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Crème Simon, un simple glycérolé d’amidon

> 19 mars 2017

Crème Simon, un simple glycérolé d’amidon

C’est en 1860, que commence l’histoire de la crème Simon. Joseph Simon, un jeune pharmacien plein d’imagination (et d’ambition, si l’on en croit la suite de l’aventure) aimait, nous dit-on, à se promener, au cours de longues balades, le long du Rhône. Il y croisa, plus d’une fois, des lavandières dont les mains soumises à rudes épreuves, et ce par tous les temps, n’avaient pas le velouté que l’on peut attendre des mains d’une femme. L’habitude de réaliser des préparations topiques dans son laboratoire à l’usage de ses patients lui fit entrevoir la possibilité d’élargir sa clientèle en mettant au point une crème-barrière capable de protéger la peau, même dans les conditions les plus extrêmes. Crème-miracle, résultats extraordinaires sur le teint, voilà rapidement la rumeur qui enfle et notre Joseph Simon à la tête d’une jolie petite entreprise. Le véritable miracle n’est pas tant dû à la popularité de la crème en question qu’aux résultats prétendument obtenus au regard de son extrême simplicité (librement inspiré de : https://www.creme-simon.com/heritage/).

Simples, il n’y a pas d’autre qualificatif pour désigner les premières crèmes mises sur le marché à cette époque. Nous avons déjà évoqué le cas de la crème Diadermine (https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/diadermine-la-creme-a-tout-faire-168/), une crème au savon et à la glycérine, crème présentée comme une « crème protectrice » formidable. Cette crème médicinale plait pour son caractère « médical » et l’absence de parfum.

Dans le cas de la crème Simon, il n’en est pas de même. Cette crème est parfumée et même très parfumée. En fait la crème Simon n’est, en réalité, une crème que de nom car il ne s’agit absolument pas d’une émulsion, mais bien plutôt d’une pâte, composée d’oxyde de zinc (90 grammes), d’un glycérolé d’amidon (1500 grammes) et d’un parfum complexe constitué de coumarine, d’héliotropine, de musc cétonique, de complexe de rose rouge, de teinture de fève Tonka, de teinture de benjoin de Siam, de teinture de bois de Panama (92,70 grammes soit 5,8 % quand même, s’il vous plait). Le glycérolé d’amidon est une préparation assez longue à réaliser. Il convient de délayer l’amidon de blé (300 à 750 grammes) dans un mélange d’eau (100 grammes) et de glycérine (1300 grammes). On chauffera la préparation (au bain-marie à 100°C), sans se décourager, le temps nécessaire pour obtenir une préparation de consistance épaisse. Il ne faut pas de cesser d’agiter la préparation à la spatule si l’on ne veut pas tout faire rater. En comparant composition et allégations retrouvées sur les publicités anciennes, nous allons jouer au jeu du vrai ou faux.

« Vous êtes sans excuses Madame, de confier le satin de votre épiderme délicat à des produits douteux, quand vous avez sous la main la bienfaisante crème Simon » indiquait le slogan publicitaire accompagné d’un doigt vengeur pointé vers une belle éplorée qui ne savait que baisser la tête en de telles circonstances. C’est ce tableau qu’avait la consommatrice en feuilletant les pages de son magazine préféré, au tout début du XXe siècle. Vrai - La crème Simon ne possède pas une composition douteuse. Les ingrédients (oxyde de zinc, eau, amidon, glycérine) sont sans soucis. Seul bémol, un parfum un peu agressif du point de vue de son allergénicité !

En 1925, les publicités se font pédagogiques : une jeune femme présente un phylactère sur lequel on peut lire la routine à suivre si l’on veut obtenir un teint aussi enviable que le sien. « La crème Simon doit être appliquée sur une peau encore humide, après les ablutions. Exempte de tous corps gras, elle se dilue au contact de l’eau et un léger massage avec le doigt suffit à la faire pénétrer dans les pores de la peau. Sécher alors et poudrer. Vous éviterez ainsi tout aspect brillant à votre visage. » Vrai. La crème Simon ne contient pas une once de corps gras. C’est d’ailleurs ce qu’on peut lui reprocher. Une huile, un beurre apporterait une onctuosité très appréciée... La seule présence d’oxyde de zinc ne peut justifier l’effet matifiant revendiqué.

Une variante existe qui ajoute : « et conserverez à votre teint la fraîcheur de la jeunesse. » Faux. Aucun actif anti-rides n’est visible à l’horizon.

Un doigt sur les lèvres, quelques années plus tard, une jeune femme semble cacher un secret : « Elle ne doit le répéter à personne, ni surtout à une autre femme, c’est par l’usage de la crème, de la poudre, et du savon Simon » que sa peau a la « transparence du cristal et le velouté du beau fruit ». Faux. La composition très simple de la crème Simon ne permet pas d’illuminer le teint à ce point.

En revanche, le procédé du secret est plutôt bon. Dites à une femme de ne pas répéter un secret et celui-ci sera éventé en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire !

Enfin, c’est en maillot de bain une pièce (il ne faut pas exagérer quand même !) qu’une jeune femme vante les mérites d’une crème Simon qui
« préserve du coup de soleil, du hâle, des rougeurs. » Faux. L’oxyde de zinc n’étant pas un filtre UV efficace, la peau n’est pas protégée des coups de soleil après application d’une préparation exempte de tout autre filtre.

La crème Simon, des allégations un peu excessives au regard de sa composition... une crème qui doit beaucoup aux talents des publicistes... finalement, rien ne change sous le soleil !

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