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Bébé Cadum, trois hommes pour un couffin

> 22 mai 2017

Bébé Cadum, trois hommes pour un couffin Claude Weill et François Bertin ont une jolie formule pour décrire la naissance du produit mythique qu’est le savon Cadum : « trois personnes se sont penchées sur le berceau de Bébé Cadum : Mickaël Winborn, Louis Nathan et Arsène-Marie Lefeuvre. » C’est à Paris, la ville-cosmétique où tout peut arriver que Mickaël (le bien né) a rendez-vous avec son destin. Avec une usine de produits chimiques à New York et comme c’est un précurseur dans le domaine publicitaire « de masse » (il est l’un des pionniers à recourir à l’utilisation de panneaux publicitaires XXL dans les rues), Mickaël, ne sait pas encore, que son passage à Paris, en 1907, va être le début d’une belle aventure cosmétique. Le point de départ n’a rien, pourtant, de bien cosmétique. Il s’agit d’un eczéma qui trouble la quiétude de notre riche industriel. Pas de souci, il y a dans le hall de l’hôtel Scribe (drôle d’endroit !) où il est descendu un brave apothicaire (il s’agit de Louis Nathan). Celui-ci propose à Mickaël une préparation à base d’huile de cade pour le soulager. Il n’y a rien de bien révolutionnaire à tout cela, l’huile de cade étant alors extrêmement populaire. La pommade de Louis Nathan fait merveille et Mickaël prend rapidement la décision de transposer cette découverte au domaine de l’hygiène. Le savon Cadum (ce nom est choisi car il est formulé à base d’huile de cade) est né (C. Weill et F. Bertin, bébé Cadum, revue d’histoire de la pharmacie, 91, 338, 2003, page 311). C’est là qu’intervient, le troisième protagoniste, Arsène-Marie Lefeuvre, un décorateur né à Sillé-le-Guillaume. Celui-ci est un peintre de facture classique qui possède plus d’une corde à son arc. Décorateur, architecte, il s’intéresse au monde de la publicité. Le point de convergence de nos trois hommes est le hall de l’hôtel Scribe. On sait déjà que le chimiste et le pharmacien s’y sont rencontrés. C’est le tour du décorateur, pinceau à la main et blouse sur le dos de croiser la fortune. Alors qu’il est là pour décorer le grand salon de l’hôtel parisien, Mickaël lui fait les yeux doux et lui parle produits de beauté. Il lui commande des publicités pour des dentifrices et onguents. En 1912, le peintre est inspiré par son fils (qui a alors 29 ans mais qui fut en son temps un beau bébé) ou plus exactement par un buste de son fils et par diverses photographies du bambin. Le bébé Cadum avec ses cheveux bouclés et son large sourire de bébé heureux commence sa carrière médiatique (https://tourisme.sille-le-guillaume.fr/je-visite/nos-personnages-illustres-1/ars%C3%A8ne-marie-lefeuvre/).

Qui dit Cadum dit huile de cade. Les goudrons sont des mélanges complexes obtenus par chauffage à haute température de matières combustibles présentes dans la nature. Différents gaz ainsi qu'un liquide insoluble dans l’eau de couleur sombre et d’odeur forte et aromatique sont produits. Selon l’élément porté à combustion, on distinguera trois types de goudrons, les goudrons végétaux (obtenus par chauffage du bois de certaines espèces d’arbres), le goudron de houille ou coaltar (obtenu par pyrolyse de la houille) et les goudrons sédimentaires (obtenus par distillation sèche d’une roche bitumeuse). Le goudron de houille également appelé par son nom anglais coaltar n’est plus d’actualité en cosmétologie. Les hydrocarbures aromatiques polycycliques (Benzo (a) pyrène, phenanthrène, naphthalène, chrysène…) qui le composent étant cancérigènes, son emploi est interdit en cosmétologie depuis que ce fait est établi c'est-à-dire depuis une vingtaine d’années.

L’huile de cade (de nom INCI : Juniperus oxycedrus wood tar) obtenue par distillation destructrice de bois coupés de genévrier cade (Juniperus oxycedrus) est certainement le goudron végétal le plus connu. On lui reconnait des propriétés kératolytiques et antiprurigineuses qui ont justifié son emploi pour le traitement d’un certain nombre de dermatoses dites cornées. Actuellement l’huile de cadre n’est plus retrouvée que dans quelques shampooings antipelliculaires (C. Couteau & L. Coiffard ; Dictionnaire égoïste des cosmétiques, Edilivre, 2016, 246 pages). Elle s’est retirée discrètement (et c’est très bien des cosmétiques Cadum).

« Le savon Cadum est aussi nécessaire à votre propreté et à votre santé que la nourriture à votre corps » peut-on lire entre les taches d’encre sur les buvards des écoliers. A l’école, dans la rue, dans les magasins, ce bébé jovial sourit en permanence. On ne peut pas sortir dans la rue sans tomber sur un encart publicitaire, celui-ci étant bien souvent peint directement sur le mur. Dans le film « Entracte » de René Clair sorti sur les écrans en 1922, une publicité pour le savon Cadum apparait furtivement alors qu’un corbillard dévale une rue (la pancarte est filmée sous un angle original puisque le cinéaste se place à l’intérieur du corbillard) (T. Lefebvre, C. Raynal, Iconographie de Cadum, revue d’histoire de la pharmacie, 91, 338, 2003, pages 312 - 1313). On dirait aujourd’hui qu’il s’agit d’un placement de produit.

Bébé Cadum n’est pas le premier bébé à s’afficher sur les publicités. En 1906, Blédine se présente comme une « seconde maman ». Il s’agit d’une des premières bouillies céréalières. Bébé et maman partagent l’affiche. En 1910, la farine sucrée lactée Nestlé (aliment complet pour les enfants) met en scène un bébé qui se régale un doigt dans la bouche devant une assiette remplie de la fameuse farine. Qu’a donc de plus ce bébé bien nourri ? Il a, comme nous l’avons déjà dit, la capacité de jouer à cache-cache dans les rues des villes françaises. La persistance de son image sur la rétine dure longtemps… très longtemps. Trop longtemps au goût de certain. Tel Robert Desnos qui relève la tête pour contempler « Du haut d’un immeuble, Bébé Cadum magnifiquement éclairé, (qui) annonce des temps nouveaux » (La Liberté ou l'amour (1927)). Ces temps nouveaux ne sont visiblement pas ceux que souhaite l’écrivain surréaliste.

En 1925, il n’y a pas que le bébé qui s’appelle Cadum. Il y a également le pur-sang du baron Edouard de Rothschild. Celui-ci gagne le grand prix de Saint Cloud (http://galop.courses-france.com/plat/grand-prix-de-saint-cloud-1920-1949.turf). Il semblerait que Cadum est une chance éhontée.

1934. Alors que l’on est habitué à côtoyer, sur les publicités, un beau bébé joufflu souriant et épanoui, le vermifuge Lune prend le contre-pied et nous fait voir un bébé qui pleure. Il n’est visiblement pas très à l’aise. Armand Salacrou qui détient le brevet du vermifuge Lune mis au point par son père est un homme aux multiples facettes. Il est tour à tour auteur de pièces de théâtre, publiciste... En 1950, dans la pièce « Poof », il met en scène un jeune publiciste qui se dit capable de « faire vendre du savon simplement en photographiant trois bébés nus. » (T. Lefebvre, La mort parfumée des poux. Petite archéologie de la publicité pharmaceutique radiophonique (Suivi d'un Historique des spécialités de C. et A. Salacrou, revue d’histoire de la pharmacie, 90, 336, pages 647 - 665) ; Tiens, cela nous dit vaguement quelque chose. Trois bébés nus qui dit mieux ? Cinq assurément !

Les quintuplées Dionne nées en 1934 au Canada se mettent sur les rangs. Ce n’est pas tous les jours que l’on croise des quintuplés à cette époque. Elles vont devenir les égéries Palmolive (pour le dentifrice - brossage de dents en série, pour le bain – bain collectif, bien évidemment).

Le destin de Palmolive et celui de Cadum se croisent, mariage, divorce…

Lorsque l’on sait que le bébé Cadum a fait son entrée dans Le Petit Robert de la langue française (Un bébé cadum (du n. d'une marque de savonnettes) : un enfant rose et rond) on comprend à quel point le joyeux bambin est entré de plain-pied dans la vie des Français.

Il ne désigne pas seulement des enfants en bonne santé mais également toute personne que l’on souhaite brocarder. Jacques Séguéla publiciste et conseiller en communication d’un certain nombre d’hommes politiques n’hésite pas utiliser l’expression : « Emmanuel Macron est le bébé Cadum de la politique ». Macron est, pourtant, le candidat avec lequel il aimerait travailler. « Il est le fils adultérin de Nicolas Sarkozy et de Ségolène Royal, mes deux amours d'antan dans le même homme. » (http://www.leparisien.fr). Le bébé Cadum et sa belle candeur peut constituer un hommage pour certains.

Si l’on détaille la composition des produits d’hygiène Cadum, on trouve un gel douceur (extrait de fraises ou huile d’amandes douces) pas vraiment doux (puisque le tensioactif majoritaire de la formule est le laureth sulfate de sodium), une crème lavante au miel qui ne s’annonce pas douce mais qui l’est plus que les gels le revendiquant, une eau nettoyante conservé à l’aide de chlorhexidine (conservateur qui commence à être très utilisé et qui est susceptible de déclencher des allergies), un gel sans savon douceur qui contient du laureth sulfate de sodium (tensioactif pas vraiment doux).

Un lait de toilette nettoyant qui tire son épingle du jeu. Un tensioactif doux (glyceryl stearate citrate), des corps gras (huile de tournesol, beurre de karité, huile d’amandes douces), de l’aloe vera forment une formule intéressante. La mention « sans paraben » est de trop, à notre goût, ces conservateurs étant parfaitement sûrs. De la même façon, la mention « hydratant » est de trop. Ce n’est bien sûr pas le seul produit rincé affichant un effet hydratant, nous faisons la remarque qui s’impose : un effet hydratant optimal ne pourra être observé qu’avec un produit qui reste au contact de la peau (donc qui n’est pas rincé) !!!

Gel douceur corps & cheveux extrait de fraises bio ultra-démêlant (je ne suis plus un bébé Cadum) : aqua, sodium laureth sulfate, PEG-200 hydrogenated glyceryl palmate, polysorbate-20, glycerin, coco-betaine, sodium chloride, PEG-7 glyceryl cocoate, PEG-60 hydrogenated castor oil, PPG-5 ceteth-20, parfum, fragaria vesca extract, strawbery fruit extract, sodium benzoate, sodium hydroxide, citric acid, polysorbate-21, polyquaternium-10.

Gel douceur corps & cheveux huile d’amandes douces bio ultra-démêlant : aqua, sodium laureth sulfate, PEG-200 hydrogenated glyceryl palmate, polysorbate-20, glycerin, coco-betaine, sodium chloride, PEG-7 glyceryl cocoate, PPG-5 ceteth-20, parfum, sodium benzoate, sodium hydroxide, prunus amygdalus dulcis oil, styrene/acrylates copolymer, citric acid, polysorbate-21, polyquaternium-10.

Crème lavante protectrice bain & douche Merveille de miel (sans paraben) : aqua, sucrose, sodium laureth sulfate, glycerin, coco-betaine, sodium chloride, mel, PPG-5-ceteth-20, parfum, sodium benzoate, sodium hydroxide, styrene/acrylates copolymer, citric acid, polysorbate-20.

Eau nettoyante douceur sans rinçage à l’amande douce bio : aqua, glycerin, PEG-8, chlorhexidine digluconate, citric acid, PEG-60 hydrogenated castor oil, potassium hydroxide, prunus amygdalus dulcis oil, tetrasodium glutamate diacetate, parfum.

Gel sans savon douceur corps & cheveux à l’huile d’amandes douce bio : aqua, sucrose, sodium laureth sulfate, glycerin, coco betaine, sodium chloride, PPG-5-ceteth-20, parfum, sodium benzoate, sodium hydroxide, prunus amygdalus dulcis oil, citric acid, polysorbate-20.

Lait de toilette nettoyant et hydratant huile d’amandes douce bio (sans paraben) : aqua, glyceryl stearate citrate, caprylic/capric triglyceride, helianthus annuus seed oil, cetearyl alcohol, aloe barbadensis leaf juice, butyrospermum parkii butter, bisabolol, prunus amygdalus dulcis oil, tocopherol, xanthan gum, parfum, sodium benzoate, dehydroacetic acid, limonene, linalool, citral.

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