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Bicarbonate de soude, le gentil désodorisant !

> 23 novembre 2020

Bicarbonate de soude, le gentil désodorisant !

Le bicarbonate de sodium ou bicarbonate de soude (NaHCO3) est l’ingrédient-chéri des amateurs de recettes maison. Ce petit génie domestique serait, en effet, capable de désodoriser toutes les surfaces, de « récupérer » un ustensile de cuisine oublié sur le feu, de nettoyer les bijoux, de blanchir le linge, de remplacer la levure chimique dans les préparations destinées à gonfler, de traiter les maux de gorge,1 de confectionner des cosmétiques aussi variés que les boules de bains ou les produits d’hygiène bucco-dentaire.2 Le dentifrice-maison sur base d’huile de coco (aspect peu réjouissant), le démaquillant (huiles végétales, eau, bicarbonate) à la stabilité plus qu’incertaine, le masque anti-points noirs (jus de citron, bicarbonate de sodium, huile essentielle d’arbre à thé) à la tolérance plus qu’incertaine, la pâte antipelliculaire (jus de citron, bicarbonate de sodium) (vous trouvez ça pratique pour faire un shampooing ?) font ainsi le bonheur des lectrices de magazine féminin éco-responsable (comme on les appelle aujourd’hui).3 L’inventaire européen n’est pas muet concernant cette matière première tant appréciée. « Abrasif, agent tampon, déodorant, hygiène bucco-dentaire, protecteur cutané », voici les fonctions et applications mentionnées. Mais qui se cache donc derrière les belles dents blanches de cet ingrédient qui veut s’immiscer dans chaque interstice de notre vie ?

Une action désodorisante au niveau axillaire... et pas que !

En 1946, le Dr Henderson, du service de dermatologie d’Oklahoma, décide de faire un bilan des ingrédients à disposition en matière de maitrise des odeurs corporelles, car il cherche à proposer à ses patients (aussi bien hommes que femmes) des solutions simples pour fleurer bon (ou ne pas fleurer du tout), tout au long de la journée. Sa préférence va vers les déodorants, plutôt que vers les anti-transpirants (et on ne saurait que lui donner raison !). Les sels métalliques (aluminium en tête) anti-transpirants, très populaires à l’époque, sont efficaces, mais irritants. Les antiseptiques (formol ou générateurs de formol, générateurs d’oxygène à type de peroxydes ou de perborates) sont incorporés dans des bases parfumées et permettent de limiter le développement des micro-organismes cutanés et donc de limiter les odeurs corporelles. Le menthol et le camphre, à caractère volatil, sont alors employés dans de rares cas ; on les considère comme des parfums dont la durée d’action est limitée. Le dermatologue averti constate, qu’en fin de journée, certains déodorants peu efficaces génèrent de drôles de fragrances, mêlant odeur de sueur et odeur de parfum bon marché. Un voisin et ami a constaté que le bicarbonate de sodium possédait des propriétés désodorisantes intéressantes, une fois placé au niveau des aisselles. Il avoue un an de tranquillité olfactive ! Par ailleurs, différents auteurs (il se compte sur les doigts de la main) ont montré l’intérêt d’associations diverses et variées (bicarbonate de sodium - perborate de sodium - glycérine – eau ou encore borax - carbonate de calcium - bicarbonate de soude) dans le contrôle des odeurs axillaires et des odeurs de pieds et ce dès 1936. Il n’en faut alors pas plus pour le Dr Henderson pour se lancer dans une étude clinique. Etudiants, membres de sa famille, amis (ils seront plus de 90 en tout) vont ainsi être recrutés pour constituer un échantillon de testeurs. En ce qui concerne les étudiants, 100 % seront satisfaits (63 étudiants étaient inclus dans l’étude), pour une durée d’emploi variant de 1 mois à 1 an. Dans 5 cas, des effets indésirables à type d’irritation légère ou de prurit sont rapportés. Un plaignant parle d’auréoles blanches observées sur une chemise marron. 67 % des étudiants ont adopté le geste « bicarbonate » du matin et affirment continuer à utiliser ce déodorant une fois l’étude terminée. Parmi la famille, les amis, les collègues dermatologues et leurs patients, un chant de louanges ! Aucune furonculose observée (le Dr Henderson craignait apparemment que les effets bactériostatiques du bicarbonate ne viennent troubler la paix régnant au niveau de la flore cutanée). Chez certains patients, on note toutefois une légère irritation, nécessitant de diluer le bicarbonate de sodium dans un excipient quelconque (ex : 1 % d’amidon de riz, 5 % d’oxyde de magnésium, 20 % de bicarbonate de sodium, 0,2 % d’huile essentielle de lavande et talc qsp 100 %). Enfin, le bicarbonate est sorti victorieux d’une épreuve redoutable : vaincre les odeurs de sueur nauséabonde de patients souffrant de bromhidrose. Mission accomplie.

D’un point de vue mécanisme d’action, le Dr Henderson évoque la réaction chimique entre bicarbonate de sodium et acides gras constitutifs de la sueur axillaire, avec production de sels d’acides gras, à « odeur douce ». Il considère également que le pouvoir alcalinisant du bicarbonate de sodium modifie la flore cutanée et diminue le nombre de bactéries susceptibles de transformer les triglycérides en acides gras volatils malodorants.4

Dans les années 1990, le bicarbonate de soude se loge dans les serviettes hygiéniques, afin de désodoriser le milieu considéré (aucun problème de tolérance n’est observé dans le cas de l’emploi de cet ingrédient).5

Une action blanchissante exploitable en matière d’hygiène bucco-dentaire

Un certain nombre de dentifrices « blancheur » contiennent du bicarbonate de sodium. Celui-ci est utilisé traditionnellement dans ce type de dentifrice, dans la mesure où son effet blanchissant (test de mise en évidence effectué à l’aide d’un colorimètre) est supérieur à celui observé avec des abrasifs tels que la silice ou le phosphate dicalcique. Utilisé à forte concentration (supérieure à 50 %, voire 67 %), on lui reconnaît, en outre, la capacité de réduire l’inflammation gingivale et de traiter les problèmes d’halitose. Ceci est en partie dû à un effet anti-plaque bien documenté. Son effet sur le pH de la cavité buccale permet également de réduire le phénomène d’attaque acide.6,7

Une action effervescente pour des bains réjouissants

L’association bicarbonate de soude-acide citrique est une association « détonante », qui produit du dioxyde de carbone. Pas d’explosion à proprement parler ! Une effervescence qui réjouit le corps (boules pour le bain) ou les pieds (galets de bain effervescents pour les pieds).8 Reste le ratio bicarbonate de sodium/acide citrique à définir avec soin afin d’obtenir l’effet escompté.9

Le bicarbonate de sodium, en bref

Un ingrédient qui ne figure dans aucune annexe réglementaire, mais est bien présent au niveau de l’inventaire européen. Un ingrédient qui a fait ses preuves en matière d’hygiène bucco-dentaire et de désodorisation. Un ingrédient retrouvé principalement dans des déodorants, des dentifrices. A laisser aux professionnels du domaine, pour une parfaite maîtrise, alliée à un confort d’utilisation que seule l’industrie et la patte du professionnel sont capables de fournir.

Bibliographie

1 https://astucesdegrandmere.net/bicarbonate-de-soude/

2 https://www.aroma-zone.com/info/fiche-technique/bicarbonate-de-soude-aroma-zone

https://www.marieclaire.fr/idees/diy-beaute-4-manieres-d-utiliser-le-bicarbonate-de-soude,1131869.asp

4 John Henderson Lamb, Sodium Bicarbonate: An Excellent Deodorant. Journal of Investigative Dermatology, 7, 3, 1946, 131 – 133

5 Wilhelm D, Elsner P, Pine HL, Maibach HI., Evaluation of vulvar irritancy potential of a menstrual pad containing sodium bicarbonate in short-term application. J Reprod Med., 1991, 36, 8, Pages 556-60

6 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/elgydium-vive-le-fluorinol-1188/

7 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/dentifrice-parodontax-le-dentifrice-qui-commande-aux-gencives-1204/

8 https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/les-galets-effervescents-au-bonheur-des-pieds-791

9 Zheng P, Wang WZ, Zhang P, Han J, Wu LZ.Zhong Yao Cai., Optimization of preparative technique for banxia-houpu effervescent tablets by orthogonal design, 2006, 29, 10, 1087-90

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