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SunsiMed ou la protection solaire à deux vitesses

> 11 mai 2017

SunsiMed ou la protection solaire à deux vitesses

Comme nous avons pu le voir dans le Regard « Sous le soleil exactement… naissance des produits de protection solaire », les produits de protection solaire (PPS) sont des produits d’apparition relativement récente dans le paysage cosmétique. On parle de cosmétiques car ces produits possèdent ce statut tant que l’on reste dans l’Union Européenne.

En 2009, le monde des PPS commence à changer. Le premier dispositif médical (DM) à visée anti-solaire voit le jour. Il est commercialisé par les laboratoires Spirig et porte le nom de Daylong actinica.

Ce dispositif médical qui se présente comme un produit intéressant pour la « Prévention de différentes formes de cancer de la peau non mélanome chez les patients à risque (immunosupprimés) » utilise un argumentaire marketing qui a de quoi surprendre : on nous parle, en effet, d’une application unique le matin. Très étonnant lorsque l’on sait que les filtres UV sont peu photo-stables et qu’il est indispensable de ré-appliquer le produit toutes les 2 heures si on veut être protégé efficacement aussi longtemps que l’on restera au soleil. Depuis le laboratoire a (un peu) revu sa copie, le DM a changé de nom (il est rebaptisé Actinica lotion) et le mode d’utilisation est plus proche de ce que l’on préconise dans le cas des cosmétiques photo-protecteurs, à savoir une application le matin et un renouvellement de l'application après un contact prolongé avec l'eau ou une forte transpiration. Une application systématique le matin n’est pas nécessaire si l’on ne s’expose pas ; une application toutes les 2 heures serait à recommander !
Ce DM est très intrigant. Il ne reste plus qu’à l’acheter, il ne reste plus qu’à le tester. Aussitôt dit, aussitôt fait ! Nous décidons de comparer ce DM présenté comme révolutionnaire à un PPS de référence, le produit Nivea 50+.

Première constatation : sur l’emballage du PPS on trouve la liste intégrale des ingrédients, liste que l’on peut analyser et critiquer (on ne s’en privera pas et on regrettera la présence d’alcool en 8e position et d’un grand nombre d’allergènes apportés par le parfum). Les filtres en présence sont suffisamment nombreux pour permettre d’atteindre un très haut niveau de protection. En ce qui concerne le DM, la transparence n’est pas de mise. On saura juste le nom des filtres UV utilisés et le système conservateur (méthyl- et propylparaben) choisi. On notera que les filtres UV présents dans ce DM ont été choisis dans la liste des filtres UV autorisés dans les cosmétiques (Règlement (CE) N° 1223/2009 modifié). Sans précision sur les excipients et les additifs, nous ne sommes pas capables de porter un avis sur ce produit.

Deuxième constatation : le cosmétique Nivea annonce un niveau de protection 50+ ; le DM Daylong actinica n’annonce aucun niveau de protection.

Troisième constatation : les produits Nivea et Daylong actinica testés in vitro par nos soins au laboratoire sont des produits de très haute protection. Les SPF déterminés sont respectivement de 80 et 100 ; les facteurs de protection UVA sont respectivement de 37 et de 39.

Quatrième constatation : en ce qui concerne leur photo-stabilité (déterminée après 2 heures d’irradiation dans un simulateur solaire), les deux produits ne sont pas extrêmement performants. Le produit Nivea (avec une baisse d’efficacité de 22% dans le domaine UVB et de 6% dans le domaine UVA) est toutefois beaucoup plus stable que Daylong actinica (avec une baisse d’efficacité de 32% dans le domaine UVB et de 43% dans le domaine UVA) (Couteau C., Coiffard L. Comparaison in vitro de l’efficacité et de la photostabilité de trois crèmes antisolaires, Annales de dermatologie et de vénéréologie, 2010, 137, 95 – 99).

2017 : le dispositif médical Eau thermale Avène SunsiMed (prévention des kératoses actiniques, des cancers cutanés (hors mélanomes) et du photovieillissement cutané) ne manque pas de nous intriguer à nouveau. Les consignes d’utilisation sont précisées : application généreuse (un nombre de pression est conseillé selon la zone que l’on souhaite protéger), ré-application en cas d’exposition prolongée (il serait bon de définir ce que l’on entend par là).

Nous avons démontré, dans le Regard « Avène, un bon réflexe quand on va au soleil », que les produits cosmétiques Avène qui associent suffisamment de filtres UV dans un excipient dont la composition est « sans défaut » sont des PPS à privilégier. Respect du SPF affiché, absence d’ingrédients indésirables… autant de bons points qui permettent à tous (sujets à risques élevés ou non) de s’exposer au soleil (avec modération toutefois) dans les meilleures conditions.

On nous présente aujourd’hui un DM (photo-protecteur) plus efficace que les cosmétiques (photo-protecteurs) efficaces de la même marque.

Le concept n’est pas sans rappeler le célèbre sketch de Coluche sur la publicité : « Je m'excuse de vous déranger, Monsieur Omo... Le nouvel Omo, est ce qu'il lave plus blanc que l'ancien Omo ?
- Heu... il lave plus blanc, le nouvel Omo !
- Mais l'ancien Omo, il lave... moins blanc alors ?
- Non, l'ancien Omo, Il lave... blanc !
- Ah bon... Parce que moi, heu, blanc, je sais ce que c'est comme couleur c'est blanc. Moins blanc que blanc, je m'doute. Ca doit être gris clair ! Mais plus blanc que blanc j'vois pas... Qu'est-ce que c'est comme couleur ?
- C'est nouveau, ça vient de sortir ! »

D’un côté un PPS qui affiche un niveau de protection élevé (SPF 50+) donc qui protège des UV et donc des cancers cutanés photo-induits (mais qui n’a pas le droit de le dire car un cosmétique ne peut ni guérir ni prévenir une maladie), de l’autre un dispositif médical photo-protecteur qui n’affiche pas de niveau de protection mais qui protège tout de même des UV (et donc des cancers cutanés photo-induits) du fait de la présence de filtres UV dans sa formule (on aura remarqué que les filtres UV utilisés sont les mêmes que dans la gamme solaire cosmétique évoquée précédemment) et qui base sa communication sur la prévention des cancers cutanés. Comme aurait dit Coluche, le concept est étonnant, « C’est nouveau, ça vient de sortir ! ».

Pour en savoir plus sur le niveau d’efficacité du DM SunsiMed, nous l’avons testé par méthode in vitro. Un SPF de 60 et un facteur de protection UVA de 30 sont obtenus. Pour le reste ne disposant que d’une liste d’ingrédients très incomplète, nous ne pouvons pas réaliser une analyse critique de la formule.

La coexistence sur le marché de deux statuts différents pour des produits similaires est extrêmement préoccupante.

Il est impossible de concevoir une photo-protection à deux vitesses avec d’une part des cosmétiques (à la composition transparente, à l’indice de protection affiché) et d’autre part des dispositifs médicaux (à la composition inconnue et à l’indice de protection non révélé). La concurrence déloyale n’est que trop criante !

Eau thermale Avène – SunsiMed : Avene thermal spring water, methylene bisbenzotriazolyl tetramethylbutylphenol, bis-ethylhexyloxyphenol methoxyphenyl triazine, diethylhexyl butamido triazone, butylmethoxydibenzoylmethane, benzoic acid, caprylyl glycol, tocopheryl glucoside excipients.

Pour mémoire, les cosmétiques de la gamme cosmétique solaire :

Eau thermale Avène – crème très haute protection SPF 50+ : Avene thermal spring water, C12-15 alkyl benzoate, methylene bisbenzotriazolyl tetramethylbutylphenol [nano], aqua, diisopropyl adipate, pentaerythrityl tetracaprylate/tetracaprate, dicaprylyl carbonate, bis-ethylhexyloxyphenol methoxyphenyl triazine, diethylhexyl butamido triazone, aluminium starch octenylsuccinate, butylene glycol, butyl methoxydibenzoylmethane, potassium cetyl phosphate, decyl glucoside, glyceryl stearate, PEG-100 stearate, acrylates/C10-30 alkyl acrylate crosspolymer, benzoic acid, caprylic/capric triglyceride, caprylyl glycol, disodium EDTA, parfum, glyceryl behenate, glyceryl dibehenate, hydrogenated palm glycerides, hydrogenated palm kernel glycerides, propylene glycol, sodium hydroxide, tocopherol, tocopheryl glucoside, tribehenin, xanthan gum.

Eau thermale Avène – réflexe solaire enfant 50+ : Avene thermal spring water, C12-15 alkyl benzoate, dicaprylyl carbonate, methylene bisbenzotriazolyl tetramethylbutylphenol, aqua, glycerin, bis-ethylhexyloxyphenol methoxyphenyl triazine, diethylhexyl butamido triazone, diisopropyl adipate, butylmethoxydibenzoylmethane, cetearyl isononanoate, lauryl glucoside, polyglyceryl-2 dipolyhydroxystearate, decyl glucoside, benzoic acid, caprylic/capric triglyceride, caprylyl glycol, citric acid, disodium EDTA, glyceryl behenate, glyceryl dibehenate, hydrogenated palm glycerides, polyacrylate-13, polysorbate 20, propylene glycol, sorbitan isostearate, tocopherol, tocopheryl glucoside, tribehenin, xanthan gum.

Un grand merci à Mme Eva Paparis pour la détermination expérimentale des valeurs mentionnées.

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