Nos regards
A l’ombre des palétuviers avec Josée, Alan et Françoise Sagan !

> 02 septembre 2018

A l’ombre des palétuviers avec Josée, Alan et Françoise Sagan ! Dépressifs, s’abstenir... « Les merveilleux nuages » (F. Sagan, Julliard, 1967, 189 pages) « des nuages bleus, mauves » dans lesquels on aimerait « se baigner », « ce mélange d’air, d’eau et de vent » que l’on imagine sur la peau « léger et doux, enveloppant comme certains souvenirs d’enfance » ne nous réconfortent pas longtemps.

Alan, « les yeux clairs, la peau tannée » est le jeune époux de Josée, une jeune femme de 27 ans qui n’a pas hésité à tout quitter pour le suivre aux Etats-Unis. Alan est beau. Il a le « torse bronzé, les hanches étroites, le cou vigoureux ». Cette manie de s’exposer au soleil ne sera pas sans conséquence... « Une ride bien nette » apparaît bientôt au niveau du cou d’Alan.

On retrouve le jeune couple, au début du roman, sur une plage de Key Largo... Tout pourrait aller pour le mieux puisque, pour Josée, « Le bonheur est sur la plage. » Alan cache bien son jeu. Il semble plein de sollicitude pour Josée. « Tu n’as pas soif ? Tu vas prendre un coup de soleil, mon chéri. Veux-tu que j’aille te chercher une orange pressée ? » Cette sollicitude n’est, cependant, que de façade. Josée est « l’objet impuissant d’un amour maladif. »

La vie d’Alan est une vie passive, celle d’un observateur. « Une des manies d’Alan » consiste à regarder Josée « s’habiller, se maquiller ».

La vie de Josée est « une vaste catastrophe ». La fuite semble donc la meilleure solution... une fuite dans le plus simple appareil cosmétique, avec simplement « une brosse à dents et du dentifrice ». Destination, la France et ses souvenirs d’enfance... une enfance « embaumée » par « l’odeur de la terre la nuit » et « des draps rugueux parfumés à l’antimites ».

Josée ne conçoit pas la vie sans maquillage. « Je suis toute habillée, toute fardée, toute sérieuse. Je peux à peine respirer ». Elle perpétue ainsi l’idée qu’un produit couvrant à caractère occlusif empêche la peau de respirer ! Elle n’hésite pas à recourir à un maquillage de « vamp » et connaît parfaitement toutes les ficelles du contouring (https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/le-contouring-l-art-parietal-applique-au-maquillage-216/). « En se fixant dans la glace, elle trouva à son visage une expression fiévreuse, altérée qui lui allait bien, et peu à peu allongea l’arc de ses yeux, l’ovale de son visage, accentua le renflement de sa lèvre inférieure et finit par sourire à l’inconnue plus âgée, dangereuse qu’elle avait dessinée. »

Avec Alan, Josée se rend compte que la vie est plus rugueuse que les draps de son enfance... Dans ce roman, aucun des personnages ne semble regarder dans la bonne direction. Alan regarde Josée, Laura regarde Alan, Josée « regarde en l’air », le mari de Laura regarde « les cours de la Bourse »…

Chez Françoise Sagan, si « l’humour et le désintéressement » sont les qualités féminines les plus appréciées, l’humour est souvent grinçant et le désintéressement de façade. Chacun voit midi à sa porte. Tant mieux si l’on arrive à déjeuner ensemble et tant pis si l’horloge biologique des uns ne correspond pas à celle des autres…

Côté maquillage, même chose. Josée cherche à se vieillir ; Laura, quant à elle, veut se rajeunir. Côtoyer Alan n’est pas de tout repos. Des « rides supplémentaires » se creusent, des « bouffissures sous les yeux » apparaissent... Chaque matin, il faut « rajuster ses charmes », afin de continuer à séduire celui qui n’est jamais qu’un « époux névrosé ».

Oui, il fait bon se baigner dans « Les merveilleux nuages » de Mme Sagan et, au moins dans cette nuée, à l’ombre des palétuviers, on n’a pas besoin de se tartiner de crème solaire résistante aux rêves !

Un grand merci à Jean-Claude A. Coiffard, poète et plasticien, pour ce collage qui nous donne à voir les couples chez Sagan un peu comme des crashs aériens !

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