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Les vergetures, c’est pas le top !

> 15 mai 2017

Les vergetures, c’est pas le top ! Les vergetures, également appelées striae albae du fait de leur aspect et de leur couleur, désignent, étymologiquement, les traces laissées par des coups de verge, longues baguettes servant de fouet. Il s’agit de bandes cutanées d’aspect cicatriciel dues à une atteinte des fibres élastiques et du collagène du derme. Elles se présentent sous forme de lésions linéaires, souples, de couleur initialement rouge-violacé, puis nacrée en phase cicatricielle. Le derme ne permettant plus de soutenir l’épiderme, ce dernier apparaît plissé.

Ces lésions peuvent avoir différentes causes : les différentes situations au cours desquelles une prise de poids est observée (obésité, grossesse), certains traitements médicamenteux (corticoïdes, contraceptifs oraux, préparations dépigmentantes illicites à base d’hydroquinone, de corticoïdes, de dérivés mercuriels) (L. Coiffard & C. Couteau - La formulation cosmétique à l'usage des professionnels et des amateurs, Les Editions le Moniteur des pharmacies, 2014, 264 pages).

Les vergetures surviennent fréquemment au décours de la grossesse. Selon les auteurs, le pourcentage de femmes touchées varie de 55 à 90% ! Ces lésions ne sont, bien sûr, pas d’apparition récente. Les femmes enceintes en souffrent depuis toujours. Le poète Ovide fait allusion, dans ses écrits, à des femmes qui, redoutant, entre autres, les vergetures, souhaitaient mettre un terme à leur grossesse pour des raisons purement esthétiques.

Pline l’Ancien et Soranos d’Ephèse recommandent respectivement l’eau de mer et l’huile d’olive pour le traitement des vergetures. L’encens est également un ingrédient très fréquemment retrouvé dans les recettes antiques.

On a pu constater, écrits à l’appui, que l’altération de la qualité de vie (c’est ainsi que l’on désigne le malaise suite au développement de ce type de lésions entre autres) a touché les femmes de toutes les civilisations et à toutes les époques. Pour prévenir leur apparition, elles se tournent, tout naturellement, vers les cosmétiques. Elles n’emploient pas systématiquement des cosmétiques anti-vergetures. Une étude réalisée, au Japon, en 2014, auprès de 150 femmes enceintes, a, en effet, montré que celles-ci se tournent, majoritairement (à 77% !) vers les produits hydratants. Si le maintien d’un bon niveau d’hydratation de la peau est nécessaire, il ne suffit pas pour prévenir ce type de lésions (K. Yamaguchi, N. Suganuma, K. Ohashi, Prevention of striae gravidarum and quality of life among pregnant Japanese women, Midwifery, 30, 6, 2014, 595-599).

Actuellement, les produits anti-vergetures misent sur les corps gras, sur les extraits végétaux (prêle, millepertuis, hydrocotyle, alchémille...), sur les vitamines (B, C, E)… Des extraits d’hydrocotyle (Centella asiatica) incorporés dans une émulsion semblent avoir fait leurs preuves lors d’études menées contre excipient.

Les corps gras (huiles d’amande douce et d’olive) semblent, en revanche, assez peu efficaces. D’autres préparations à base de vitamine E, d’acide hyaluronique et d’acides gras insaturés donnent des résultats très légèrement positifs. Il est difficile de savoir si l’amélioration de l’état de la peau est due au massage effectué ou aux actifs incorporés. Les corps gras étant considérés comme des ingrédients actifs dans le domaine de la prévention des vergetures, il est difficile de réaliser une étude contre excipient (ici, l’excipient étant lui-même censé être actif !).

En ce qui concerne l’efficacité de l’huile d’olive, des chercheurs iraniens ont apporté une réponse de normand à la question posée (P’têt ben qu’oui, p’têt ben qu’non). L’huile d’olive réduit la sévérité des lésions (ça marche !), mais pas de manière significative (zut, ça marche pas !) (F. Soltanipoor, M. Delaram, S. Taavoni, H. Haghani, The effect of olive oil on prevention of striae gravidarum: A randomized controlled clinical trial, Complementary Therapies in Medicine, 20, 5, 2012, 263-266).

Deux ans plus tard, la même équipe enfonce le clou : ni l’huile d’olive, ni la crème du commerce testée (celle-ci renferme de la lanoline et de l’huile d’amande douce) ne sont efficaces sur les vergetures (F. Soltanipour, M. Delaram, S. Taavoni, H. Haghani, The effect of olive oil and the Saj® cream in prevention of striae gravidarum: A randomized controlled clinical trial, Complementary Therapies in Medicine, 22, 2, 2014, 220-225).

En 2016, à la question « Est-il possible de prévenir la survenue de vergetures durant la grossesse ? » une équipe chinoise répond, avec un bel optimisme : « absolument pas ». La maîtrise du poids est l’élément-clé mis en avant ! (Ebru Ersoy, Ali Ozgur Ersoy, Esra Yasar Celik, Aytekin Tokmak, Sibel Ozler, Yasemin Tasci Is it possible to prevent striae gravidarum? Journal of the Chinese Medical Association, 79, 5, 2016, 272-275).

C’est maintenant au tour du beurre de cacao d’être mis sur la sellette : même constat. C’est une équipe jamaïcaine qui, cette fois-ci, fait tomber le couperet : « Le beurre de cacao ne prévient pas les vergetures de la grossesse » (K. Buchanan, H. M. Fletcher, M. Reid, Prevention of striae gravidarum with cocoa butter cream International Journal of Gynecology & Obstetrics, 108, 1, 2010, 65-68).

En ce qui concerne les traitements médicamenteux. L’association trétinoïne (vitamine A acide à la dose de 0,05%) et acide ascorbique (10%) ou acide glycolique (20%) s’avère efficace dans 47% des cas réduisant de manière significative la longueur et la profondeur des stries (B. Farahnik, K. Park, G. Kroumpouzos, J. Murase, Striae gravidarum: Risk factors, prevention, and management, International Journal of Women's Dermatology, 2016).

Les vergetures constituent un problème esthétique rencontré par un grand nombre de femmes à travers le monde. Le point positif : on constate un consensus international ; le point négatif : ce consensus est basé sur le fait que rien ne semble efficace !

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