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A Lymstock, le fond de teint Cambrousse N°2 est de mise !

> 12 juin 2021

A Lymstock, le fond de teint Cambrousse N°2 est de mise !

Jerry Burton, un aviateur accidenté et Joanna, sa sœur, débarquent un beau jour à Lymstock, sur ordre du médecin.1 Pour retrouver toutes ses facultés physiques, Jerry a besoin de repos, de calme, de nature. Un petit village paisible, voilà ce qu’il lui faut. Une charmante villa, Little Furze, louée à une non moins charmante respectable vieille dame, Mrs Emily Barton, voilà qui fera magnifiquement l’affaire.  Avec un corbeau qui se met en action dès leur arrivée, on peut dire que Lymstock est tout sauf paisible. La plume empoisonnée, trempée dans le fiel, qui sévit dans le quartier est redoutable. La première victime est Mrs Symmington, une femme visiblement dépressive qui, a la réception d’une lettre anonyme, s’est enfilée une bonne rasade de cyanure. Suicide ou meurtre ? Les langues se délient lorsqu’Agnès, la bonne des Symmington, est retrouvée sans vie, pliée en quatre, dans le placard aux balais !

Joanna Burton, une jeune femme sophistiquée

Joanna est une jeune femme branchée, qui multiplie les aventures sans lendemain. Très sophistiquée, elle va devoir arborer un « fond de teint Cambrousse N°2 », pour se fondre dans le paysage. La lettre anonyme qui lui est adressée la traite d’« espèce de putain peinturlurée ». On émet des doutes sur les liens de sang unissant Joanna et Jerry. Joanna est, sans doute, un peu trop cosmétiquée au goût des habitants de Lymstock. (« Tu avais sans doute raison pour mon fond de teint, Jerry. On doit me prendre pour une femme de mauvaise vie. »).  A force de vivre à la campagne, les goûts cosmétiques de Joanna changent pourtant. Le rouge à lèvres, qui rendait si bien à Londres, lui semble, sous ces nouveaux cieux, très peu adapté. « Décidément, ce rouge à lèvres ne me plaît pas, décréta-t-elle au bout d’un moment. » De là à changer de nature, il ne faut peut-être pas trop en demander. Alléger son maquillage pourquoi pas ? Jeter aux orties tous ses flacons cosmétiques, sûrement pas. Debout devant la glace, Joanna scrute son visage. « Mon Dieu, quelle horreur ! J’ai une tache de rousseur sur le nez ! Il faut que je fasse quelque chose ! Les taches de rousseur font tellement bouseux, tellement écossais. » Un petit stage auprès du Dr Griffith (quel homme admirable !) et l’impétueuse Joanna se transformera en une assistante, pleine de sens pratique !

Aimée Griffith, une jeune femme hyperactive

Aimée Griffith, la sœur de Owen, le médecin du village, est une femme qui bouillonne d’activités. Elle en est fatigante à regarder.  Le genre à prendre « un bain froid tous les matins » et à s’occuper de toute une bande de filles (des guides), plus remuantes les unes que les autres.

Megan Symmington, un vilain canard ou un cygne gracieux ?

Toujours mal fagotée, toujours mal-aimée (Megan est la fille de Mrs Symmington, née d’un premier lit), c’est le vilain petit canard du village. Dans le vilain petit canard, Jerry a repéré le cygne blanc qui sommeille. Un petit tour à Londres pour une séance relooking dans le très chic salon de couture « Mirotin », tenu par l’élégante Mary Grey, un petit passage entre les mains expertes d’Antoine, le coiffeur pour dames… chics ! En deux temps et à peine trois mouvements, Megan se mue en un mannequin, « longue et déliée comme une liane ». Ses pieds et ses mains sont tout bonnement adorables ! Ses cheveux coupés courts et brillants, « comme une noisette vernissée », transforment, la petite souillon, en Cendrillon. Jerry en reste baba. « On avait eu le bon goût de ne pas la maquiller ou si peu qu’on ne le voyait pas. Ses lèvres n’avaient pas besoin de rouge. »

Jerry, un aviateur en mille morceaux

Jerry, qui comptait bien se « rôtir au soleil » de Lymstock et « soigner » ses plaies en toute quiétude, va venir se fourrer dans un véritable nid de guêpes. Parmi tous les habitants du village, c’est Megan qui retient toute son attention. Lorsque Megan découvre Agnès, recroquevillée dans le placard aux balais et l’appelle à l’aide, Jerry pare au plus pressé. Une toilette sommaire s’impose pour voler au secours de sa bien-aimée. « Il m’avait fallu moins d’une demi-heure pour me laver, me raser, m’habiller, sortir la voiture et arriver chez les Symmington. »

La plume empoisonnée, en bref

Avec La plume empoisonnée, Agatha Christie nous offre une immersion dans la campagne anglaise profonde. Il y a un colonel Appleton, « modèle Scrogneugneu », il y a une femme de pasteur (Mrs Dane Caltrop) pleine de bon sens, il y a une fugace apparition de Miss Marple (qui tricote des vêtements mousseux), il y a une nurse pour enfants « aux formes exquises » et à la beauté « époustouflante ». C’est d’ailleurs cette dernière qui va être à l’origine des drames qui vont se produire à Lymstock. Et au milieu de tout cela, un frère et une sœur en quête d’amour. Et bien entendu, la romantique Agatha arrivera à ses fins et permettra aux cœurs transis de se réchauffer au soleil de Lymstock !

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour son illustration du jour.

Bibliographie

Christie A., La plume empoisonnée, Le livre de poche, 1983, 221 pages

 

 

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