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Les cosméceutiques ou les dermocosmétiques made in US

> 02 mars 2017

Les cosméceutiques ou les dermocosmétiques made in US Dans les années 1990, l’agence américaine de contrôle de la publicité, la National Advertising Division, s’intéresse de près à un certain nombre d’allégations cosmétiques. Le produit Lancaster Vital Oxygen Supply Skin Therapy présenté comme un produit hydratant est, en particulier, placé sous le feu des projecteurs. Il est indiqué qu’au bout de 14 jours, l’oxygénation cutanée est augmentée de 100% et que les rides sont visiblement réduites. L’analyse des tests de mise en évidence de l’efficacité fournis par la marque va finalement satisfaire l’agence qui conclut que les allégations mentionnées sont en effet soutenues par des tests scientifiques satisfaisants (Myra O. Barker, Cosmetics and over-the-counter drugs : Winners and losers, American Journal of Contact Dermatitis, 6, 1, 1995, 45-48). La question de l’efficacité des produits cosmétiques est alors au cœur des préoccupations. Et on en vient à souhaiter la création d’une catégorie de cosmétiques à « l’efficacité prouvée » (ce qui peut étonner !!!). Le nom de "cosméceutique" conviendrait parfaitement...

Ce terme "cosméceutique" est donc déjà un peu ancien. Il a, en fait, été inventé, en 1961, par Raymond Reed, un des membres fondateurs de l’US Society of Cosmetics Chemists. En réalisant la contraction de (Cosme)tics et de Pharma(ceuticals), Raymond Reed réalise un mot-valise qui va connaître un réel succès, quelques années plus tard. La création de cette nouvelle catégorie de produits vise à permettre de distinguer les bons produits (produits cosmétiques renfermant des actifs ayant fait la preuve de leur efficacité) des mauvais produits (produits cosmétiques dénués de toute efficacité et n’ayant fait l’objet d’aucun test fiable). A l’époque, l’industrie cosmétique en est encore à ses balbutiements et bien des promesses faites sont loin d’être tenues. A la fin des années 1970, le Dr Albert Kligman (considéré à tort comme le père des cosméceutiques), s’empare du concept et l’applique au traitement du vieillissement cutané photo-induit, sujet qui lui tient tout particulièrement à coeur (Amy E. Newburger, Cosmeceuticals: myths and misconceptions, Clinics in Dermatology, 27, 5, 2009, 446-452). En 2000, Albert Kligman dans un curieux article intitulé «Cosmétiques – un dermatologue regarde vers l’avenir – promesses et problèmes » revient sur les motivations qui lui ont fait « créer » cette nouvelle catégorie de produits. La définition du cosmétique lui semble alors complètement archaïque et inadaptée. La modification d’une fonction physiologique, une action pharmacologique démontrée… constituent, pour lui, les bases de la cosmétologie moderne. Il évoque le terme de cosmétique thérapeutique ou dermatocosmétologie (Albert M. Kligman, Cosmetics : A Dermatologist Looks to the Future: Promises and Problems, Dermatologic Clinics, 18, 4, 1, 2000, 699-709).

A l’heure actuelle, les cosméceutiques ne sont toujours pas reconnus officiellement par la FD & C Act (Federal Food, Drug, and Cosmetic Act) qui présente cette dénomination comme un élément avancé par l’industrie cosmétique pour promouvoir des produits présentés comme possédant des propriétés médicinales ou susceptibles de procurer des bénéfices analogues à ceux des médicaments (https://www.fda.gov/Cosmetics/Labeling/Claims/ucm127064.htm). On nage donc dans le flou le plus complet.

L’histoire de ces cosméceutiques n’est donc pas sans rappeler celles de nos dermocosmétiques français. Il est important de se reporter systématiquement à la réglementation en vigueur. Il n’y a, en 2017, pas d’entre-deux, même si certains avancent le terme de « zone grise ». Un produit sera donc soit un cosmétique soit un médicament. La création d’une catégorie intermédiaire nécessitera réflexion et modification des textes en vigueur, ce qui n’est pas pour demain.

Lire aussi les Regards "Dermocosmétiques (1/2)" et "Dermocosmétiques (2/2)"

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