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Aloe vera : c'est trop beau pour être vrai !

> 29 novembre 2017

Aloe vera : c'est trop beau pour être vrai !

Le nom botanique de l’Aloe vera est Aloe barbadensis. On trouve différentes espèces correspondant au genre Aloe : Aloe chinensis, Aloe officinalis, Aloe perfoliata, Aloe rubescens, Aloe vulgaris, Aloe ferox, Aloe succotrina. Cette plante, très résistante à la sécheresse – on dit qu’elle est capable de résister 7 ans sans une seule goutte d’eau ! possède des feuilles coniques, vertes, en forme de lances, tranchantes et déchiquetées ; ces feuilles renferment un suc. L’aloe ressemble à un cactus du point de vue de son aspect, c’est pourquoi on l’appelle parfois le « cactus du désert ».

L’aloès n’est pas, contrairement à ce que l’on a tendance à penser, une plante, mais le produit de sécrétion d’une plante. C’est François Dorvault qui nous renseigne à ce sujet.

« Sous ce nom, on désigne un suc épaissi, provenant des feuilles de diverses espèces d’Aloe (Liliacées). » « Le suc, irritant à l’état frais, renferme des dérivés anthracéniques libres (aloe émodol) et sous forme hétérosidique (aloïne, qui est un C-glucoside de l’aloe-émodol). » « Le suc desséché est purgatif en stimulant les contractions de la partie terminale du côlon. » (Dorvault F. L’Officine, Vigot, Paris, 1995, 2089 p)

L’aloès possède une excellente réputation et ce depuis des millénaires. Employé dans le domaine thérapeutique ou esthétique depuis (presque) la nuit des temps, ce suc est le chouchou des marques biologiques qui font le plein de pourcentages d’ingrédients biologiques grâce à sa présence.

Les légendes vont bon train dès lors qu’il s’agit de vanter les mérites de cette plante. Les traces les plus anciennes où il est fait référence aux vertus fabuleuses de cette plante sont gravées dans l’argile de tablettes sumériennes. Le Papyrus Ebers, un traité médical datant du XVIe siècle avant J.C. et découvert en 1862 à Louxor par Edwin Smith, fait mention des propriétés laxatives de l’aloès. Si Alexandre le Grand (356 av J.C. – 323 av J.C.) a été persuadé par Aristote de conquérir l’île de Socotra, c’est, dit-on, parce qu’elle hébergeait une grande quantité de plants de ce végétal-miracle, capable de soigner les blessés… Quelle infirmerie de rêve pour un conquérant qui doit trouver des moyens efficaces de soigner (et de guérir) ses soldats blessés en masse. Dioscoride (20 ou 40 ap. J.C. – 90 ap. J.C.) propose, dans sa Matière médicale, l’aloès pour le traitement des blessures, des infections cutanées, des hémorroïdes et suggère son efficacité lorsque l’on souhaiter endiguer la chute des cheveux. Le philosophe Avicenne (980 - 1037) définit l’aloe comme un résidu sec, obtenu après dessiccation du jus extrait de la feuille ; selon les variétés, la substance sera de couleur jaune ou plus ou moins orangée. La meilleure variété est, selon lui, la variété écossaise qui possède une odeur de myrrhe et une belle couleur safran. Divers auteurs de langue arabe accordent à l’aloès un goût amer et des vertus laxatives drastiques, ainsi que des propriétés soporifiques, relaxantes, détergentes, astringentes… (Dalia I. Sánchez-Machado, Jaime López-Cervantes, Raquel Sendón, Ana Sanches-Silva, Aloe vera: Ancient knowledge with new frontiers, Trends in Food Science & Technology, 61, 2017, pages 94-102).

En Afrique du sud, l’aloe est une des rares plantes à avoir été représentées sur les peintures rupestres réalisées par les Aborigènes. Elle est considérée comme une plante-miracle qui permet de traiter de nombreuses pathologies. La sève de la feuille est utilisée pour traiter l’arthrite, la sinusite, les problèmes oculaires. La poudre obtenue par dessiccation est saupoudrée sur les plaies ouvertes, ainsi que sur les scarifications et les ulcères. On peut également placer sur les plaies les feuilles fendues ou écrasées. Mélangée à de la vaseline, la poudre d’aloès permet de réaliser un onguent utile pour le traitement de l’herpès et du zona. Des décoctions de feuilles et de tiges jouent le rôle d’émétique ; en gargarismes, elles permettent de soigner les gorges irritées. Les infusions de racines et de feuilles permettent de traiter hypertension et stress (si l’on n’a pas vomi avant !). Infertilité et impuissance sont également à mettre au bénéfice de cette plante magique ! (Weiyang Chen, Ben-Erik Van Wyk, Ilze Vermaak, Alvaro M. Viljoen, Cape aloes—A review of the phytochemistry, pharmacology and commercialisation of Aloe ferox, Phytochemistry Letters, 5, 1, 2012, pages 1-12).

Côté esthétique, ce sont les reines égyptiennes Cléopâtre et Nefertiti qui ont fait sa réputation puisqu’on attribue leur beauté exceptionnelle à l’utilisation de cosmétiques à base de cette « plante de l’immortalité », qualificatif de l’aloe, en Egypte.

Au début du XXe siècle, l’aloe vera est cultivée de façon à répondre aux besoins de l’industrie pharmaceutique. Un gel d’aloe vera est d’ailleurs mis au point dans les années 1950 par un pharmacien américain du nom de Bill Coats (Dalia I. Sánchez-Machado, Jaime López-Cervantes, Raquel Sendón, Ana Sanches-Silva, Aloe vera: Ancient knowledge with new frontiers, Trends in Food Science & Technology, 61, 2017, pages 94-102).

A l’heure actuelle, l’aloe est encore présentée comme une plante-miracle. Utilisée en boisson, en compléments alimentaires, dans des recettes-maison pour traiter les coups de soleil ou des cosmétiques pour se laver les mains, elle semble bien être une véritable panacée. Devant l’engouement du public pour ce végétal, certains médecins réagissent en relativisant les propriétés qui lui sont attribuées. L’oncologue Paul Cathcart imagine ainsi la réponse qu’il ferait à un patient qui lui demanderait si l’aloès tant vanté par certaines sociétés ne serait pas l’ingrédient de choix pour traiter son cancer du côlon. La réponse est malheureusement non (Paul Cathcart, Justin Stebbing, Aloe vera, a natural cancer soother?, The Lancet Oncology, 17, 4, 2016, page 421).

Dans le cas du , le gel d’aloès s’avère moins efficace qu’une préparation du commerce à base de silicone et divers actifs végétaux dont 1% de Centella asiatica et 1 % d’Aloe vera (Kris Keorochana, Peerajaid Chaiyasuk, Pornprom Muangman, Prospective randomize-controlled comparison between silicone plus herbal extract gel versus Aloe vera gel for burn scar prophylaxis, Wound Medicine, 9, 2015, pages 1-4).

Un cas de phytobezoard (accumulation au niveau du tractus digestif d’un élément non digestible) lié à l’ingestion d’aloès dans du miel par un patient cancéreux qui espérait traiter sa pathologie grâce à la médecine traditionnelle montre bien qu’il faut être vigilant quant aux recettes proposées par certaines sociétés ou par certains blogs (Nathalie Pinos, Sergio Moreno-Merino, Miguel Congregado, Phytobezoar by aloe vera as long term complication after oesophagectomy resolved using cellulase, International Journal of Surgery Case Reports, 13, 2015, pages 37-39).

Du point de vue de sa composition, le gel d’aloe vera est composé à près de 99 % par de l’eau. L’ensemble des molécules actives sont donc « concentrées » dans le pourcentage restant ! Ceci n’est pas sans rappeler le cas de la bave d’escargot, autre ingrédient présenté comme actif-miracle et auquel nous avons déjà consacré un Regard, il y a bien longtemps (https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/une-drole-d-idee-marketing-les-cosmetiques-a-la-bave-d-escargot-18/).

La matière sèche renferme environ 5 % de lipides, 10 % de protéines, 60 % de polysaccharides… L’acémannan (polymanno-galacto acétate hydrosoluble) est considéré comme le polysaccharide le mieux représenté et le plus actif (effet antibactérien, cicatrisant…) (Rafael Minjares-Fuentes, Luis Medina-Torres, Rubén Francisco González-Laredo, Víctor Manuel Rodríguez-González, Antoni Femenia, Influence of water deficit on the main polysaccharides and the rheological properties of Aloe vera (Aloe barbadensis Miller) mucilage, Industrial Crops and Products, 109, 2017, pages 644-653 ; Fatma Salah, Yassine El Ghoul, Abdelkarim Mahdhi, Hatem Majdoub, Faouzi Sakli, Effect of the deacetylation degree on the antibacterial and antibiofilm activity of acemannan from Aloe vera, Industrial Crops and Products, 103, 2017, pages 13-18).

L’aloïne (glucoside anthraquinonique représentant 0,1 à 0,6 % du poids sec de la feuille d’aloe) (Ninad R. Jawade, Abhijeet R. Chavan, Ultrasonic-Assisted Extraction of Aloin from Aloe Vera, Procedia Engineering, 51, 2013, pages 487-493) présente un intérêt comme promoteur de cicatrisation (Long-Jian Li, Si-Qian Gao, Li-Hua Peng, Xia-Rong Wang, Jian-Qing Gao, Evaluation of efficacy of aloin in treating acute trauma in vitro and in vivo, Biomedicine & Pharmacotherapy, 88, 2017, pages 1211-1219) et comme inhibiteur de métalloprotéinases, ces enzymes intervenant dans le processus de vieillissement cutané via la dégradation des fibres protéiques constitutives de la matrice extracellulaire (Esther Barrantes, Marı́a Guinea, Inhibition of collagenase and metalloproteinases by aloins and aloe gel, Life Sciences, 72, 7, 2003, pages 843-850). Aloe-émodol et aloïne possèdent, en outre, des propriétés anti-inflammatoires (Adrisyanti Baruah, Manobjyoti Bordoloi, Hari Prasanna Deka Baruah, Aloe vera: A multipurpose industrial crop, Industrial Crops and Products, 94, 2016, pages 951-963) exploitables dans le domaine cosmétique (on parlera alors d’effet adoucissant).

On précisera toutefois que la plupart des tests sont réalisés avec des molécules purifiées et non avec du mucilage (autre nom donné au gel d’aloe vera).

Que faut-il retenir concernant cet ingrédient très courtisé ?

Tout d’abord, le fait que l’aloès est majoritairement composé d’eau. En cosmétologie, on distinguera le gel (aloe barbadensis leaf juice) composé majoritairement d’eau et l’extrait en poudre (aloe barbadensis leaf juice powder), plus concentré en actif, mais bien souvent aussi rejeté en fin de la liste des ingrédients !

Ensuite, le fait qu’aucune spécialité pharmaceutique n’en contient et qu’il ne peut aucunement prévenir ou traiter une quelconque maladie. Ne pas se laisser tenter par des recettes-maison miraculeuses et bien avoir à l’esprit que la qualité de la matière première que l’on va appliquer sur sa peau doit être irréprochable.

Enfin, le fait que l’aloès est un ingrédient bien sympathique qui peut agrémenter la composition de produits d’hygiène ou de soin.

Et pour conclure, cette maxime : l’aloès, telle la plus belle fille du monde, ne peut donner que ce qu’il a !

Quelques cosmétiques qui en contiennent :

Gel corps et cheveux bio Mixa bébé à l’ale vera très doux : Aqua, sucrose, glycerin, coco-betaine, disodium cocoyl glutamate, potassium sorbate, aloe barbadensis leaf juice powder, parfum ; sodium chloride, sodium cocoyl glutamate, sodium benzoate, sodium hydroxide, hydrogenated starch hydrolysate, citric acid, xanthan gum.

Eau nettoyante démaquillante bio Mixa (aloe vera + glycérine) : Aqua, glycerin, sucrose, propanediol, aloe barbadensis leaf juice, citric acid, coco betaine, potassium sorbate, sodium benzoate, sodium phytate, xanthan gum, parfum.

Crème légère hydratante aloe vera So’Bio étic : Aqua, aloe barbdensis leaf juice, coco-caprylate, glycerin, coco-caprylate/caprate, cetearyl alcohol, arachidyl glucoside, magnesium aluminium silicate, squalane, jojoba esters, arachidyl alcohol, sodium levulinate, parfum, sodium stearoyl glutamate, benzyl alcohol, cetearyl glucoside, behenyl alcohol, xanthan gum, sodium benzoate, tocopherol, helianthus annuus seed oil, aloe barbadensis leaf juice powder, phytic acid, sodium hyaluronate, citric acid, limonene, linalool, citronellol.

Crème de soin au beurre de karité Monoprix : Aqua, octyldodecanol, prunus amygdalus dulcis oil, glycerin, polyglyceryl-3 dicitrate/stearate, aloe barbadensis leaf juice, cetyl alcohol, glyceryl stearate, butyrospermum parkii butter extract, coco caprylate, sodium benzoate, parfum, dehydroacetic acid, citric acid, cyamopsis tetragonoloba gum, tocopherol, potassium sorbate, sodium hydroxide, coumarin, limonene, linalool.

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