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Argument cosmétique en faveur de la lecture

> 09 juillet 2020

Argument cosmétique en faveur de la lecture

Enfilons notre blouse et nos sabots pour suivre les premiers pas dans la vie de Gaspard (14 ans) et de Lucas Thomas (12 ans).1 Ces deux enfants ont des tempéraments très différents ; Lucas aime par-dessus tout travailler aux champs et dépenser son énergie en tâches manuelles. Il sait reconnaître une bonne vache laitière comme pas un. Gaspard est tout le contraire de son frère ; il n’est bien que le nez dans les livres. Le père Thomas, quant à lui, est un peu rustre. Il accuse, tour à tour, l’un et l’autre de ses deux fils, d’être fainéant à l’ouvrage ou fainéant à l’école.

Gaspard, le meilleur élève de l’école du village, est incompris des siens. Sa vie, il ne la voit pas dans une cour de ferme, mais dans une usine, en meneur d’hommes.

Chaque année, deux industriels de la région, M. Féréor et M. Frölichein, viennent demander au père Thomas de leur céder son fils pour le former et le faire travailler dans leurs usines. Ce n’est que lorsque Gaspard atteint ses 16 ans que le père Thomas cède enfin. C’est M. Féréor qui décroche le gros lot !

Des enfants menés à la baguette pour apprendre à lire

A l’école du village, les 60 élèves sont réunis dans une même classe. Les plus grands font répéter l’alphabet aux plus petits. Le maître possède une longue gaule pour taper sur la tête des enfants. Notre grand-père, Camille Coiffard, aimait à se rappeler un épisode de son enfance assez similaire ; ayant reçu un sérieux coup de gaule sur la tête, il était revenu chez lui tout étourdi. Sa mère, mise au courant de la situation, avait foncé à l’école se plaindre à l’instituteur à la main trop leste. Le bon élève (car effectivement c’en était un) n’avait plus reçu aucun coup par la suite.

Un macérat huileux de millepertuis, pour convaincre de l’utilité de savoir lire

Henri, l’un des camarades de Lucas, lui montre tout l’intérêt de la lecture. C’est dans le journal « La revue de la Presse » qu’Henri a trouvé le mode de fabrication de la recette de l’huile de millepertuis ; il s’agit de faire macérer des fleurs dans de l’huile (« C’est la gaspiller » dit Lucas). « Quand les fleurs ont bien trempé au soleil pendant un mois, l’huile devient toute rouge ; on en met sur des coupures, des plaies, et ça guérit tout de suite. » Après ces explications, Lucas commence à comprendre l’intérêt de savoir lire.

Des produits chimiques pour laver le cuivre et le zinc

M. Féréor va devenir le patron, puis le père adoptif de Gaspard. C'est un homme dur au travail, mais Gaspard a su attendrir son coeur et se l'attacher (d'abord par intérêt, puis par un mouvement plus naturel). Tous deux ont mis au point un procédé chimique qui permet de transformer le cuivre et le zinc, en belles plaques pleines de souplesse. "C'est qu'il a fait une belle découverte, avec ses drogues dans lesquelles il lave son cuivre et son zinc... Fameuse lessive !"

Du savon pour se laver les mains

M. Frölichein n'a pas baissé la garde : s'il n'est pas parvenu à récupérer Gaspard comme employé, il va arriver, par la contrainte, à faire de lui son gendre. Cette contrainte est toutefois bien douce lorsque l'on sait que Mina est une jeune fille de 16 ans, pleine de charme. Blonde, aux yeux bleus et au teint éclatant ("la blancheur et la fraîcheur de son teint"), Mina est aussi belle qu'elle est bonne. Elle est aussi à l'aise dans un château que dans une ferme et elle n'hésite pas à prendre le fer à repasser des mains de la mère Thomas pour l'aider. Elle a juste besoin d'un petit bout de savon, en fin de journée, pour se nettoyer les mains. "A présent, ma mère, je vais faire un peu la princesse et je vous demanderais un morceau de savon pour me laver les mains afin de ne pas trop dégoûter Gaspard et mon père".

Un peu d’eau et une saignée en cas d’apoplexie

Lorsque le père Thomas apprend, de la bouche même de son fils, l’étendue de la fortune de ce dernier, il est foudroyé par une crise d’apoplexie. Ni l’eau fraîche appliquée sur le front, la nuque et les tempes, ni la saignée (« le sang ne coule pas ») pratiquée par le médecin ne pourront faire revenir à la vie le pauvre homme.

Dans ce roman burlesque (l’accent de M. Frölichein est exécrable !) la comtesse de Ségur montre, une fois de plus, qu’il n’est pas facile d’être parent. Le père biologique est ici est un mauvais éducateur, qui ne sait pas ce qu’il veut et rudoie tour à tour ses deux fils, pour des raisons opposées. Le père adoptif, M. Féréor, quant à lui, n’est guère mieux. Pourtant, au fil du temps, il apprécie de se confier à quelqu’un et se rend compte que le vide de sa vie est désormais comblé.

Pour donner goût à la lecture ce petit ouvrage est parfait !

Bibliographie

1 Comtesse de Ségur, La fortune de Gaspard, Casterman, 1982, 189 pages

 

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