> 23 février 2022
De l’eau solide... de l’eau gélifiée par un polymère afin de réaliser une irrigation des cultures économe en eau.1 De l’eau gélifiée, pour faciliter l’hydratation chez les personnes souffrant de troubles de la déglutition ou l’apport hydrique chez le sportif.2,3
Des cosmétiques renfermant de l’eau, des gels, des émulsions, des solutions, pour se laver, s’hydrater, protéger sa peau, se maquiller...
Des cosmétiques sans eau, des cosmétiques dits « solides » afin de réduire la consommation en eau, côté industriel tout du moins.
L’eau sous forme de glace, de vapeur ou liquide fait partie de notre vie quotidienne. Il semble de bon ton, aujourd’hui, de l’évacuer des cosmétiques. Il en découle une pluie... de cosmétiques solides qui nous tombent dessus, en avalanche.
Les cosmétiques solides existent depuis longtemps, depuis que le savon existe, c’est vous dire ! Avec les syndets (ou pain dermatologique ou savon sans « savon »), mis sur le marché au milieu du XXe siècle, on reste dans le domaine solide, la douceur en plus (si les tensioactifs choisis sont doux, cela va sans dire).
A la course aux cosmétiques solides, les laboratoires Uriage répondent avec la « 1ère crème lavante solide ». De quoi nous intriguer... Avant de décrypter cette formule maligne présentée avec une petite ficelle qui permet à ce petit cube de toujours rester à portée de main, sans fuir au fond de la baignoire ou au coin de la douche, un petit rappel galénique est sans doute nécessaire. Rappelons donc qu’une crème est une émulsion, renfermant des corps gras, de l’eau et des tensioactifs. Une forme plus ou moins fluide, selon les ingrédients utilisés, faut-il préciser.
Dans la 1ère crème lavante solide Uriage que trouve-t-on ? Du savon ou plutôt des savons, obtenus par réaction de la soude sur de l’huile d’olive (sodium olivate), sur de l’huile de coco (sodium cocoate), sur un acide gras bien représenté dans le suif, l’acide stéarique (sodium stearate). De la glycérine,4 un humectant bien sous tous rapports, destiné à retenir l’eau dans la formule et à éviter au savon de craqueler méchamment en vieillissant. De l’eau. Du parfum. Des agents surgraissants (beurre de karité, huile de coco)5,6 permettant de qualifier ce produit de savon « surgras ». Du chlorure de sodium, adjuvant fétiche du savonnier. Une larme de tensioactif de synthèse (sodium lauroyl glutamate), afin de donner un petit côté « moderne » à un savon de pure tradition savonnière. Un agent séquestrant (tetrasodium glutamate diacetate) permettant de préserver la peau du bébé du calcaire contenu dans l’eau du bain. Un adaptateur de pH, l’acide citrique,7 un peu perdu dans cette mer d’ingrédients alcalins. Enfin, un extrait de fleur, de feuille, de tige d’edelweiss, histoire de nous emmener respirer le bon air des montagnes. Cet ingrédient est connu de l’inventaire européen en tant qu’agent « astringent et conditionneur cutané ».8 Une petite recherche bibliographique concernant l’edelweiss nous livre des résultats obtenus en matière d’effet anti-âge (peut-être un peu trop précoce lorsque l’on s’adresse à une population de poupons)9 et un effet apaisant (ce qui est assez fréquent et logique lorsque l’on cible les bébés).10
Au pays de l’eau solide (gare à l’arrosage, gare aux retombées !), la première crème lavante Uriage est reine ! Mais au fait, cette crème est-elle vraiment une crème, c’est-à-dire une émulsion renfermant des corps gras (oui ils y sont), des tensioactifs (oui ils y sont) et de l’eau (oui elle y est) ? Tous les ingrédients sont donc bien réunis... et pourtant il y a un hic... un hic en matière de proportions. Trop de tensioactifs, pas assez d’eau et de corps gras.
Dans le monde d’avant... ce type de produit s’appelait sobrement un « savon surgras ». Il s’affichait aux côtés de bébés joufflus et de mamans comblées. Désormais, parce qu’il est indispensable de se démarquer de la concurrence, on regarde la galénique de travers et on lui tort le cou. Résultat le savon est rebaptisé « crème », histoire d’avoir l’air plus doux, plus adapté à la peau délicate du bébé.
Est-ce la crème des produits d’hygiène bébé ? Pour l’application Yuka, c’est certain, on ne fait pas mieux (avec une note de 100/100). Pour nous, en revanche, on trouvera mieux sur le marché et ce, aussi bien sous forme solide, que sous forme liquide.
1 https://www.parismatch.com/Actu/Sciences/Un-chimiste-a-invente-l-eau-solide-905295
2 https://shop.nutrisens.com/fr/19-eaux-gelifiees
3 Swala crée la bille d’eau comestible qui révolutionne la nutrition sportive (culture-nutrition.com)
8 https://ec.europa.eu/growth/tools-databases/cosing/index.cfm?fuseaction=search.details_v2&id=84232
9 Cho WK, Kim HI, Kim SY, Seo HH, Song J, Kim J, Shin DS, Jo Y, Choi H, Lee JH, Moh SH. Anti-Aging Effects of Leontopodium alpinum (Edelweiss) Callus Culture Extract Through Transcriptome Profiling. Genes (Basel). 2020 Feb 21;11(2):230
10 Daniela L, Alla P, Maurelli R, Elena D, Giovanna P, Vladimir K, Roberto DT, Chiara de L, Saveria P, Liudmila K. Anti-inflammatory effects of concentrated ethanol extracts of Edelweiss (Leontopodium alpinum Cass.) callus cultures towards human keratinocytes and endothelial cells. Mediators Inflamm. 2012;2012:498373
1ère crème lavante solide Uriage bébé : SODIUM OLIVATE - SODIUM COCOATE - SODIUM STEARATE - AQUA (WATER, EAU) - GLYCERIN - PARFUM (FRAGRANCE) -BUTYROSPERMUM PARKII (SHEA) BUTTER - COCOS NUCIFERA (COCONUT) OIL - SODIUM CHLORIDE - SODIUM LAUROYL GLUTAMATE - TETRASODIUM GLUTAMATE DIACETATE - LEONTOPODIUM ALPINUM FLOWER/LEAF EXTRACT - CITRIC ACID