> 12 novembre 2024
On le sait, il existe toujours des différences entre la théorie et la pratique. On le sait, il existe un sport national qui consiste à lire un texte réglementaire et à chercher, au plus vite, les moyens de le contourner, de l’apprivoiser, de le tourner et de le retourner dans tous les sens, afin de lui faire dire ce qu’il ne dit pas et afin de faire taire les paragraphes qui gênent le plus en matière de communication débridée.
On le sait que les cosmétiques émollients sont des alliés de choix en matière d’accompagnement des sujets atteints de différentes pathologies, en particulier les sujets atopiques.1
Toutefois, il est important de bien faire la distinction entre un médicament qui est destiné à traiter une pathologie et un cosmétique qui permet de se laver, d’hydrater sa peau, de se maquiller, en toute sécurité.
Il existe de nombreux exemples de sociétés qui semblent ignorer la réglementation. Le laboratoire Altheys, qui met sur le marché les produits Zematopic, est de ceux-ci. Une mise au point s’avère donc nécessaire.
On n’invente rien. Sur le site de la gamme, au niveau de la barre de recherche, on trouve différents items dont « soigner l’eczéma » ; celui-ci voisine avec « étude clinique » et « pharmacies partenaires » !
Bon, les choses sont claires et nettes. On nous parle, ici, d’un médicament. Un médicament qui traite l’eczéma et qui porte le nom de « Zematopic » et se décline en une version visage et en une version corps. Deux produits présentés comme étant « sans cortisone ».
Non, pourtant, ces produits ne sont pas des médicaments. Ils ne sont pas remboursés par la sécurité sociale, mais ils sont remboursés si la personne qui en a fait l’acquisition n’est pas satisfaite des résultats obtenus après 7 jour d’essai. On sort de l’officine (aucun pharmacien ne se risquera à vous dire qu’il vous rembourse votre traitement médicamenteux si vous n’en êtes pas pleinement satisfait au bout de 7 jours !) et on entre de plain-pied sur la place du village où se tient le marché hebdomadaire. Là des bonimenteurs vous y vendent tout et le reste, vous promettant monts et merveilles, remboursés sur factures en cas d’insatisfaction notoire !
Zematopic crème bébé eczéma peut, nous dit-on, être utilisée dès la naissance et peut être appliquée sur toutes les zones de peau, depuis le cuir chevelu (action sur les croûtes de lait), jusqu’au siège (action sur l’érythème fessier), en passant par le visage et le reste du corps (action anti-eczéma).
La crème en question nous est, par ailleurs, présentée comme étant « sans paraben, sans dérivé pétrolier, sans parfum ».
Le gel lavant Animatopic est destiné à calmer les symptômes de la dermatite atopique (autre nom de l’eczéma) de l’animal.
Petit clin d’œil aux tiques susceptibles d’être hébergées dans le pelage des animaux, le conservateur antimicrobien utilisé (l’acide déhydroacétique) apparait dans la liste des ingrédients INCI sous le nom erroné de « dehydroace tique acid » !
Là, on sort du domaine cosmétique, puisque l’animal n’est pas ciblé dans la définition du Règlement (CE) N°1223/2009.
L’onglet consacré au plantain lancéolé n’est pas à l’échalote,2 mais aux petits oignons. On nous présente, en effet, cet actif cosmétique comme un ingrédient magique. Et dans la cuisine de la fondatrice Hanane Drissi on n’y va pas avec le dos de cuiller en matière d’affirmations pour le moins excessives. « Le plantain est une plante miraculeuse » !3 Voilà ce que disent la plupart des gens qui utilisent cette plante. Une foule de gens « ayant mis un terme aux souffrances liées à l'eczéma (dermatite atopique), au psoriasis, au zona, au lichen vulvaire ou à la dyshidrose. »… On continue donc à cheminer sur le sentier de la guerre aux maladies. On est donc toujours dans le domaine du médicament ! Viennent ensuite les résultats de tests cliniques réalisés sur… 400 patients !
Le Règlement (CE) N°1223/2009 définit le produit cosmétique comme « toute substance ou tout mélange destiné à être mis en contact avec les parties superficielles du corps humain (épiderme, systèmes pileux et capillaires, ongles, lèvres et organes génitaux externes) ou avec les dents et les muqueuses buccales en vue, exclusivement ou principalement, de les nettoyer, de les parfumer, d’en modifier l’aspect, de les protéger, de les maintenir en bon état ou de corriger les odeurs corporelles. »4
Dans cette définition, il n’est fait nulle mention à un quelconque effet préventif ou curatif à l’égard des maladies humaines. Et ceci très logiquement puisqu’un cosmétique n’est pas un médicament.
Le Règlement (UE) n°655/201 concerne, quant à lui, les « allégations relatives aux produits cosmétiques ». Ce règlement, qui a pour but d’éviter la concurrence déloyale entre sociétés, met, en premier point de son credo, « la conformité avec la législation »… il n’est donc pas possible d’attribuer à un cosmétique des vertus thérapeutiques.
Ce règlement indique également que, dans un souci d’équité, il n’est pas possible de « dénigrer des ingrédients utilisés de manière légale ». La mention « sans paraben, sans dérivé pétrolier » devra donc être révisée.
Ce règlement est, par ailleurs, détaillé par l’ARPP (Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité) dans la « Recommandation produits cosmétiques V8 » (mise en vigueur en juillet 2019) qui précise clairement que la « revendication « sans corticoïdes » n’est pas autorisée puisque les corticoïdes sont interdits par la législation européenne sur les cosmétiques. »5
Halte à toute cette communication qui signe l’absence d’un service réglementaire béton. Cette gamme se plante complètement en matière d’allégations. Rappelons que le plus beau plantain du monde, lancéolé… ou non, ne peut donner que ce qu’il a ; ce n’est donc pas sa simple présence qui suffira pour faire basculer une crème émolliente en crème anti-eczéma !
2 https://www.marmiton.org/recettes/recette_onglet-a-l-echalote_19585.aspx
3 https://altheys.com/content/30-le-plantain-ce-remede-naturel-contre-l-eczema-et-le-psoriasis
4 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:02009R1223-20230816
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