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A la pension Vanilos, acide borique, morphine et bicarbonate jouent au bonneteau !

> 24 août 2020

A la pension Vanilos, acide borique, morphine et bicarbonate jouent au bonneteau !

Lorsque Miss Felicity Lemon est prise en flagrant délit de faute d’orthographe rien ne va plus. L’austère et « laide » secrétaire d’Hercule Poirot s’est distinguée jusqu’à présent par une parfaite maîtrise de la langue anglaise.1 Miss Lemon, au teint citrin comme cela se doit, complète avec George, « un parfait valet », la domesticité du détective privé le plus connu au monde. Miss Lemon veille sur le courrier ; George sur la qualité des crumpets, ces savoureux petits pains so british ! Toujours est-il qu’un beau matin, le bel équilibre semble menacé... Miss Lemon est tourmenté ; sa sœur, qui est gouvernante dans une pension pour étudiants, est aux prises avec une série de vols et d’actes malveillants qui la tourmente. Pas de souci, Hercule Poirot - le « petit monsieur déjà âgé, de qui les cheveux étaient d’un noir suspect » - va percer le mystère des objets volés en 2 temps 3 meurtres ! Retroussant sa moustache de « proportions impressionnantes », Hercule suit la piste des cosmétiques volés et débusque un trafic de drogue et de pierres précieuses opérant sous une couverture très spéciale, celle d’un luxueux institut de beauté. C’est en cultivant l’art de la « conversation » avec les pensionnaires de la maison qu’Hercule va peu à peu y voir clair dans une histoire qui, de meurtre en meurtre, ne cesse de s’assombrir.

Mrs Hubbard dresse la liste des objets volés ou abimés

Mrs Hubbard, la sœur de Miss Lemon, possède un teint encore plus jaune que sa frangine. Sa coiffure, en revanche, est moins sévère. Son excellente mémoire lui a permis de se rappeler de tous les objets dérobés ces derniers temps. Parmi ceux-ci on note : un soulier de bal, des « accessoires de la beauté féminine : un compact de poudre de riz, un bâton de rouge à lèvres », un stéthoscope, de l’acide borique, des sels de bain. Il y a également eu un sac à dos lacéré et une écharpe mise en pièces...

Hercule Poirot joue à la Dame aux 3 Cornes

Lorsque Mrs Hubbard lui livre la liste intégrale des objets volés, Hercule Poirot repense au jeu de la Dame aux 3 Cornes. On débute ce jeu avec une phrase type : « Je suis allé à Paris et j’ai acheté tel ou tel article... ». Chaque joueur, ajoute un objet (le plus insolite possible) à la liste de son voisin. Hercule Poirot est passé maître à ce jeu. Pour réussir, il suffit, selon lui, de visualiser les objets, de les mettre en scène. Ainsi avec « savon, éléphant de marbre et Louis XV », Hercule imagine une situation cocasse du type : « Avec un morceau de savon, j’ai lavé l’éléphant de marbre blanc qui se trouvait sur la table Louis XV ».

Hercule Poirot partage le repas des étudiants à la pension Vanilos

Ses moustaches magnifiques lui posent alors un petit souci ; difficile de consommer un minestrone de manière hygiénique avec de telles moustaches.

Et une et deux et trois... victimes

Il y a d’abord Celia Austin, une jeune fille à tendance kleptomane. C’est du moins ce qu’elle souhaite faire croire au Dr Colin Mac Nabb, un étudiant en psychiatrie dont elle aimerait bien attirer l’attention. Puis il y a Mrs Vanilos, la directrice de la pension éponyme, une femme un peu trop portée sur le cognac et enfin Patricia Lane, une jeune étudiante en archéologie qui, en matière de maquillage, se contente d’écraser un peu de rouge, « à la diable sur ses lèvres ». Ces trois femmes en savaient trop !

et de l’acide borique qui se transforme en bicarbonate...

Difficile de suivre à la trace l’acide borique de Chandra. Celui-ci utilise de l’acide borique pour réaliser des « bains d’yeux ». Cet usage n’est pas sans rappeler notre « célèbre » Dacryoserum, fort utilisé avant son arrêt de commercialisation en 2017. Cet acide borique est alors considéré comme « un produit très doux et très inoffensif pour faire des bains oculaires. » Celui-ci a été substitué à du bicarbonate de soude (celui de Patricia Lane) ce qui rend très malade Mr Akibombo, qui l’a utilisé après un repas un peu trop chargé. Le flacon apporté au pharmacien est analysé ; verdict : c’est de l’acide borique et non du bicar ! Comme autre substitution, il faut parler du remplacement de la morphine de Nigel (Nigel a fait le pari de se procurer en quelques jours 3 poisons sans se faire pincer) par l’acide borique de Chandra ; l’acide borique étant ensuite remplacé par du bicar...Si vous suivez, vous avez de la chance. Bref, les poudres blanches ne restent pas en place dans cette satanée pension ! Elles changent de flacon à tout instant.

Valerie Hobhouse, une esthéticienne au cœur d’un trafic juteux

Valerie Hobhouse et Nigel Chapman ont mis au point un système très performant pour faire voyager de la drogue et des bijoux volés dans les sacs à dos d’étudiants étrangers. Comme couverture, un institut de beauté luxueux baptisé « Sabrina Fair », en hommage au poème de John Milton. Les employées de cet institut semblent glisser sur le sol tant leurs pas sont feutrés. Une directrice à « cheveux bleu de nuit, aux joues fraîches et au port altier » est l’associée de Valerie ; il s’agit de la meilleure publicité du lieu. Aucune trace de rides, ni de signes visibles des « atteintes de l’âge » sur son visage. Mrs Lucas sait parfaitement quels cosmétiques utiliser et recommander pour conserver le plus longtemps possible les « éphémères apparences de la jeunesse ». Valerie Hobhouse, une jeune fille qui se déplace avec « la grâce un peu insolente des mannequins professionnels », possède toutes les qualités pour tirer les ficelles de ce petit jeu risqué. Elle sait mentir à merveille, tant elle est habituée à débiter « à longueur de journée des mensonges aux clientes de l’institut de beauté ». Elle connaît également toutes les astuces cosmétiques pour changer d’aspect en quelques minutes. Cette collectionneuse de passeports a de multiples identités dans son sac.

La pension Vanilos, une pension pas très respectable

Dans la pension Vanilos, on retrouve des diamants dans le potage ; la morphine se transmue en acide borique ou en bicarbonate de soude, à volonté et en fonction des besoins. En cherchant bien, on pourrait même sûrement en trouver dans le flacon de sels de bain. La venue d’un policier pour une toute autre affaire déclenche une série de réactions en chaîne. Il s’agit de faire disparaître la drogue au plus vite ! D’où une série de substitutions à vous en faire tourner la tête.

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour cette mise en garde, en image, vis-à-vis de la pension Vanilos !

Bibliographie

1 Christie A. Pension Vanilos, Librairie des Champs Elysées, 250 pages

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