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Weleda ou le laboratoire "philosophique"

> 21 avril 2017

Weleda ou le laboratoire "philosophique"

Pour bien comprendre la philosophie (et dans le cas présent, ce terme est particulièrement indiqué) de la marque, un peu d’histoire s’impose.

1921, c’est l’année d’une double naissance, celle des laboratoires Weleda, d’une part, celle de l’institut clinique–thérapeutique d’Arlesheim en Suisse, d’autre part. « Le chimiste autrichien Oskar Schmiedel (1887-1959) développe, en collaboration avec Ita Wegman (1876 – 1943) et Rudolf Steiner (1861-1925), les premiers médicaments dont le concept fonde aujourd’hui encore la philosophie des produits Weleda : la médecine doit apporter des impulsions déterminantes pour l’auto-guérison du corps. » (https://www.weleda.fr/le-laboratoire/histoire/depuis-1921)

Dans ce contexte, la rencontre fondamentale est celle d’un médecin, Ita Wegman, avec un philosophe, Rudolf Steiner. Chacun a parcouru son chemin avant d’établir des interconnexions. Le chimiste est là pour en récolter les fruits.

En ce qui concerne Rudolf Steiner, s’il est un philosophe, c’est avant tout un mystique. Avant de bâtir sa propre théorie, l’anthroposophie, il s’est mis au service de grands auteurs, tel que Goethe dont il est chargé d’éditer les écrits alors qu’il n’est encore qu’un jeune homme de 22 ans. Il étudiera par la suite Schopenhauer et se liera avec Haeckel. C’est par le biais de très nombreux écrits et conférences réalisées dans toute l’Europe que Rudolf Steiner popularise sa théorie. Pour lui, le monde spirituel, non sensible à nos sens, interpénètre le monde et influence notre organisme. Ce monde spirituel n’est pas moins concret, moins réel que le monde bien visible qui nous entoure. Alors qu’Hippocrate est en général considéré comme le père de la médecine moderne (médecine basée sur l’observation et la description des symptômes), Rudolf Steiner ne le voit pas comme à l’origine d’une histoire, mais plutôt comme à la fin d’un monde. Le point final d’une évolution… C’est la fin des prêtres-médecins, des lieux de culte, des temples de la guérison. La médecine, de spirituelle devient matérialiste, de plus en plus et même trop au goût du philosophe. Rudolf Steiner, bien que n’ayant pas fait d’études médicales, souhaite réconcilier esprit et corps, à des fins thérapeutiques. Il soutient des thèses particulières concernant l’allopathie et l’homéopathie. Un médicament allopathique serait potentialisé dans l’organisme après ingestion, ce qui lui permet d’acquérir la même puissance qu’un médicament homéopathique. Tout ceci ne repose, bien évidemment, sur rien de bien concret, ni de bien scientifique. Il est question de « forces éthérées », de ressources internes… bref on s’achemine à grands pas vers la notion d’auto-guérison (Peter B. Engel, Rudolf Steiner's medical thinking and its relationship to homœopathy, British Homoeopathic journal, 50, 3, 1961, Pages 185-190). Tout cela plaît énormément à Ita Wegman qui collabore d’ailleurs avec Rudolf Steiner pour la rédaction d’un ouvrage, « Données de base pour un élargissement de l’art de guérir selon les connaissances de la science spirituelle ». Moins philosophe que Steiner, plus pratique, Ita met au point une méthode de massage thérapeutique, le massage rythmique qui comprend une stimulation douce en décubitus dorsal (la personne est allongée sur le dos) et une période de repos thérapeutique. Ce massage a pour but de restaurer les fonctions physiologiques altérées par la maladie (problèmes circulatoires, respiratoires, problèmes de péristaltisme…) et de stimuler le pouvoir d’auto-guérison (Krüerke Daniel, Wälchli Chantal, Saltzwedel Georg, Kaufmann Christoph, Schnorr Bettina, Rist Lukas, Müller-Hübenthal Boris, Eberhard Jutta, Decker Michael, Simoes-Wuest Ana Paula, Physiological Effects of Rhythmical Massage after Dr. Ita Wegman, European Journal of Integrative Medicine, 4, 1, 2012, Page 114). Comment ? En alternant les périodes de stimulation du système nerveux central et/ou périphérique (tant sympathique, que parasympathique) et les périodes de relaxation (Fernetti Roberto, Action on postural adaptation through rhythmical massage, European Journal of Integrative Medicine, 4, 1, 2012, Page 190). Tout un programme !

On comprend donc que la gamme Weleda trempe des deux pieds dans un univers ésotérique de médecine parallèle, très parallèle… L’huile harmonisante à la rose musquée va donc parfaitement bien dans le tableau.

Concernant les bébés, la gamme est restreinte et ne comporte que trois produits. C’est plutôt bien.

L’alcool présent dans la crème lavante, les allergènes et la lanoline dans la crème pour le change ont eu raison de notre bonne humeur.

La crème lavante est une émulsion composée d’eau, d’huile d’amande douce, d’huile de sésame, de tensioactifs doux (coco glucoside, disodium cocoyl glutamate, sodium cocoyl glutamate,). La formule contient de la glycérine qui retient l’eau dans la formule (voir Regard : « La glycérine, un ingrédient qui a plusieurs cordes à son arc »), de gélifiants (l’un d’origine algale dont le nom INCI est carrageenan, l’autre d’origine biotechnologique de nom INCI xanthan gum) qui augmentent la consistance de la préparation. Un extrait de souci (calendula officinalis extract) apporte toute sa douceur apaisante. L’acide lactique ajuste le pH. Un parfum composé d’huiles essentielles apporte deux allergènes (limonène et linalol). Les laboratoires Weleda, comme toutes les sociétés commercialisant des produits du même type, prennent la précaution de prévenir le consommateur : les allergènes sont apportés naturellement par les huiles essentielles. Cette précaution oratoire n’enlève nullement leur caractère allergisant à ces molécules ! Finalement la formule de cette crème lavante est presque parfaite. Oui, presque... mais, pourtant il manque quelque chose ! Une émulsion riche en eau est facilement contaminée par les micro-organismes. Où est le conservateur ? Comme dans ces assiettes anciennes où l’on s’amusait, au dessert, à rechercher qui le sapeur, qui le caissier ou bien encore le gendarme, il faut chercher un conservateur dans cette formule. Le voilà, c’est l’alcool. Il était pourtant bien visible en 4e position dans la liste des ingrédients. Cet ingrédient très apprécié des marques Bio est un exhausteur de pénétration, un ingrédient asséchant, un ingrédient cytotoxique (les cellules l’apprécient fort peu, pourrait-on dire en langage courant !) qui n’a rien à faire dans un produit bébé. Verdict : à éviter...

La dénomination de la crème pour le change bébé et enfant a de quoi surprendre. Le bébé n’existe ni d’un point de vue médical (on distingue le nouveau-né du nourrisson), ni d’un point de vue cosmétique. La règlementation nous parle d’enfant de moins de 3 ans. Passons sur ce détail. Dans le langage courant on parle de bébé et les cosmétiques pour bébé sont très nombreux. C’est très bien ainsi. Le terme « enfant » a en revanche de quoi étonner... Côté composition, on peut regretter la présence de lanoline et de nombreux allergènes. Gardons à l’esprit que la zone du siège est soumise à rude épreuve. Inutile d’en rajouter !

L’huile de toilette est, quant à elle, réduite à sa plus simple expression. C’est de l’huile de sésame à laquelle on a ajouté une petite quantité d’extrait de calendula. Cette huile qui peut être utilisée pour éliminer facilement les croûtes de lait ne comporte pas de tensioactifs. On s’étonnera donc sur l’appellation « huile de toilette ».

Crème lavante corps et cheveux Calendula bébé : Aqua, Coco-Glucoside, Prunus Amygdalus Dulcis Oil, Alcohol, Disodium Cocoyl Glutamate, Sesamum Indicum Seed Oil, Glycerin, Carrageenan, Sodium Cocoyl Glutamate, Calendula Officinalis Flower Extract, Xanthan Gum, Lactic Acid, Parfum1, Limonene1, Linalool1 (1from natural essential oils) (https://www.weleda.fr/product/c/creme-lavante-corps-et-cheveux)

Crème pour le change Calendula bébé et enfant : Aqua, Prunus Amygdalus Dulcis Oil, Sesamum Indicum Seed Oil, Zinc Oxide, Cera Alba, Lanolin, Glyceryl Linoleate, Hectorite, Calendula Officinalis Flower Extract, Chamomilla Recutita Flower Extract, Parfum1, Limonene1, Linalool1, Benzyl Benzoate1, Benzyl Salicylate1, Geraniol1, Farnesol1 (1from natural essential oils) (https://www.weleda.fr/product/c/creme-pour-le-change-au-calendula)

Huile de toilette Calendula bébé et enfant : Sesamum Indicum Seed Oil, Calendula Officinalis Flower Extract (https://www.weleda.fr/product/h/huile-de-toilette-au-calendula-bio)

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