminent proto-zoologiste anglais Charles Morley Wenyon est très sceptique lorsqu’il entend ces rumeurs d’efficacité. Lorsqu’il rédige en 1945 un article sur les progrès réalisés en médecine tropicale en période de guerre, il ne peut pas passer sous silence les évènements dont les échos lui sont parvenus de Madagascar. Pour autant, il ne leur consacre que quelques lignes précisant que les résultats annoncés devront être confirmés scientifiquement (C.M. Wenyon, Tropical medicine in war and peace, Transactions of the Royal Society of Tropical Medicine and Hygiene, 39, 3, 1945, 177-194).

A partir de cette date, les travaux portant sur cette petite plante qui ne paie pas de mine ne vont plus cesser. Thiers (1957), Bourde (1963), Torre (1963), Lawrence (1967) plaident, respectivement, en faveur d’une activité sur la phase de bourgeonnement lors du processus de cicatrisation des ulcères cutanés, d’un effet bénéfique dans le traitement des ulcères de jambe, des plaies obstétricales du périnée et d’un effet sur le processus de kératinisation (J.C. Lawrence, The Effect of Asiaticoside on Guinea Pig Skin, Journal of Investigative Dermatology, 49, 1, 1967, 95-96).

En 1957, Thiers et Albert Rakoto Ratsimamanga mettent au point un médicament cicatrisant à base d’extrait de Centella asiatica. Celui-ci nommé Madecassol, en hommage à la terre de découverte de son principe actif, se présente sous différentes formes galéniques. Il s’agit d’une des rares spécialités médicamenteuses en renfermant, encore sur le marché, actuellement.

En 2017, l’intérêt pour la plante est toujours aussi vif. S’il l’on ne parle plus d’effet antituberculeux ou antilépreux, on dénombre toujours un grand nombre de publications (60 sur le site Sciencedirect) concernant les propriétés de cette plante.

L’extrait aqueux de Centella asiatica ne renferme pas que de l’asiaticoside (0,53 %) ; on retrouve également de l’acide chlorogénique (0,43 %), de l’acide isochlorogénique A (0,76 %), de l’acide 1,5 dicaffeoylquinique (0,4 1%) et du madecassoside (0,84 %) (Nora E. Gray, Jonathan A. Zweig, Charles Murchison, Maya Caruso, Donald G. Matthews, Colleen Kawamoto, Christopher J. Harris, Joseph F. Quinn, Amala Soumyanath, Centella asiatica attenuates Aβ-induced neurodegenerative spine loss and dendritic simplification, Neuroscience Letters, 646, 2017, 24-29). Une fraction méthanolique est, quant à elle, beaucoup plus riche en asiaticoside (2,4 %) (H.A. Azis, M. Taher, A.S. Ahmed, W.M.A.W. Sulaiman, D. Susanti, S.R. Chowdhury, Z.A. Zakaria, In vitro and In vivo wound healing studies of methanolic fraction of Centella asiatica extract, South African Journal of Botany, 108, 2017, 163-174)

Les publications les plus récentes confirment l’action cicatrisante de l’asiaticoside, en précisant toutefois que l’effet est dose-dépendant. Depuis 50 ans les chercheurs sont donc d’accord sur ce point.

Si la notion d’extrait titré est bien prise en compte dans le domaine pharmaceutique, il n’en est pas toujours de même dans le domaine cosmétique, ce qui ne permet pas de se faire une idée claire de l’efficacité des produits en contenant.

A défaut de statuer définitivement sur l’efficacité des cosmétiques en renfermant, continuons à détailler la liste des ingrédients associés afin de réaliser un choix éclairé.

Centella asiatica, une plante à suivre !!!


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