> 02 septembre 2021
Il fait chaud cet après-midi-là à Bagdad… très chaud et Hindbad, un pauvre porteur est exténué.1 Arrivé dans « une rue […] dont le pavé était arrosé d’eau de rose, [il] posa sa charge à terre » et considéra la « grande maison » devant laquelle il se trouvait. A cet instant précis, « son odorat fut agréablement frappé d’un parfum exquis de bois d’aloès et de pastille […] qui, se mêlant avec l’odeur de l’eau de rose, embaumait l’air ». Il y avait là joyeux festin et le pauvre Hindbad se demande bien qui peut résider en ce lieu enchanteur. Quand il apprend qu’il s’agit d’un certain Sindbad, il est pris d’incompréhension et s’interroge tout haut sur ce qui fait que tel vit dans la magnificence et tel autre dans l’extrême dénuement… Sindbad le Marin, puisqu’il s’agit de lui, touché par cette détresse, l’invite à entrer chez lui et à écouter le récit des aventures à l’origine de sa richesse.
Après de multiples péripéties en mer, Sindbad, lors de ce premier voyage, fait naufrage sur ce qu’il croit, avec ses compagnons, être une île et qui en réalité est le dos d’une baleine… La fumée que dégage le feu qui a été allumé pour la cuisson des aliments irrite au plus haut point le cétacé qui remet tout ce beau monde à l’eau ! Nouvelles péripéties maritimes puis arrivée sur l’île du roi Mirhage. Sindbad pourra en repartir avec « du bois d’aloès, du santal, du camphre, du clou de girofle, du poivre et du gingembre ». Puis, sans encombre (enfin… il en a déjà eu plus que son lot !), il aborde à Balsora, riche de presque 100 000 sequins ! Fin du premier récit et remise d’une bourse de 100 sequins à Hinbad avec invitation à revenir le lendemain…
Il est à nouveau question d’abordage sur une île déserte. Sindbad, fatigué, s’y endort mais, quand il se réveille, plus de « navire à l’ancre »… Désespéré, il monte en haut d’un arbre et de là il découvre quelque chose d’une grande blancheur. En s’approchant, il pourra constater que « c’était une boule blanche », très douce au toucher… En fait, un œuf de roc ! Sindbad réussit à s’attacher, grâce à son turban, à un oiseau qui va le transporter jusqu’à une « vallée très profonde », « parsemée de diamants ». Il ramasse les plus gros, de nuit pour éviter les monstrueux serpents qui infestent la zone et veillent jalousement sur le précieux tapis. Grâce à des marchands qui passaient bien opportunément par-là, voilà Sindbad, sur le chemin du retour, via l’île de Rona où pousse tout aussi opportunément, « un arbre dont on extrait le camphre ». Fin du deuxième récit et à nouveau 100 sequins pour Hindbad !
Sindbad que ces aventures passées n’ont pas guéri des voyages est à nouveau sur le départ, de Balsora. Cette fois il arrive sur une île habitée par une foule « de sauvages hideux, couverts par tout le corps d’un poil roux ». Il n’est jamais sans ressource notre héros et il va réussir à échapper seul (et oui, ses compagnons sont toujours beaucoup moins malins que lui !) à cette peuplade barbare grâce à une broche rougie qu’il va enfoncer dans leur œil unique (anthropophages et cyclopes, donc, ces étranges et nuisibles personnages !) D’île en île, Sindbad arrive « enfin, à celle de Salahat, où l’on trouve le santal, un bois très utilisé en médecine ». De Salahat, il peut gagner une autre île où il va pouvoir se fournir « en clous de girofle, cannelle et autres épiceries »… de quoi s’enrichir à nouveau. Fin du troisième récit et toujours 100 sequins pour Hindbad.
Toujours intrépide et peut-être attiré par une certaine cupidité, voilà à nouveau notre Sindbad sur les flots. Comme on pouvait s’y attendre, il ne va s’agir, pour cette fois encore, d’une paisible croisière… son vaisseau se brise sur des récifs et c’est l’échouage sur une île peuplée par des noirs anthropophages. Tous les compagnons de Sindbad sont engraissés avec « du riz préparé avec de l’huile de coco », avant d’être mangés. Notre marin préféré avait flairé le danger et s’était bien gardé de trop consommer afin de rester le plus maigre possible donc peu appétissant pour les sauvages. Tout est bien qui finit bien (enfin pas tout à fait tout de suite). Il fait la connaissance d’une « dame […] noble, belle, sage et riche. » avec qui il se marie. On pourrait penser que tout est idyllique… pas du tout ! La personne en question est membre d’une tribu qui enterre vivant le survivant quand son conjoint décède ! Et bien sûr, l’épouse en question passe rapidement de vie à trépas et Sindbad, selon la coutume est descendu, vivant, dans un puits où règne une « puanteur insupportable qui sortait d’une infinité de cadavres »… on est désormais loin de l’eau de rose du début… Mais Sindbad a toujours plus d’un tour dans son sac. S’il a été descendu au fond de ce puits, ce n’est pas sans nourriture. En effet, la coutume veut également qu’un peu de pain et d’eau soit remis au malheureux ! A chaque nouvelle « arrivée », Sindbad assassine celui ou celle qui était censé partager son triste sort et récupère ainsi un peu de nourriture et de boisson, suffisamment pour tenir le coup jusqu’à la découverte, au fond du puits, d’une issue salvatrice. Il peut enfin reprendre la mer. Avant le retour au bercail, il aborde à l’île de Kela où « il y a des mines de plomb, des cannes d’Inde et du camphre excellent ». De quoi continuer à s’enrichir donc ! C’est fini et c’est 100 sequins pour Hindbad.
Pour cette fois, Sindbad dispose de son propre bateau. Cela ne va pas pour autant lui permettre d’éviter tout désastre ! Un naufrage va bientôt avoir lieu et on va à nouveau retrouver un oiseau que nous connaissons déjà, le roc. L’équipage va casser les œufs des volatiles pour se préparer des omelettes, mais les parents qui veillaient au grain vont, en représailles, assommer les marins avec des grosses pierres et détruire le bateau avec les mêmes projectiles. Sindbad en réchappe… vraiment genre « super héros » et se retrouve dans une île qui a tout l’air (au premier abord !) d’« un jardin délicieux »… C’était sans compter sur la rencontre d’un vieillard « dont la peau [des jambes] ressemblait à celle d’une vache » et qui tente de l’étrangler. Sindbad réussit à s’en débarrasser en l’enivrant. Il se charge alors de coco, puis fait route vers une autre île « où le poivre croit en plus grande abondance ». Sur l’île de Comari, il troque son coco contre « du poivre et du bois d’aloès », ce qui lui permet de gagner des sommes considérables et lui permet de regagner Bagdad. Ainsi se termine le cinquième récit et ainsi Hindbad reçoit 100 nouveaux sequins.
Au cours de son sixième voyage, Sindbad aborde sur les côtes d’une île fort longue et très vaste, « toute couverte de débris des vaisseaux qui avaient fait naufrage ». C’est l’île de Sérendib, île où poussent cèdres et cocos et dont le roi va faire différents cadeaux à Sindbad, en particulier « une peau de serpent aux écailles grandes comme une pièce de monnaie d’or ». Cette peau est réputée « préserver de la maladie ceux qui se couchaient dessus ». Sindbad va aussi recevoir « cinquante mille drachmes du bois d’aloès le plus exquis, avec trente grains de camphre de la grosseur d’une pistache ». Le cadeau le plus précieux est vraisemblablement cette « esclave d’une beauté ravissante dont les vêtements étaient couverts de pierreries ». Charge à Sindbad de remettre tous ces présents au calife, à son retour à Bagdad. Ce récit vaudra comme toujours 100 sequins à Hindbad.
De nouveau sur l’île de Serendib, Sindbad a pour mission de remercier le roi, de la part du calife. Si le voyage aller s’était convenablement déroulé, il n’en fut pas de même du retour ! Une attaque par des corsaires va venir perturber la paisible navigation ! L’équipage est capturé et chacun est vendu comme esclave, « dans une grande île ». Sindbad est acheté par un marchand qui vit du trafic de l’ivoire. Il lui confie un arc et des flèches dans le but de tuer un maximum d’éléphants. Sindbad va se révéler rapidement très habile à cet exercice et va provoquer une véritable hécatombe dans le troupeau… jusqu’à ce qu’un éléphant l’emmène « sur une colline couverte d’ossements et de dents d’éléphants ». Ce spectacle remplit Sindbad de consternation… pas au point quand même d’en oublier son butin, puisqu’il en profite pour récupérer une énorme quantité de dents ! L’émotion ne doit quand même pas faire oublier le sens des affaires… Tout est bien qui finit bien : Sindbad est affranchi ; il reprend la mer, débarque l’ivoire à Balsora, puis rentre sans plus d’encombre à Bagdad ! Lassé de toutes ces aventures, il s’engage désormais à se consacrer entièrement à sa famille et à ses amis. Quant à Hindbad, il reçut une nouvelle fois 100 sequins, fut accueilli parmi les amis de Sindbad et put abandonner son difficile métier de porteur !
Les tiroirs du semainier de Sindbad le marin sont remplis à ras bord d’ingrédients cosmétiques. Il s’en échappe des effluves de rose, de santal, de camphre, de clou de girofle... de quoi parfumer à ravir les soirées du lecteur qui se sera laissé prendre dans les filets de ce curieux pécheur.
1 Galland A., Sindbad le marin, V. Safrat Ed., 2001, 125 p.
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