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Réponse à UFC Que choisir : on marche aussi sur la tête

> 16 juin 2017

Réponse à UFC Que choisir : on marche aussi sur la tête Se procurer l’UFC Que choisir du mois de juin s’avère mission impossible. Les buralistes nantais qui ont encore à disposition l’UFC Que choisir sur l’huile d’olive (« Non merci, je recherche l’UFC Que choisir sur les cosmétiques ») sont démunis, lorsque nous leur parlons cosmétiques. Ils viennent de vendre le seul exemplaire qu’ils ont reçu. Ils sont désolés, mais ils ne pensent pas pouvoir être réapprovisionnés. L’un deux, le plus déprimé, nous dit même « Oh, vous savez la presse… ». Nous nous contenterons d’aller glaner de l’information sur le site de l’association (https://www.quechoisir.org/action-ufc-que-choisir-substances-indesirables-dans-les-cosmetiques-plus-de-1000-produits-epingles-n43736/).

60 millions de consommateurs (http://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/60-millions-de-consommateurs-on-marche-sur-la-tete-245/) et l’UFC Que choisir ont décidé de faire peur à nos concitoyens et de leur faire délaisser les cosmétiques conventionnels au profit de recettes ancestrales. Frottons-nous à l’argile (attention à ce qu’elle ne soit pas contaminée par des métaux lourds) le matin sous la douche, brossons-nous les dents au bicarbonate de sodium (attention à ne pas y aller trop fort tout de même !), lavons-nous les cheveux avec une omelette (attention la coquille d’œuf peut s’avérer tranchante !), maquillons-nous au jus de betterave (si elle est aussi bonne esthéticienne qu’elle est bonne pour le palais, on a quelques doutes), décolorons-nous les cheveux au jus de citron comme les belles Vénitiennes du XVIe siècle (attention à ne pas s’exposer au soleil au risque de conserver quelques taches pigmentaires en souvenir !)

La vie sans cosmétiques risque d’être bien triste !

La circulaire dite de Villejuif (1976) qui établit une liste d’additifs plus dangereux les uns que les autres (on parlait alors principalement d’effet cancérigène) est oubliée de la plupart des gens à l’heure actuelle. Elle témoigne de la volonté, pour certains, d’alarmer la population en ciblant tel ou tel ingrédient et en lui imputant des effets supposés.

L’enquête de l’UFC Que choisir mérite que l’on s’y arrête. Trouver des substances interdites par la Réglementation européenne dans des cosmétiques mérite d’être signalé et il n’est pas normal de continuer à voir circuler des produits non rincés contenant de la méthylisothiazolinone… Un bon point pour l’UFC !

Ce n’est pas normal d’en trouver tel autre qui renferme de l’isobutylparaben. Un 2e bon point !

Faire un amalgame entre médicaments et cosmétiques n’est pas souhaitable. C’est pourtant ce qui est fait lorsqu’il est question de Mitosyl et des produits contre les poux et les lentes de marque Item qui ne sont pas des cosmétiques, mais bien des médicaments. Pour la distribution des bons points, c’est fini ; on passe au mauvais point !

L’industrie cosmétique a l’habitude d’être critiquée. Elle va entraîner, cette fois-ci, dans sa chute l’industrie du médicament. Le cas du médicament Mitosyl est mis en avant. Il s’agit d’une pommade composée d’oxyde de zinc et d’huile de foie de poisson incorporés dans un excipient à base de salicylate de méthyle, d’eau purifiée, d’essence de géranium, de vaseline, de butylhydroxyanisole, de lanoline. Alors que l’UFC ne détecte que la présence de BHA comme ingrédient « indésirable ». Nous allons beaucoup plus loin. Aussi loin que la Haute Autorité de Santé qui reconnaît peu de qualités à ce médicament utilisé traditionnellement pour traiter les fesses des nourrissons en cas d’érythème fessier. Son avis du 21 septembre 2011 est sans appel : « La spécialité MITOSYL IRRITATIONS ne présente pas d’intérêt de santé publique. L’utilisation de MITOSYL IRRITATIONS expose à un risque d’effets indésirables cutanés (risque d’eczéma dû à la présence de lanoline et de butylhydroxyanisol) et systémiques (risque d’hypervitaminose). En l’absence de donnée d’efficacité, le rapport efficacité/effets indésirables de cette spécialité ne peut être apprécié. » (https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2011-10/mitosyl_irritations_-_ct-10888.pdf).

Vue la zone d’application (siège), vu l’état de celle-ci (érythème fessier), on comprend que quelques précautions soient prises en mémoire des nourrissons décédés suite à l’affaire du talc Morhange.

Notons que dans le domaine de la réglementation des cosmétiques, une transparence totale existe, puisque la liste intégrale des ingrédients doit figurer sur l’emballage et qu’un certain nombre d’allergènes doivent être signalés, ce qui n’est pas le cas dans le domaine pharmaceutique. On remarquera que la Haute Autorité de Santé ne parle pas d’effet « perturbateur endocrinien » pour le BHA mais d’effet allergisant. Ce BHA est un additif qui, bien que considéré comme excipient à effet notoire dans le domaine pharmaceutique, ne fait l’objet que de très peu de notifications publiées de cas d’allergies (T. Bourrier, Intolérances et allergies aux colorants et additifs, Revue Française d'Allergologie et d'Immunologie Clinique, 46, 2, 2006, Pages 68-79) contrairement à d’autres molécules. Notons également que la lanoline fait l’objet d’une controverse depuis des années et que si elle mérite d’être supprimée d’une catégorie de produits c’est bien de celle des médicaments.

En ce qui concerne le shampooing Item antipoux (statut de médicament) (caramel E 150, sodium chlorure, acide lactique, glycérides polyglycolysés, lipoaminoacide sodique, chèvrefeuille 515560 parfum, coprah diéthanolamide d'acides gras, p-hydroxybenzoate de méthyle sodique, p-hydroxybenzoate de propyle sodique), nous ne voyons pas de « conservateur puissamment allergisant ».

Dresser des listes longues comme plusieurs bras mis bout à bout « d’ingrédients indésirables » ne semble pas très raisonnable. C’est en stigmatisant, en effet, les parabens (conservateurs sûrs et efficaces) que l’on ouvre la porte à d’autres conservateurs (moins sûrs et moins efficaces – on se rappellera, à l’occasion, que l’on est retourné chercher la méthylisothiazolinone – MIT - pour la ressortir d’un oubli qui aurait dû la garder définitivement).

« Les perturbateurs endocriniens sont partout » (faire un large geste circulaire de la main simulant des vaguelettes, en disant cela !) si l’on en croit cette association.

Le BHA, perturbateur endocrinien. L’éthylhexyl méthoxycinnamate, perturbateur endocrinien. Benzophénones, perturbateurs endocriniens. Triclosan, perturbateur endocrinien. Cyclométhicone, perturbateur endocrinien.

Nous sommes étonnées que cette notion de perturbateur endocrinien ne concerne que les molécules de synthèse. Nous sommes étonnées que les parabens (possédant un effet oestrogénique des milliers à des millions de fois moins important que le 17-bêta oestradiol) soient montrés du doigt alors que les extraits végétaux seraient, quant à eux, d’une grande sécurité. C’est vouloir ignorer que les phyto-oestrogènes de soja sont, selon les auteurs, seulement 10 ou 100 fois moins oestrogéniques que le 17-bêta oestradiol (http://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/ces-molecules-qui-perturbent-le-milieu-cosmetique-106/). Que dire de la racine de kudzu (effet 100 fois moins oestrogénique que le 17-bêta oestradiol) (http://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/la-racine-de-kudzu-un-exemple-vegetal-a-effet-oestrogenique-reconnu-107/), du houblon…

Le lauryl sulfate de sodium est un tensioactif irritant. On ne souhaite, bien sûr, pas le retrouver dans les shampooings où il représente, quand on y a recours, une part importante de la formule, encore moins dans une crème de jour car dans ce cas il restera en contact avec la peau plusieurs heures, du fait de l’absence de rinçage. Ce tensioactif est traqué impitoyablement dans tous les dentifrices qui, traditionnellement, incorporent cet agent moussant. Il n’y a donc plus moyen de se laver les dents, en toute sécurité. Certains dentifrices auraient même décidé notre mort en cumulant dans un même produit cosmétique : agent irritant (lauryl sulfate de sodium), agent toxique pour le foie (phénoxyéthanol), perturbateurs endocriniens en tous genres (triclosan, parabens…). Et cela, sans parler des allergènes ! Soyez raisonnables, mesdames et messieurs les rédacteurs !

Nous sommes étonnées de ne pas voir figurer dans cette liste l’alcool, qui, à nos yeux, est nettement plus gênant que les autres ingrédients évoqués ci-dessus ou les dérivés du bore (acide borique, borax, nitrure de bore) dont la toxicité est avérée (ansm.sante.fr/.../Mise-en-garde-25072013Acide-borique-preparations+hospitalieres.p).

Ce type d’enquête ne peut que pousser le consommateur vers la réalisation de recettes-maison, pour le coup peu recommandables puisque les consommateurs n’ont ni les moyens (une cuisine n’est pas un laboratoire capable de contrôler la qualité des matières premières reçues) ni les connaissances suffisantes pour mettre au point des cosmétiques de qualité, sûrs pour la santé.

Au regard de la multiplication des blogs-beauté et des tutoriels visant à exposer la marche à suivre pour formuler "une crème solaire naturelle formidable", il nous semble important de pointer du doigt le vrai problème. C’est en créant un sentiment de peur vis-à-vis de l’industrie cosmétique que l’on risque de déclencher des crises sanitaires préjudiciables à tout le monde.

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