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Bouquet parfumé pour adolescent attardé !

> 29 janvier 2023

Bouquet parfumé pour adolescent attardé !

François Mauriac, une fois devenu l'écrivain parisien que l'on sait, laisse s’écailler « le vernis » qui le recouvre, pour retrouver le petit garçon bordelais qu’il fut.1 Comme dans un « terrain où des fouilles sont entreprises », le romancier descend au plus profond des strates de ses souvenirs, afin d’en extraire les parfums de sa jeunesse. Guidé par l’odeur du linoléum, celle de l’urine de cheval, des châtaignes grillées et des vacances landaises, il nous prend par la main et nous fait découvrir le temps où l’on se déplaçait aux pas des chevaux et où l’on vivait au rythme des saisons.

Les odeurs de la maison d’enfance, le meilleur parfum du monde !

La maison familiale, au centre de Bordeaux, est la maison du bonheur. Quittée tôt le matin, elle est retrouvée avec joie le soir, la journée d’école enfin achevée. « Dans l’escalier, une odeur de gaz et de linoléum me plaisait mieux qu’aucun parfum ; de marche en marche, je me rapprochais de mon bonheur, de mon amour, de ma mère, du livre interrompu, du long repas sous la lampe, de la prière récitée en commun, du sommeil. »

Les odeurs des rues bordelaises, le plus animal des parfums du monde !

Dans les rues de Bordeaux, à la fin du XIXe siècle, on se déplace encore - comme partout ailleurs - en voitures à cheval. Ceux-ci laissent sur leur passage des traces olfactives tenaces : « On rentrait dans les rues qui sentaient l’acide hippurique chaud. »

Les odeurs des rues bordelaises, le plus végétal des parfums du monde !

A la saison des châtaignes, des marchandes en font griller dans les rues. Ces châtaignes grillées donnent « à la brume une odeur d’anis ».

Les odeurs des vacances landaises, le parfum le plus solaire du monde

Une fois l’heure des vacances sonnée, voici la petite tribu qui emménage dans la propriété des Landes. Pas de station balnéaire à la mode, mais une antique demeure, entourée de bois de pins et de vignobles. Des étés écrasés de soleil, vrombissants du bruit des cigales. Des soirées rafraichissantes, avec des senteurs exacerbées durant la journée qui s’adoucissent le soir venu. « Cette haleine de menthe, d’herbes trempées d’eau, s’unissait à tout ce que la lande, délivrée du soleil, fournaise soudain refroidie, abandonne d’elle-même à la nuit : parfum de bruyère brûlée, de sable tiède et de résine, odeur délicieuse de ce pays couvert de cendres […] ».

Bordeaux ou l’adolescence, en bref

Dans ce court roman, François Mauriac se replonge et nous plonge (!) dans ses souvenirs olfactifs, afin de reconstituer une adolescence odorante. Les sens en éveil, celui qui reste un éternel adolescent redécouvre avec bonheur des senteurs à jamais fanées.

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour son illustration d'une adolescence bordelaise et parfumée.

Bibliographie

1 Mauriac F., Bordeaux ou l’adolescence, Les chefs-d’œuvre de François Mauriac, Cercle du bibliophile, Tome VIII, Grasset, 409 pages

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