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Bathing or not bathing ?

> 11 décembre 2019

Bathing or not bathing ?

Dans le cadre de la prise en charge des sujets atteints d’eczéma (dermatite atopique - DA), il est important de préciser que les pratiques d’hygiène sont des éléments importants. Selon les publications consultées, les conseils apportés seront plus ou moins pertinents. Une publication japonaise de 2017 encourage à se laver (c’est bien), mais sans toutefois préciser le type de produits recommandés (c’est dommage). L’accent est mis sur la douche et le bain qui sont nécessaires pour éliminer les allergènes et polluants divers déposés à la surface de la peau ; il est également important de bien rincer la peau afin d’éviter de laisser des résidus « de shampooings ou de savon » au niveau cutané.1

Alors, le bain, hydratant ou déshydratant ?

La pratique du bain est considérée, de manière générale, comme favorable à la déshydratation cutanée. De ce fait, on conseille, dans le cadre de la DA, des bains de courte durée, suivis de l’application d’une crème barrière à caractère émollient.

Le bain, une pratique à réaliser montre en main…

Dans la littérature scientifique, on trouve de tout, vraiment de tout et le contraire de tout. En fonction des modes, en fonction des époques, les avis divergent. Au XIXe siècle, le dermatologue Ernest Besnier n’autorise la réalisation du bain chez le patient atopique que si celui-ci accepte de suivre un protocole bien précis : « Au début, la température doit être basse, de 32°C à 35°C, puis progressivement élevée à 35°C et réduite au niveau initial avant la fin du bain. Le premier bain doit être très court, dix à quinze minutes suffisent. Par la suite on peut augmenter la durée du bain, en gardant à l’esprit qu’une demi-heure suffit pour obtenir un effet sédatif. ». Au début du XXe siècle, la pensée de Raymond Sabouraud peut être résumée de façon lapidaire par la formule suivante : « ni eau ni savon. Le lavage doit être fait avec de l'huile » !2 En matière de bain, on distingue les adeptes qui ne jurent que par lui : « L'hydratation est essentielle au traitement de la dermatite atopique. Une hydratation adéquate consiste à augmenter la teneur en eau de la peau au moyen de bains et d’appliquer une barrière hydrophobe pour empêcher l’évaporation. Se baigner pendant 15 à 20 minutes deux fois par jour est suffisant, mais il faut éviter l'eau chaude. »3 Un patient “éponge” qui capte l’eau du bain nous est ainsi présenté. Ce même patient qui boit l’eau par tous les pores de la peau se voit recommander, par Kanwaljit K. Brar, un temps de « trempage » dans de l’eau tiède de 10 à 15 minutes, suivi d’un temps de crémage, dans les 2 à 3 minutes qui suivent la sortie du bain (Technique « Soak & Seal).4 Une publication américaine, datant de 2018, signale, en revanche, que « des bains fréquents peuvent irriter et assécher la peau, en particulier si on utilise du savon noir et si les émollients ne sont pas appliqués immédiatement après. L'eau chaude et un bain prolongé peuvent également assécher la peau. L'eau du bain doit donc être froide ou tiède et la durée des bains doit être limitée à 5 - 10 minutes.5

Des cosmétiques dans l’eau du bain ?

Du fait de l’absence de preuve de l’efficacité des produits destinés à être versés dans l’eau du bain, l’Académie américaine de dermatologie ne recommande pas l’ajout d’huiles, d’émollients ou de cosmétiques divers et variés à l’eau de bain.5 On trouve pourtant des travaux qui montrent l’intérêt d’ajouter une huile de bain dans l’eau. C’est le cas par exemple d’une étude berlinoise publiée en 2017. L’huile de bain utilisée comportait 85 % d’huile de soja et permettait de limiter la perte en eau transépidermique (PIE) chez les volontaires recrutés.6

Et pour se laver, savons, syndets ou huiles nettoyantes ?

Concernant les produits d’hygiène, il conviendra de fuir le savon et de préférer les syndets à pH légèrement acide, sans parfum.7 Des chercheurs taïwanais, pleins de bon sens, nous disent d’oublier les gels douche « fantaisie », riches en parfum et en alcool.8 Des Anglais, assez originaux, plaident en faveur de bains salés.9 Une société française, la société Expanscience démontrait, quant à elle, il y a de cela plus de 10 ans, l’intérêt d’utiliser une huile lavante, soit directement sur la peau, soit versée dans l’eau du bain chez le jeune patient atopique, afin d’exercer un effet apaisant.10 Ce concept nouveau (hum… hum… et que disait donc Raymond Sabouraud en 1906 ?) va faire tache d’huile (c’est logique !) et chaque laboratoire cosmétique va concocter, avec soin, une huile lavante à sa façon !

Alors, réalisation de bain oui ou non ? Oui, en limitant la durée de celui-ci et en veillant à ne pas utiliser une eau trop chaude.

Alors, savon, syndet ou huile lavante ? Savon, certainement pas. Syndet, pourquoi pas, en vérifiant toutefois que les tensioactifs choisis sont vraiment doux. Huile lavante ? Le concept est séduisant. Reste à voir ce qui se cache sous cette appellation…

Bibliographie

1 Ichiro Katayama, Michiko Aihara, Yukihiro Ohya, Hidehisa Saeki, The Japanese Society of Allergology, Japanese guidelines for atopic dermatitis 2017, Allergology International, 66, 2, 2017, Pages 230-247

2 Gérard Tilles, Daniel Wallach, Alain Taïeb, Topical therapy of atopic dermatitis: Controversies from Hippocrates to topical immunomodulators, Journal of the American Academy of Dermatology, 56, 2, 2007, Pages 295-301

3 Leonard Kristal, Peter A. Klein, Atopic dermatitis in infants and children : an update, Pediatric Clinics of North America, 47, 4, 2000, Pages 877-895

4 Kanwaljit K. Brar, Noreen H. Nicol, Mark Boguniewicz, Strategies for Successful Management of Severe Atopic Dermatitis, The Journal of Allergy and Clinical Immunology: In Practice, 7, 1, 2019, Pages 1-16

5 Kammi Yap Sayaseng, Peggy Vernon, Pathophysiology and Management of Mild to Moderate Pediatric Atopic Dermatitis, Journal of Pediatric Health Care, 32, 2, 2018, Pages s2-s12

6 Jan Kottner, Varvara Kanti, Gabor Dobos, Elisabeth Hahnel, Ulrike Blume-Peytavi, The effectiveness of using a bathoil to reduce signs of dry skin: A randomized controlled pragmatic study, International Journal of Nursing Studies, 65, 2017, Pages 17-24

7 Lawrence F. Eichenfield, Wynnis L. Tom, Timothy G. Berger, Alfons Krol, Robert Sidbury, Guidelines of care for the management of atopic dermatitis: Section 2. Management and treatment of atopic dermatitis with topical therapies, Journal of the American Academy of Dermatology, 71, 1, 2014, Pages 116-132

8 I-Jen Wang, Jiu-Yao Wang, Kuo-Wei Yeh, Childhood Atopic Dermatitis in Taiwan, Pediatrics & Neonatology, 57, 2, 2016, Pages 89-96

9 Nomathamsanqa Mathe, Annette Loffeld, The management of eczema in children, Paediatrics and Child Health, 29, 2, 2019, Pages 52-58

10 Philippe Msika, Nathalie Piccardi, Jean Christophe Choulot, Bernard Chadoutaud, Washing oil: A new concept in the management of atopic dermatitis, Journal of the American Academy of Dermatology, 52, 3, Supplement, 2005, Page p75

 

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